PHIL COLLINS SIMPLE COMME UN COUP DE PHIL
Voici 40 dans BEST GBD rencontrait pour la première fois ( avant de nombreuses autres occasions) et chez lui dans la campagne anglaise le chanteur leader de Genesis pour la publication de « Face Value » sa toute première et funky aventure solo marquée par l’immense succès planétaire de son hit FM doré à l’or fin le novateur « In The Air Tonight » dont la drum-machine allait devenir le mètre-étalon des prods à l’aube des années 80 avant de tomber dans la caricature. Flashback…
C’était ma première rencontre avec le débonnaire Phil Collins. Plus tard, au milieu des 80’s j’irai le filmer à Londres ou à Malaga avec Genesis. Mais en ce début 81 ; jeune reporter à BEST j’étais déjà ravi de croiser un des héros de mon adolescence. Comme le Floyd, Yes ou King Krimson , Genesis appartenait à ces groupes planants qui accompagnaient nos premiers joints. Interviewer Phil avait donc ce petit coté « passer de l’autre coté du miroir d’Alice ». Cependant, par bien des aspects ce petit reportage aux alentours de Londres allait préfigurer l’avenir des interviews musicales. D’abord sur le nombre d’intervieweurs. En général j’étais seul ou au pire du pire accompagné par un confrère de Libé ou de R&F. Le format « conférence de presse » était alors réservé à cannes et aux stars du ciné, pas à celles du rock. De même, sur la durée de l’entretien, là aussi en général c’est plutôt « sky the limite », la pauvre attachée de presse qui tentait de mettre fin à une discussion était généralement envoyée dans les roses par l’artiste désireux d’achever sa démonstration face au représentant de la presse. Ô tempora ô mores… hélas en matière de relation avec les labels, le pire, le bien pire était à venir. Mais c’est encore une autre histoire du rock, non ? Quant à Phil, franchement il faut louer son humilité et sa simplicité, à l’instar d’un Knopfler ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=knopfler ) lui aussi si cool. Pourtant dés ses 14 ans il est déjà enfant-star à la télé, bien avant de subjuguer les foules sur les scènes de Genesis. C’est sans doute dans cette longévité sous la lumière que Phil puise toute sa zenitude, sa simplicité. On découvre également au fil de ses propos son amour immodéré pour la black music, une passion peu retranscrite jusqu’à présent on va dire dans la musique de Genesis. Mais, dans ses propos sans filtres, Phil me promet que dorénavant cela allait changer. Flashback…
Publié dans le numéro 153 de BEST sous le titre
COLLINS : PHIL OU FACE ?
En Angleterre, sa tête est mise à prix depuis plus de 15 jours: c’est la ruée. LP public N° 1, on sait qu’il est capable de s’introduire dans n’importe quel foyer. La prudence est de rigueur. Ne craignez rien, si vous observez ce visage, jamais vous ne l’oubliez. Le cheveu court, l’œil dans le vide, une face ronde et mal rasée d’un Nicholson dans « Vol au-dessus d’un nid de coucous ». Sa tête couvre tous les murs de la cité, les pages des journaux et les plages sonores des radio-stations de tout le royaume… 5 £ivres, c’est le maximum. Le prix d’un visage : « Face Value », le premier Phil Collins solo affole les charts britanniques, comme I‘aiguille du compteur Geiger danse sur la radio-activité. Incroyable mais vrai : c’est la moisson d’hiver du chanteur-batteur de Genesis…
Roissy Airport, « meeting point», 10h du matin. Traveling avant sur 4 personnages qui se cachent derrière les verres fumés de leurs lunettes de soleil. Ces gens sont des chasseurs de têtes, lancés sur les traces de Collins par le département Promotion de WEA : des durs qui ne plaisantent pas. Leur mission (et ils l’ont acceptée comme dans Mission Impossible): traquer Collins, le débusquer avant de ne l’obliger à parler. Coûte que coûte. Mission information ou la violence d’un mini cassette stéréo enregistreur ou celle d’un flash qui vous explose au visage seront les seules armes offensives utilisées. Quant à Collins, pour se défendre, il lui reste sa tronche : « Face Value » oui ou m…!
