LES MOTS DE LA MUSIQUE : 222 MUSICIENS DU XXÈME SIÈCLE PAR 222 ÉCRIVAINS
C’est un sacré pavé de 750 pages qui embrasse la carrière de 222 musiciens en 750g, soit en moyenne un peu plus de trois grammes par artiste, pour seulement 35 € c’est non seulement bien moins cher que l’or ou la coke, c’est surtout bien plus précieux. Sous la direction de Franck Medioni 222 écrivains et journalistes, dont votre GBD favori, ont ainsi dressé les portraits de AC/DC à John Zorn en passant par Pierre Boulez, David Bowie, James Brown, Edith Piaf, Joe Strummer ou Salvador, pour composer « Les mots de la musique », publié chez Fayard.
C’est un travail de Titan accompli par Franck Medioni qui a su réunir tant d’auteurs pour évoquer autant de musiciens. 222 en tout, le poids des artistes pour le choc des sons. Certes, en vertu du principe que le fruit ne tombe jamais loin de l’arbre, Boris Bergman écrit sur Bashung, ce qui n’est guère surprenant mais plutôt bien vu connaissant l’historique des deux ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Alain+Bashung ). De même, voir Yves Bigot dresser le portrait d’Aretha Franklin tombe assez sous le sens. Pour sa part, l’immense mais néanmoins romantique Stan Cuesta s’attache au tragique destin de Jeff Buckley, lorsque David Foenkinos marche dans les pas de John Lennon. Pour évoquer Prince ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Prince ) qui d’autre hormis Raphaël Melki ( Voir sur Gonzomusic RAPHAEL MELKI LE PURPLE FRIEND: Part One ) serait plus légitime ? Pour croquer le portrait de Neil Young Olivier Nuc a ressorti sa vieille chemise à carreaux et Yann Plougastel s’est consacré à la voix passée au papier de verre de Tom Waits. Sacha Reins écrit sur son vieux pote Pete Townshend, tandis que Laurent David Samama déjà auteur d’un Kurt Cobain remet le couvert pour le héros du grunge de Seattle. Petite surprise, on retrouve la signature de Christiane Taubira pour évoquer les incroyables aventures humaines, politiques et musicales de Miriam Makeba. Quant à GBD… il a voulu raconter l’histoire d’une photo et d’une rencontre avec James Brown ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=james+brown ) prise par Claude Gassian aux studios Cognaq-Jay, sur le plateau du Mini Journal sur TF1 le 17 avril 1986…
JAMES BROWN J’ai rencontré le hardest working man in showbiz
C’est l’histoire d’une photo… celle de James Brown répondant à mes questions sur un plateau de télé, au siècle dernier.
« J’ignorais que j’avais du pouvoir » répondait candidement James Brown à Mourousi, minorant son rôle crucial durant les émeutes du printemps 1968 en écho à l’assassinat de Martin Luther King le 4 avril, lorsque Mr Dynamite a pris le micro à la radio, exhortant les émeutiers à se calmer, empêchant ainsi Boston de flamber. Bien entendu, le jeune journaliste que j’étais ce 17 avril 1986 sur le plateau d’Yves Mourousi, ignorait encore à quel point le chanteur de « Sex Machine » pouvait être roublard, tout spécialement envers les médias. « Dieu à du pouvoir, mais moi je ne suis qu’un messager. Je suis comme le commun des mortels et je m’exprime par ma musique. Un homme simple n’a pas de réel pouvoir, juste un peu d’influence, peut-être ? ». Brown le comédien faisant mime de s’offusquer lorsque Mourousi lui parlait des 60’s, alors qu’il cherchait à promouvoir sa musique du moment, soit son 33 tours « Gravity », publié dans la foulée victorieuse de son « Living In America » du film « Rocky IV », qui l’avait instantanément dé-ringardisé, après une (trop) longue traversée du désert. « Je m’exprime par le funk, par cette soul music issue du jazz, car Dieu m’a donné la force, le feeling, l’esprit qui m’a permis de toucher les gens, de toute religion ou de couleur de peau. »
A l’époque, je collaborais à l’édition de 18h du JT de TF1 chaine publique, soit le « Mini Journal de Patrice Drevet », réalisant la plupart des sujets rock. En plus des reportages pour BEST, j’avais également une émission quotidienne « Planète » à l’antenne de RFI. Et c’est pour cette radio que juste avant le JT de Mourousi, j’avais négocié avec Polydor de pouvoir interviewer James Brown, sur le plateau du « Mini JT » adjacent à celui du 13h. Entre temps, le photographe Claude Gassian, apprenant la venue du Godfather of soul à Cognacq-Jay, m’avait proposé de le shooter durant mon entretien. Je n’avais même pas trente ans et les deux autres sur le plateau comptabilisaient nettement plus d’heures de vol que moi. Cependant, à la fois Claude, bien sûr, et James étaient aussi cool que possible. Et même si j’avais face à moi, un grand fauve du musicbiz, je n’étais pas spécialement impressionné. Après tout, j’avais déjà tendu mon micro à nombre d’artistes de Stevie Wonder à Prince, en passant par Bob Marley, Mark Knopfler, George Harrison et bien d’autres, j’avais checké la main du Boss pour la sortie de « The River » et j’avais déjà vécu mes moments « Almost Famous ».
