NTM LA TOTALE

NTMLa chance du rap français est d’avoir été porté par ses propres Public Enemy et ses NWA, soit respectivement NTM et IAM, deux géants et figures tutélaires d’un mouvement puissant, d’une lame de fond qui allait emporter l‘Hexagone et ouvrir la voie à cette vaste culture agitée, dès le crépuscule des années 80. Trois décennies écoulées, NTM n’a rien perdu de sa superbe et le prouve, par deux fois, avec la publication d’un live et d’un DVD NTM « La DER », capturé en 2019 à Bercy, et d’un livre : NTM « Dans la Fièvre du Suprême » de Pierre-Jean Cléraux et Vincent Piolet aux Éditions le MOT ET LE RESTE, le tout analysé par le funky J C Mary.

NTMPar Jean Christopher MARY

NTM « La DER » 

« Paris sous les Bombes », « Ma Benz », « Laisse-pas traîner ton fils ». Ressuscité une première fois en 2008 à Bercy, le phénix « Nick Ta Mère » venait lancer une offensive incendiaire dans cette même salle en 2019. La « DER » rend compte en image en en son de l’ultime performance des deux légendes du rap français les hommes connus sous les noms de Joey Starr et  de Kool Shen.

Dès l’Intro, on entend monter les clameurs de la foule qui s’impatiente. L’ambiance est électrique. Les premières images laissent apercevoir beaucoup d’aficionados de la première heure, dans la fosse au milieu de fans beaucoup plus jeunes. Le duo ne s’est pas produit à Paris depuis plus de dix ans. Aucun album studio non plus. Grosse tension donc dans le public. Dès les premières mesures, on ressent quelque chose de lourd, quelque chose de pesant qui flotte dans l’air. La salle s’éteint progressivement quand retentissent les premières mesures de « On est encore là ». Joey Starr et Kool Shen investissent alors le plateau. Moment libérateur pour ceux qui attendent la « Der » depuis des lustres. Dès le premier titre, l’urgence et la rage sont là. Les voix sont puissantes, toujours aussi racées. En jeans noirs et T Shirt XXL, le duo de Saint-Denis balance ses titres comme des brûlots. Une performance d’athlète qui va s’étendre sur deux bonnes heures, sans quasiment aucun temps mort. Immédiatement, le public réagit, les bras levés, semble comme soulevé, porté par une vague d’euphorie collective. Dans un ronflement de basses et de scratches, les DJ perchés au sommet du décor distillent l’essentiel de leurs titres forts : « Pose ton gun », « Qu’est-ce qu’on attend », « Pass pass le oinj », « Ma Benz », « Seine Saint-Denis Style », « Laisse-pas traîner ton fils », « Paris sous les bombes », « Police ».

NTMLes titres sont très fidèlement interprétés,  ce qui donne au concert à la fois ce côté nostalgique et intemporel. En live, les chansons du Suprême Nikoumouk ont toujours sonné plus hardcore et semblent être ici gonflées dans un esprit « rock ». Sur le plateau, les invités Jaeyez, Big Red (Raggasonic), Tugadamn se mêlent aux historiques Busta Flex, Lord Kossity, Zoxea. Les artistes se succèdent, les uns derrière les autres, pour mieux faire monter la pression. Les clins d’œil et les hommages à la culture hip-hop ne manquent pas. On retiendra surtout sur le titre « Paris sous les bombes », brillant hommage aux taggers des 90’s lesquels, emmitouflés sous leurs capuches, sortaient tout droit des rames du RER pour « défoncer » (graffiter !) les wagons et les murs. Toute une époque révolue ! Au parterre, là-haut aux étages, le public danse, les mains en l’air et salue cette prestation relevée. On a plaisir à voir un Joey Starr bondissant de part et autre de la scène, tel un félin toujours prêt à se tordre, les bras agités, la tête basculée en arrière. Si NTM est de retour, c’est avant tout pour boucler la boucle dans un réel plaisir de partage avec les fans. So long guys !

 NTM : « La DER » CD/DVD l’ultime concert à l’Accorhotels Arena 2019

NTMNTM « Dans la Fièvre du Suprême » de Pierre-Jean Cléraux et Vincent Piolet. 

En 1983, le hip-hop prend ses marques en France et rassemble trois jeunes qui écriront un gros chapitre de l’histoire du rap français : Bruno Lopes (Kool Shen), Didier Morville (Joeystarr) et Franck Loyer (DJ S). D’abord connu comme crew de danseurs et de graffeurs, NTM devient rapidement le posse de rappeurs Suprême NTM et s’affirme en incontournable de cette culture musicale underground qui s’imposera comme la norme. Désireux de raconter par le menu le parcours du groupe, les auteurs sont partis à la rencontre de ceux qui ont contribué, de près ou de loin, à son ascension. À l’inverse des anecdotes people souvent romancées, l’ouvrage nous plonge en immersion dans le quotidien de NTM. Les auteurs reviennent sur la musique, avec les secrets de studio et du label, nous plongent – dans le business du rap, loin du « peace, love, unity and having fun ». Véritable remontée chronologique dans les 80’s et les 90’s, ce livre fourmille d’anecdotes sur les débuts de danseurs de Kool Shen et Joey Starr à Saint-Denis, puis de graffiteurs au terrain vague de la Chapelle face à la station de métro ligne 2 (devenu aujourd’hui un centre de tri). Haletant de bout en bout, l’ouvrage se lit d’une seule traite.

NTMLes auteurs sont allés fouiller très loin pour dénicher des informations inédites ces légendes en recueillant les propos des deux managers historiques Sébastien Farran et Franck Chevalier (alors jeune attaché presse de Jean-Paul Gaultier), Philippe Puydauby et Christophe Lameignère (directeurs artistiques chez Sony), mais aussi de Fred Versailles (producteur). Des anecdotes croustillantes, telle cette première partie du groupe punk la Souris Déglinguée à l’Olympia en 1990, ou encore ce concert à Mantes-la-Jolie qui se fait « à la lumière des phares de voitures » et celui à Grenoble où toutes les voitures immatriculées 93 ont les pneus crevés quand le duo se fait tirer dessus à la chevrotine. Un ouvrage palpitant qui sent le soufre et la fureur qui se lit comme un roman.

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