Face au bâtiment 2 de Heathrow, le mini-bus Bedford attend sagement son lot de passagers. Les 4 et leur accompagnateur de WEA records, l’agent local de la company et trois chasseurs outsiders made in Europa se tassent tant bien que mal dans l’habitacle de l’engin et celui-ci file (Collins) sur le Queens Highway direction Guilford, dans le sud-ouest. Les soixante minutes de route nous laissent tout le loisir de délirer sur la nature de notre objectif. « The Old Croft », c’est le nom de la baraque de Phil. Un cottage, un manoir, un palais, une HLM ou une paillotte ? Les paris sont lancés. The Old Croft n’est qu’un petit cottage « nouveau riche » en briques roses dont les larges fenêtres diffusent le paysage trop paisible de la campagne anglaise. Un chouette petit nid où flotte une vague odeur de bois vernis : Phil nous attend sur le pas de la porte dans le sweat-shirt gris uniforme de son pub favori, le Victoria Shalford. Il est exactement 13 h. Tout le monde s’installe dans le salon, face un tas de sandwiches hélas trop contestablement britanniques. Le premier des chasseurs se prépare : Phil lui appartient pour 25 grandes minutes. Eh oui, l’époque héroïque des entretiens en solitaire est désormais révolue ; l’année 81 annonce l’ère des interviews industrielles. Aujourd’hui, les troupeaux de journaleux sitôt débarqués de leurs charters sont contraints au travail à la chaine. Les plus à plaindre, en fait, sont les artistes : essayez un peu de raconter 7 fois la même histoire en moins de 4h: c’est l’enfer sur Terre. Et, à la fin, ils en perdent les pédales !
Si j’ai choisi de « travailler» Phil Collins après tous mes confrères, c’est pour exacerber chez moi la paresse de l’interrogatoire. Mais, quatre heures dans le salon, il y a de quoi commencer à trouver le temps long. Pourtant Jill, la petite amie de Phil ( il venait de la rencontrer juste après son divorce et il ne l’épousera que 3 ans plus tard : NDR),est charmante ; son accent américain est chanté comme un hit de Linda Ronstadt. Elle est blonde, souriante et fait tout son possible pour nous distraire : disques, cassettes-vidéo ou café, tous les moyens sont bons pour oublier I’horloge. Même John Lydon a la télé et son interview délirante où il ne fait que répéter en boucle au journaliste en proie à un début d’attaque : « We’re not a band, we’re a company ». Moi, je commence à dénicher quelques perles rares. Rares et surprenants ces LP des Ohio Players, de Curtis Mayfield et des Temptations dans la discothèques de Monsieur Genesis… quoi que ? Enfin, Phil revient avec son verre vide. Il le remplit de vin blanc et m’invite à le suivre dans une pièce recouverte de boiseries ou trône un superbe billard… et un vieux coffre-fort. Collins me précise que le coffre est purement décoratif, qu’il vient en droite ligne de LA et qu’il aurait pu être dévalisé (vu son Age) par Jesse James. « Face Value » que je découvre commence à se faire un peu plus clair dans ma tête. Les indices réconfortent mon impression du disque. D’abord la petite amie américaine puis le coffre-fort de LA et, surtout, la collection de soul expliquent bien des curiosités. La plus évidente, c’est le son 100 %« radio-station USA» du LP de Phil, a mille cinq cent quarante deux gammes d’ondes du planeur bon teint de Genesis . «In The Air Tonight » déclenche chez moi le flash du programmateur radio FM stéréo. « Quel titre choisir ? » Le 33 tours est une playlist à lui seul. Et qui plus est, est une playlist bien plus yankee que british. Okay, la présence de quelques invités, comme Stephen Bishop ou la section de cuivre du Maurice White’s EW and F, tout comme le studio Village Recorder sont les indispensables ingrédients pour transmuter le planant en funky gorgé de sucre et de calories. Quant à Jill, elle aura servi de sirène pour attirer Phil sur le territoire US. Petite amie de LA = voyages nombreux, facteur d’évolution: c’est la formule magico-mathématique de la surprenante volte-face musicale du chanteur de Genesis.
INTERIEURS
Phil m’observe avec des yeux de cocker en manque de sommeil. Je matérialise sous sa tête un oreiller d’hypnose et de rêves, un projecteur invisible se braque dans son regard: il est 5 PM et c’est l’heure des confidences.
