POLICE LES AGENTS TRES SPECIAUX DU ROCK Épisode 2

The PoliceVoici 41 ans dans BEST, GBD réussissait le tour-de-force de réunir dans un bureau de Chelsea les trois frères Copeland : Stewart, le batteur de Police, Miles, le manager du groupe et big boss d’IRS records et Ian, le patron de l’agence de tournées FBI. Sachant que leur père, Miles senior s’était illustré dans l’OSS durant la seconde guerre mondiale, avant de fonder en tant que « conseiller spécial » la plupart des bureaux de la CIA du Moyen-Orient. De là à suspecter que le groupe Police ait pu utiliser les techniques de désinformation de la Company pour imposer son incroyable popularité… Épisode 2 !

The Police« Sans cape ni poignard », non ce n‘est pas le titre d’un roman d’espionnage de John Le Carré ou de Graham Greene… mais la réalité. C’est un traité éclairé sur les techniques de manipulation de l’opinion et de désinformation. Et si celles-ci ne portent pas leurs fruits, la technique ultime et définitive la « termination with extreme prejudice »… soit la liquidation pure et simple. Intitulé « Without Cloak or Dagger », le livre de 1974 est signé d’un certain Miles Copeland, lequel malgré son patronyme n’était pas flic ( cop) mais espion pour la fameuse Company qui siège à Langley, soit la CIA… l’agence de renseignements US qu’il a contribué à fonder, lorsqu’elle a remplacé  son ancêtre l’OSS à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. On dit même qu’il aurait appartenu au tout petit groupe de privilégies informés sur la nature de l’opération Overlord… soit la date du D Day, le Débarquement du 6 juin 1944. D’abord basé à Londres, puis principalement au Caire où son bureau jouxtait celui du raïs, Gamel Abdel Nasser, Copeland va « essaimer » de précieux et efficaces bureaux de la CIA dans la plupart des capitales du Proche Orient. C’est ainsi que de Damas à Bagdad en passant par Téhéran ou Aman, notre super-espion enracine profondément ses réseaux au sein des appareils sécuritaires de tous ces pays. Machiavélique, Copeland était réputé toujours parvenir à ses fins. S’il prend officiellement sa retraite au tournant des 60’s, il ne fera jamais démentir l’adage : espion un jour, espion toujours puisqu’il ne rompra jamais tout à fait ses liens avec la CIA, attestant même que George W. H Bush avait été son Directeur de la CIA favori. Mais pourquoi au fait je vous raconte toutes ces histoires de barbouzes du siècle dernier ? Tout simplement parce que Miles senior a eu trois fils : Miles junior, Ian et Stewart qui ont un beau jour décidé d’appliquer les méthodes de papa pour propulser un groupe de rock du néant jusqu’au étoiles et ce en un temps record. Le groupe en question est bien entendu Police. Et si le Clash a su inventer le « combat rock », Police a su imaginer une « conjuration rock » pour imposer sa domination mondiale. D’ailleurs, les Copeland ne s’en cachent pas : le nom du groupe de Stewart :  Police, le label/management de Miles : IRS comme Internal Revenue Service, soit les centres d’impôts US et la boite de production de concerts US :  FBI soit Frontier Booking Agency. Bref tous ces acronymes prouvent objectivement que pour assoir son succès, le trio blond peroxydé de reggae-rock blanc a su user des méthodes de la CIA. Pour décrocher un contrat d’artiste pour Police, mais pas que, pour organiser une première tournée US fondatrice d’un groupe British inconnu avec tout le tam tam  médiatique qui va avec, la « firme » Copeland a réussi un parfait sans faute dont l’aboutissement sera la signature sur le label A&M et le lancement d’un  hallucinant premier LP en  pleine vague punk de 78, le bien  nommé « Outlandos d’Amour ». Le reste appartient à l’histoire du rock mais en réunissant les trois frères Copeland à Londres cet hiver 81/82 j’avais la sensation de lever une partie du voile sur ces « agents très spéciaux » du rock… Épisode 2

Copeland Brothers

Copeland Brothers

Publié dans le numéro 162 de BEST sous le titre :

CIA… COPELAND INTERNATIONAL AGENCY

« Stewart : Miles avait trouvé le truc, il manageait des groupes de deuxième division dont la carrière allait sur le déclin. Dès que Miles les prenait en main, il les forçait à bosser jusqu’à ce qu’ils finissent par marcher à nouveau.

Curved Air ne marchait pas bien ?