Je me souviens d’un James drôle, voire goguenard, que je parvenais à faire rire de sa grosse voix de stentor. Le King of Soul ne boudait pas son plaisir de revenir enfin sous les spotlights; car même s’il n’en laissait rien paraitre, il avait détesté se voir éclipser par Michael Jackson et ce jeunot de Minneapolis, capable de battre ses propres marathons sur scène. Hélas, après mon départ de la maison de la Radio, la bande magnétique s’est égarée.
Entre temps, Brown, était passé du top des charts, à une cellule de prison où il aura tout passé trois ans, pour détention d’arme, refus d’obtempérer après une course-poursuite ultra médiatisée et usage de stupéfiants. Puis son mariage avec sa troisième épouse, aura eu une fin tumultueuse puisqu’elle avait porté plainte pour agression. Il aurait, entre autres, criblé de balles son manteau de vison.
Mais il s’était assagi et dix ans après notre première rencontre, j’allais à nouveau croiser le fameux hardest working man in showbiz, à Marseille, en juin 1995, avant un concert. Cette fois, c’était pour l’émission BUZZ TEE VEE que j’animais alors sur Paris Première. Le label m’avait alerté : Brown était en plein divorce et il était interdit d’en parler. Et pour s’en assurer, son avocat devait assister à l’entretien. Bon, au bout de deux minutes, le Godfather of Soul le congédiait pour me répondre seul.
« Je me sens toujours bien ici. J’adore venir en France. C’est si excitant, dépaysant de pouvoir vous offrir des chansons telles que “Pop-Corn”, “Papa’s Got A Brand New Bag” sans oublier “Sex Machine” et toutes les autres… pour voir tous ces Français sauter en l’air dans la salle ».
Le plus croustillant, c’est que ce « nouveau » James prodiguait même ses conseils de tempérance à la jeunesse… un comble !
« Mais ce qui me motive vraiment » poursuivait-il, « c’est que les jeunes n’oublient jamais qu’il faut s’amuser, mais en restant clean. Donc évitez les shows qui font l’apologie des drogues et n’oubliez pas que l’éducation c’est vital. Moi je veux voir des jeunes réussir, comme mes choristes, the Bitter Sweet, elles bossent dur, car elles veulent y arriver. Il y a de la compétition… mais si on y met son âme et son cœur, on triomphe ».
Je lui ai demandé si le passage par la case prison ne l’avait pas trop traumatisé. Sa réponse fût quelque peu… déconcertante !
« L’homme m’a jeté en prison mais Dieu m’a libéré de la prison. Lorsque tu es dans ton droit, tu dois te battre pour défendre ce droit. Même en prison je me suis toujours senti libre car Dieu m’a donné la force et le public su m’offrir l’amour. Mais on doit être capable de se battre pour soi-même ; quiconque ne se bat pas pour ses idées accepte n’importe quoi. Aussi, lorsque j’ai eu le choix d’aller en prison ou d’admettre que j’avais tort, alors que j’avais raison, j’ai dit : okay, je vais en prison. »
Enfin, je lui demandai s’il ne s’estimait pas trop copié par les nouvelles générations de performers et il répliquait sans aucune modestie :
« Je suis ravi que l’on copie ainsi James Brown, car avant il y avait Mozart, Beethoven, Bach et Brahms, désormais on comptera avec James Brown ». Avant de conclure d’un professionnel : « Je veux vous remercier. Désolé de ne pas parler français. Je vous aime ». Hélas, sa fin sera émaillée de violences conjugales et d’abus divers, proportionnels à ses soucis de santé entre diabète et cancer de la prostate. Le roi de la soul music décède le soir de Noël 2005, d’un arrêt cardiaque, à seulement 73 ans, non sans nous avoir légué plus d’une centaine d’albums, en hardest working man in showbiz… fier d’avoir serré sa grosse pogne !
« Les mots de la musique : 222 musiciens du XXème siècle par 222 écrivains »
Sous la direction de Franck Medioni aux Éditions Fayard