« Tu es bien le premier artiste que je rencontre qui n’ait qu’une envie, c’est qu’on se paye sa tête. Pourquoi ce titre « Face Value » ?
J’ai cherché assez longtemps parce que je voulais dénicher un titre qui résume bien l’album. J’avais d’abord pensé a « Exposures » mais Fripp l’a déja utilisé. J’ai ensuite songé à « Interiors » mais Woody Allen était déjà passé par là. Le mot «intérieurs» et le concept qu’il véhicule est fascinant par ce qu’il représente. La pochette du disque, c’est comme un regard tourné vers l’intérieur. J’ai choisi « Face Value» pour mieux assumer ce «moi». Ce sont mes idées, mes histoires, mes folies ; je vous les donne, il ne vous reste plus qu’a juger.
C’est pour cette raison que tu es crédité partout en «moi» au lieu de « Phil» ou « Phil Collins » ?
C’est aussi une manière de marquer la différence entre le chanteur de Genesis et moi. Moi, c’est autre chose et j’ai envie que les gens le sachent.
On fait de surprenantes rencontres sur « Face Value », Stephen Bishop, par exemple, que diable venait-il faire dans cette galère ?
Juste car je suis un vieux fan de Bish, j’ai tous ses albums.
Comment vous êtes-vous rencontrés ?
C’est grâce à Clapton. Sa maison est juste à deux pas d’ici. Eric est un vieux copain de Bish. Quant la femme de Clapton ( Pattie Boyd donc ! : NDR) m’a invité à déjeuner, Stephen passait justement quelques jours de vacances chez eux. Je lui ai tout de suite demandé s’il ne voulait pas faire quelques « backing vocals » pour mon album. II a tout de suite accepté et m’a même renvoyé Invitation : je joue sur son dernier 33 tours « Red Cab to Manhattan » en compagnie d’Eric et Gary Brooker.
C’est étrange cette rencontre entre des gens aussi différents.
Lorsque Bish est venu me voir au studio à LA, il ne connaissait pas du tout ma musique. II n’avait jamais écoutée Genesis, alors, venant d’un Anglais, il devait s’attendre à un truc du style heavy metal rock. Je lui ai joué au synthé « This Must Be Love », (la chanson où il chante justement), et il m’a dit, très surpris : « Hé, mais j’adore cela. C’est aux antipodes de tout ce que je pouvais attendre ». Sérieusement, je crois qu’il a été impressionné : il aime cette chanson et les autres aussi. D’ailleurs, j’attends un coup de fil de Stephen parce qu’il y a de très fortes chances que je batte sur son prochain LP.
«Face Value» a été enregistré à LA, mais pour le reste ?
Pour le reste, tout a été fait ici, au premier étage de « The Old Croft ». Il y a un an et demi, je me suis offert un magnéto 8 pistes. J’ai donc commencé par me mijoter quelques maquettes. Ensuite, j’y ai pris goût, ce qui explique que 90 % des pistes de l’album, surtout les claviers, aient été faites ici. Ensuite, tout a été reconverti en 24 pistes. Mon travail, là-haut, m’évite bien des contraintes. C’est très utile d’avoir son propre studio chez soi.
Tu prends ton temps, comme l’a fait Stevie Winwood, par exemple ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/stevie-winwood-lautre-merveilleux-stevie-w.html ) .
Sauf que lui donne dans le genre sophistiqué avec son petit 24 pistes à la maison. Tout comme McCartney pour son second album solo « McCartney 2 ».
Comment es-tu parvenu à « débaucher » les cuivres d’Earth Wind and Fire ?
Je leur ai simplement demandé. Ahmet Ertegun, le président d’Atlantic records, m’a invité chez lui pour écouter « Duke » ( le 10ème LP de Genesis) juste avant sa sortie. Ça avait l’air de le brancher, je lui ai donc proposé d’écouter les cassettes de mon album, les cassettes de «là-haut ». Comme sa réaction était trés favorable, j‘en ai profité pour lui demander un coup de main pour améliorer les crédits. Je voulais les cuivres d’E,W and F et je les ai obtenus sans l’ombre d’un problème. De toute façon, Maurice White avait déjà écouté Genesis. Je crois qu’il n’aurait pas accepté pour un groupe ou une musique qui ne leur conviendrait pas. Ces types-là ne se forcent pas et sont abominablement sélectifs : en dehors des Jacksons ou des Emotions (produit par White), ils ne jouent jamais pour personne. Or, pour moi, ces cuivres sont avant tout l’élément le plus dynamique et personnel du groupe. Lorsque White a donné son feu vert, je me suis senti vraiment flatté. Tom Tom 84, un petit mec de Chicago, a pris en main tous les arrangements de cuivres, c’est aussi lui qui officie sur les disques d’EW and F.