S: Le groupe avait du succès, mais jusqu’à un certain point.

Miles.: On ne faisait pas trop d’argent avec Curved Air. Non, on gagnait de l’argent, mais le problème c’est que le groupe le dépensait encore plus vite.

S: Le gouffre, ça n’était pas tant les tournées que le train de vie dont les membres du groupe avaient fait leur quotidien.

M: Nous n’avions jamais pris conscience de la fragilité du succès ; tout pouvait s’écrouler. C’est ce qui s’est produit en 75. La conjoncture était désastreuse, tous les groupes que nous managions ont été touchés : Wishbone Ash s’est arrêté neuf mois de tourner pour se consacrer à un album qui s’est révélé être une vraie merde.

Quel LP était-ce ?

M: Je crois que c’était « Locked In », en tout cas, c’était affreux. J’ai dû fermer boutique, liquider ma société de management. J’ai perdu tous mes groupes : Ash, Curved Air, Climax Blues Band.

Stewart Copeland

Stewart Copeland

Tu n’as pas la sensation, plutôt, que c’est l’ensemble du business qui s’est disjoncté à cette époque ?

S: Tous ces groupes avaient pris goût à un certain confort matériel. Or, du jour au lendemain, les ventes se sont effondrées pour tout le monde. II ne restait plus qu’une poignée d’élus, là-haut, tout en haut de l’arbre dont la branche était tombée. Les musiciens concernés n’ont pas été assez vigilants face aux réalités. Moi, je me souviens d’en avoir discuté à l’époque avec Miles: combien ça coûte, combien de disques pouvons-nous espérer vendre. Je m’en souviens encore, il m’a répondu qu’il fallait déjà vendre 25 000 albums pour couvrir nos frais de production. Ça donne à réfléchir.

M: Tout ça, c’était trop de dépenses pour des résultats insuffisants. Le coût de ce succès d’estime était si élevé que ça n’était plus vraiment du succès. En tant que tourneur, lan a réalisé que les possibilités étaient assez limitées. Lors d’un voyage aux States, j’ai rencontré le patron d’une grosse boîte qui cherchait quelqu’un pour le seconder. Je lui ai dit que je connaissais le type idéal: mon propre frère. C’est ainsi que lan est parti à Macon, en Georgie, bosser pour la Paragon Agency. Il faisait tourner Lynyrd Skynyrd et tous les groupes rock sudistes du label Capricorn. Le départ de lan aux USA nous a permis de prendre pied sur le marché américain.

Stewart, as-tu l’impression que les occupations de tes frères ont… »

La porte s’ouvre pour laisser passer un mec

the Policelong et maigre en blouson bleu Police : lan, le troisième frère, débarque dans la pièce et l’interview. Miles se glisse vers le fond pour aller téléphoner. lan et Stewart se tapent sur l’épaule, se saluent en arabe : « Salut con de ta mère ! ». C’est marrant de voir les Copeland parler arabe avec leur accent yankee. Moi, bien sûr, je n’y ai rien compris, mais mon walkman recorder a été très impressionné, autant que les chastes oreilles de ma copine libanaise qui m’a traduit cette partie de l’interview de nos Kennedy du rock. Ma copine a même ajouté que, s’ils avaient vécu aussi longtemps au Liban, ils avaient dû en apprendre de belles sur la manière la plus rapide d’arnaquer autrui. Au bout d’un moment, Stewart se souvient qu’il est pressé, qu’il a de toute façon rendez-vous… Je le rattrape au vol:

« Par rapport à tes frères, Stewart…

S: La raison ? C’est que, si un groupe ne se décharge pas à 100 % sur son manager, il doit prendre lui-même un certain nombre de décisions. Dans ce cas, tu participes au business tout en doutant du mec parce que, neuf mois sur dix, le mec en question ramasse le blé, prétend s’occuper de tout, et au bout du compte, le groupe se retrouve sur la paille. Avec Police, c’est différent. Tous les trois, nous avons appris à ne jamais perdre de vue ce qui se passe du côté finances. Mais dans le même temps, c’est vrai qu’il règne une certaine confiance parce que nous n’avons pas de problème de parano. Je crois que nous sommes effectivement très unis, mes frères et moi. Nous savons que notre relation est mutuellement avantageuse.

Bref, tu n’es pas près de choisir un autre manager ?