TURN IT ON AGAIN
Où vivais-tu pendant ton séjour dans le Golden State ?
Chez Jill ; à cette époque-là, elle avait encore sa villa à Bel-Air. Maintenant, nous sommes forcés de nous balader entre Londres et LA et ça revient diablement cher.
Quoi ! Tu ne prends pas le Skytrain de Laker Airways ? (moins de 2 000 F (300€) aller-retour, le tout premier vol low-cost entre l‘Europe et les USA, je l’avais moi-même emprunté en 79 pour aller à LA : NDR)
Hum… Je crois que je n’en ai pas vraiment besoin mais il y a d’autres problèmes. Les tournées, par exemple, qui nous coûtent un maximum : entre le sound-system, les light shows, I‘équipe de scène, les transports et que Sais-je encore, on perd des milliers de Livres. C’est normal, pour avoir ce qui se fait de mieux, il faut payer et Genesis ne gagne pas autant d’argent que les gens croient. Regarde cette maison. Je l’ai achetée voilà quelques années, lorsque I’inflation était encore à peu prés stable. Aujourd’hui, elle vaut deux fois son prix. Je suis installé dans une luxueuse propriété mais, aujourd’hui, je serais bien incapable de me I’offrir si je le voulais. Malgré un prix de revient astronomique, pour notre tournée anglaise de I’an passé, on s’était limité aux petites salles, comme les théâtres. C’est un changement qui nous tenait tous à cœur parce qu’on pouvait enfin voir notre public. Cela dit, il faut quand même aussi pouvoir toucher un maximum de kids; cette année, Genesis revient donc à la formule des stades. Par contre, il m’arrive souvent de jouer en dehors du groupe. Or, avec Brand X, John Martyn et les autres, c’était toujours dans de petits clubs comme avec John, la semaine dernière, pas loin d’ici. Je compte d’ailleurs produire son prochain LP. C’est d’autant plus facile qu’il n’a guère besoin d’un producteur. Il fait son boulot et, tout ce que le producteur a à dire, c’est « Okay », c’est une bonne prise. Next question !
J’avoue avoir été assez surpris par l’influence soul de ton disque.
Dire que j’aime cela serait un euphémisme.
Tu as toujours aimé cela ?
Ouais. J’écoutais Sam and Dave, Marvin Gaye, Aretha, les Temptations. J’écoutais aussi du jazz rock noir à la Weather Report. J’aime bien War aussi et tous ces trucs noirs excellents que balancent les radios US. Lorsque je suis là-bas, je prends mon pied avec le cadran du tuner. À chaque numéro, tu trouves une station différente. Tu te branches sur une radio, lorsque la programmation ne te convient plus, tu passes à la suivante. C’est possible parce qu’il y en a des centaines. Tu trouves toujours une radio qui colle pratiquement à 100 % avec tes gouts. Au moins, on ne t’impose rien, contrairement à ces pays où tu n’as pas d’autre alternative que ce qu’on veut bien te proposer. ( C’était la même situation de monopole des ondes dans toute l’Europe voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/quand-le-drapeau-pirate-flotait-sur-les-toits-de-paris.html ) Le pluralisme n’existe pas en Angleterre, par exemple, où les magazines de musique font la pluie et le beau temps. Quant aux radios, elles se contentent de programmer leurs hit-parades, sans jamais chercher à prendre de risques. Cela dit, même aux States, les radios FM tombent de plus en plus dans la facilité du système « Top Forty ». Ce sont, pour la plupart, des stations « rock orientées » pour adultes et elles ne tournent que sur une cinquantaine de disques. C’est la technique du matraquage à outrance. Dommage, parce qu’au bon vieux temps, le DJ FM pouvait choisir 3 ou 4 chansons différentes sur un album; aujourd’hui, ils n’en choisissent qu’une seule: c’est le retour d’un certain conservatisme aux USA. Alors que j’écoutais ce sradios à longueur de journées sans jamais ma lasser. Aujourd’hui, je finis par décrocher car leur programmation dépasse souvent les frontières du supportables. Ils ne tentent plus jamais rien et à la place les directeurs de la programmation font de très lucratifs deals publicitaires avec les maisons de disques.