S: Je pense que si Miles arrêtait tout, je devrais chercher quelqu’un pour le remplacer, mais pour l’instant…

Klark KentKlark Kent ( l’alias de Stewart lorsqu’il publie ses disques solos: NDR)  est-il aussi managé par Miles ?

S: Je ne sais pas. Mais par contre, certaines rumeurs laisseraient supposer que Miles et KK ne sont qu’une seule et même personne.

C’est aussi une histoire de famille et j’ai l’impression que la vôtre n’est pas étrangère au succès du groupe.

S: Il y a deux choses à distinguer. D’abord, la musique qui fait véritablement le succès du groupe et qui est l’œuvre d’un autre trio. Par contre, si tu veux connaître le nombre de disques d’or que nous avons pondus, c’est à un autre trio que tu dois t’adresser.

Hum… je crois avoir oublié ma calculatrice.

S: Ce que je veux dire, c’est que le succès commercial du groupe est du ressort de Miles, mais la qualité de la musique reste la prérogative du groupe.

M: Tu ne peux pas minimiser les choses en disant que le succès du groupe n’est l’œuvre que d’un seul facteur. Il n’y a pas que nous trois ici qui avons fait le succès de Police. Il y a aussi des gens comme Kim Turner. Kim est responsable de la qualité sonore du groupe sur scène.

S: C’est comme si tu prends une toile que tu aimes et que tu tentes de définir quelle est la couleur la plus importante. La réponse, c’est la combinaison du sujet, de la qualité de l’huile, de la toile.« 

Et Stewart disparaît derrière la porte retrouver sa moto et son rendez-vous.

FIRST STAR PUBLISHING

Ian Copeland

Ian Copeland

lan Copeland est sans conteste le plus cool de la famille. Sa boîte FBI (Frontier Booking International Agency) tourne bien sur 52 groupes aux States et dans certains pays. La plupart figure sur la BO « Urgh ! A Music War » ( Voir sur Gonzomusic  HEAVY METAL / URGH ! A MUSIC WAR) , un instantané de la 80’s génération à l’usage des suivantes. Comme l’agence de lan couvrait le continent US, il était le pivot idéal sur lequel édifier la première tournée américaine de Police. Le Police tour de la fin 78 devait ouvrir la première brèche de la new music sur le marché américain et achever de gagner la confiance d’A&M. Nos Rockin’ Curiaces ont relevé le défi : lan a mis sur pied une tournée dont le budget était parfaitement équilibré : huit semaines around the states dans un  simple camion. La prochaine tournée de Police débute en Europe avec deux concerts au Bourget, les 10 et 11 janvier. Ensuite, ce sera Boston et 30 dates dans des stades d’une moyenne de 20 000 places : on est loin du camion et des petits clubs de 78. Les Copeland se suivent et se ressemblent dans le succès : Miles possède tant de petites compagnies qu’il est carrément incapable de m’en tracer un organigramme complet. Stewart ne parlait-il pas de machiavélisme | Tout d’abord, il y a «First Star Limited», la boîte de management responsable de Police, dont le siège est ici même, sous les planches du bureau de Miles…

IRS logo« M: Ici c’est le centre; pour tout ce qui concerne les tournées de Police, c’est First Star, sous la responsabilité de Kim à titre d’associé. Nous avons une compagnie de disques, International Records Syndicate (IRS), qui est internationale par rapport à l’Angleterre.I RS est installé à Hollywood sur le «lot » d’A&M. Ici, nous avons aussi constitué Faulty Products qui est à la fois un label et une société de distribution opérationnelle, même aux States, puisqu’elle y distribue les Dead Kennedys. Enfin, il y a First Star Publishing, la boîte d’éditions musicales, et Dazzle Born, qui distribue tout le merchandising (T-shirts, badges, posters…). Si la distribution pour certains groupes reste indépendante, c’est que nous avons découvert assez tôt que les grosses boîtes sont adaptées à certains types de groupes, mais pour un groupe totalement underground, la machine est trop lourde. Le label indépendant et Faulty Products nous laissent une issue parallèle pour promouvoir certains artistes: au sein de notre propre organisation, il nous reste toujours une issue de secours.

Tu diriges toutes ces sociétés ?

M: Heu. oui.

Quel cadre juridique as-tu choisi ?

Toutes mes boîtes sont constituées en mode S.AR.L.

Quelles sont les relations de toutes ces sociétés entre elles ?

M: C’est assez complexe. En fait, nous ne sommes pas si bien organisés que nous en avons l’air. J’avoue que, parfois, c’est même un peu confus pour nous. Nous voulons éviter la structure trop lourde des multinationales.