La dernière fois que j’étais à LA toutes les stations matraquaient « Follow You Follow Me » ( le hit de « And Then… They Were Three » de 78, premier 33 tours depuis le départ du guitariste de Genesis Steve Hackett : NDR) tous les quarts d’heure. Tu es aussi l’un des bénéficiaires du système.
C’est vrai qu’ils ont matraqué « Follow You Follow Me » mais au détriment de tous les autres titres de l’album. Comme pour « Duke » où ils n’ont programme que «Turn It On Again». C’est plus facile d’aller dans le sens du goût du public que de tenter de le faire évoluer. C’est toujours « 1ère chanson, 1ère face ou 1ère chanson, 2ème face ». Si, toutefois, il y a un tube au milieu du disque, ils le passeront quand même mais, pour le reste de l’album, des clous ! C’est pour cette raison que la plupart des hits se trouvent au début des faces. C’est bien plus facile et surtout moins fatiguant. Quand on reçoit 3000 LP à juger dans la semaine, n’écouter que le premier titre est déjà toute une affaire, alors s’il faut chercher plus loin… Maintenant, je n’allume la radio que pour voir s‘ils passent mon disque… ou pas.
Pourtant, « Face Value » parait taillé sur mesures pour les radios FM américaines, non ?
Quand j’ai fait cet album, je n’ai pas du tout songé à ce genre de choses. C’est MON album. Pendant longtemps, lui et moi, nous nous sommes confondus mais, lorsqu’ensuite, on le confie aux autres, c’est pour qu’ils en disposent. Ce qu’il représente exactement, je suis peut-être le seul à le savoir. Mais, pour celui qui l’achète, cela importe peu: il voit un disque marqué « Face Value », il le met sur sa platine. S’il aime, OK, s’il n’aime pas, tant pis. Il ne peut pas avoir le même rapport émotionnel que moi
La reprise de « Behind the Lines » m’a fait beaucoup rire, c’est très différent de Genesis.
Si j’ai fait un cover de cette chanson, c’est presque par hasard. Juste après l’enregistrement du titre pour « Duke », en essayant d’effacer une bande dans le studio, je me suis planté en manipulant une touche. Au lieu d’effacer, le magnéto s’est mis en position « play » mais en vitesse accélérée. J’ai sauté au plafond. C’était vraiment super, on aurait dit les Jackson 5. Je me suis promis de transformer un jour cette chanson en truc funky. C’est vraiment drôle de parvenir à faire un hit dans le style « dance» à partir d’ une chanson de Genesis.
Serait-ce le signal tant attendu de l’évolution du groupe ?
Nous sommes très conscients de l’image du groupe auprès du public. Certains croient avoir classé et étiqueté Genesis une bonne fois pour toutes. Je crois que ceux-la risquent d’être déçus ; notre nouvel album devrait les surprendre. Okay, sur ses disques solos, chacun fait exactement ce qu’il aime mais la raison d’être d’un groupe, c’est avant tout une écriture commune.
Vous composez toujours ensemble ?
Maintenant oui. Sur « Duke», par exemple, la plupart des morceaux reflètent un travail en commun. Or, ce travail, nous ne le faisions plus depuis longtemps. Le groupe était devenu un véhicule pratique pour une collection de chansons solos. Chacun apportait ses compositions et nous sélectionnions ensemble. Pour le prochain LP, heureusement, ce sera différent. Ces derniers mois, nous avons beaucoup composé, en fait, il y a assez de matériel pour sortir un double album.
Tu ne crois pas que, de toutes façons, Genesis reste prisonnier de son image-institution ?
Oh oh oh… Non.
Pourtant, quant on achète un Genesis, on sait par avance ce qu’on risque d’y trouver. Ne crois-tu pas que le public aime qu’on le surprenne ?
Bien sur et on essaie toujours de plus en plus de le surprendre, cela dit, c’est de plus en plus difficile. Je suis d’accord avec toi, Genesis tourne depuis longtemps et, par conséquent, les gens inconsciemment pensent que nous sommes incapables de nous dépasser. Pourtant, si un groupe inconnu débarquait demain et jouait notre musique, il aurait surement dix fois plus de succès que nous. Pour la seule raison que le groupe porte en lui l’attrait de la nouveauté. Si Genesis joue ces mêmes morceaux, on entend persifler dans tous les coins. C’est pour cela que j’ai sorti mon disque chez WEA International et non pas sur Charisma ( le label historique de Genesis : NDR) . C’est horriblement frustrant pour nous cette situation. Pourtant, je suis certain que notre musique ne serait pas taxée de rétro ou de « déjà vu » si les gens ne nous avaient pas écoutés auparavant. On fait vraiment attention à ne jamais resservir du Genesis de seconde main. Il y a bien sur un style et c’est normal, ce sont les mêmes mecs qui font vibrer les instruments. Mais ces mecs ont une vie et ils évoluent, comme leur vision des choses. Cela dit, je t’accorde que « Duke » fût un retour vers un Genesis plus traditionnel mais le feeling était diffèrent. Je n’aimais pas beaucoup « And Then They Were Three » parce qu’il manquait vraiment de substance. « Duke », je crois, était un bien meilleur album… sauf que je n’ai jamais accroché avec « Cul de Sac ». Tu aimais ça, toi ? ( rires)
Bof !
« Cul de sac » est une chanson de Tony, l’exemple type. Maintenant, j’ai vraiment du mal à rentrer dedans.
Et Peter (Gabriel qui a quitté Genesis depuis 1975 : NDR )?
J’ai joué sur son dernier LP ( « Melt » son 3ème solo publié en 80 : NDR. C’est un disque très courageux, c’est le propre de Peter de refuser tout compromis. Mais Atlantic, sa maison de disques aux USA, I’a carrément mis à la porte parce qu’elle le jugeait anti-commercial. Tu comprends, les gens cherchent toujours des excuses. Il y a ceux qui n’ont aimé Genesis qu’après le départ de Peter et il y a les autres. Il est de bon ton de respecter Peter mais Genesis, ça ne se fait plus !
Alors, quoi de neuf chez vous ?
D’abord, il y a Hugh Padgham, I’ingénieur que Peter et moi avons utilisé pour nos LP respectifs. Avec un nouvel ingénieur, le son du groupe sera forcément différent. Ensuite, nous allons nous produire nous-mêmes. Mais je crois que c’est surtout notre style d’écriture qui a changé. Le résultat devrait en surprendre plus d’un. »
Phil Collins est un heureux N° 1 dans toutes les charts. « In the Air Tonight », son tube, est aussi puissant que gabrielien à souhaits. S’il compte parmi les meilleurs batteurs du monde, il parvient néanmoins à faire preuve d’un minimum d’originalité. Sur « In the Air… », Phil crée de toutes pièces un nouveau rythme en superposant une batterie traditionnelle et une batterie électronique. « Hand In Hand » est un surprenant funky, tout comme « I’m Not Moving » est agréablement McCartney. Bizarre, ce Collins et sa reprise de « Tomorrow Never Knows » des Beatles donnent même dans le Rundgrenien sarcastique. Phil Collins avec « Face Value » a sans doute gagné la première manche du challenge des 80’s mais, pour Genesis, la partie n’est pas encore jouée. On verra bien si leur « lifting» tient le coup ou non, quand leur double LP promis sortira. Dans le mini bus du retour, l’honorable représentant de la maison de disques somnole sur « Face Value» qui défile sur le lecteur de cassettes du bord. La chasse est finie. Le bus va nous jeter dans la City. Aventuriers paumés, l’estomac rongé par le ketchup des sandwiches, il était temps pour nous de trouver un toit pour la nuit puisque, contrairement à la coutume d’hospitalité habituelle, le label nous avait ainsi abandonné à notre sort Nos lunettes de soleil ont donc échoué dans un hôtel borgne, près de Paddington, et nous avec. Quant à la tête de Collins, vous vous en doutez…elle ne tardera pas a rejoindre toutes les autres sur le mur de trophés de mon appart parisien. En attendant la prochaine…
Publié dans le numéro 153 de BEST daté de mars 1981
Un vrai plaisir de lire cette interview de Phil. Merci