J’ai l’impression que les choses se passent un peu ainsi: un petit groupe vient te voir, tu le signes sur un de tes labels, Illegal ou Step Forward, et si ça marche, tu le distribues par le canal A&M.

M: Nous l’avons fait au début, c’est vrai, mais maintenant, c’est fini. Nous avons grandi, donc nous avons plus de moyens. Les Go Go’s ( Voir sur Gonzomusic GO GO GO GO AVEC LES GO GO’S ET (OIN)GO (BOIN)GO )  par exemple marchent bien, elles nous font gagner de l’argent, donc je n’ai nul besoin de les envoyer ailleurs.

 À quoi va ressembler le futur des Copeland ?

Miles Copeland

Miles Copeland

M: Personnellement, je suis très branché parla télé : je voudrais bien réaliser une série de bon rock-shows à distribuer dans le monde. Il y a aussi les films sur Police et les Go Go’s dont je suis le producteur exécutif. Mon frère Stewart veut aussi devenir réalisateur. Depuis des années, il s’entraîne sur une petite 8mm, il vient de passer en 16 mm, et rêve de brûler les étapes.

Crois-tu que ce soit compatible avec sa carrière de rock star ?

M: Police a toujours posé comme règle une absence totale de restriction. Sting tourne un film en ce moment, Andy fait des photos et prépare une expo en Irlande, et Stewart travaille sur une production pour la télé. Mais ils restent Police. Cette année, ils ont pris quatre mois de vacances, c’est suffisant pour tourner un film Les choses évoluent vite et c’est important pour que Police conserve sa fraicheur. Police ne sera jamais rasoir, plus ils font de trucs sur d’autres terrains, plus ils s’enrichissent. La bagarre que la famille mène depuis toutes ces années n’est pas intéressante seulement parce que nous sommes frères, mais parce que nous avons mené simultanément le même combat sur différents domaines qui se complètent: nous avons  tenté d’imposer la new music contre la fantastique opposition des radios et des maisons de disques. On s’est entr’aidé et c’est normal. Police nous a donné la force et la puissance nécessaire pour former le reste, mais c’est grâce à lan, qui était le plus gros tourneur des States, que le groupe a pu s’imposer sur toutes ces scènes. C’était le premier groupe de l’histoire du disque à tourner aux U.S.A. sans le support d’un disque… Aujourd’hui, la new wave a gagné l’Amérique; en deux ans, nous avons gagné 15 à 20 % du marché. Nous sommes une force pleine de cohésion, trois frères dévoués aux mêmes choses, mais nous ne sommes pas seuls. J’ai un jeune mec de 22 ans à la tête de I.RS. à LA, il y a Kim et les autres. Car il ne faut jamais oublier que nous avons aussi besoin des autres pour gagner. »

The PoliceDans le film sur Police projeté fin novembre sur Antenne 2, on voit un moment les trois musiciens se prosterner devant Miles. Gag ou euphémisme poussé à l’extrême ? La machine mise en place par les Copeland tourne à la perfection, c’est vrai, mais sans la musique du groupe, tout cela ne reposerait que sur un tas de sable. La situation de ces frangins les uns par rapport aux autres semble primordiale et une thèse de complot, vu leurs antécédents familiaux, paraît assez séduisante. Mais pourquoi, tout simplement, ne pas s’avouer que Police est étymologiquement commercial (plaire au plus grand nombre) parce qu’ils s’adressent au plus grand nombre. Je ne crois pas que Police brade la qualité en se reposant sur une image de marque. Le son a la spontanéité et la pêche de l’Angleterre, mais aussi le feeling et le poli de l’Amérique. Police, somme toute, c’est un langage universel, un espéranto pour la nouvelle vague, et au sens large, le plus grand groupe de rock actuel. Cela dit, Miles est un sacré arnaqueur: le «reportage » sur Police à la T.V. est une splendide promo d’une heure et, en plus, il se fait payer! Avec eux, il faut s’attendre à tout. Si, aux alentours du 10 janvier, on apprend qu’un dossier stratégique de la plus haute importance a été dérobé, inutile de jouer la surprise, mettez plutôt cela sur le compte de la CIA… la Copeland International Agency!

Voir sur Gonzomusic Episode 1 POLICE LES AGENTS TRÈS SPÉCIAUX DU ROCK

Publié dans le numéro 162 de BEST daté de janvier 1982

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