MA PREMIÈRE INTERVIEW D’ECHO AND THE BUNNYMEN

Echo And the BunnymenVoici 42 ans dans BEST GBD en tentant de résoudre l’énigme du porc-épic allait faire une de ces rencontres qui allaient marquer toute sa carrière. Réputés détester les journalistes, les hommes-lapins se laissent pourtant apprivoiser par l’envoyé du fameux mag rock de la rue d’Antin. En ce temps-là avec Cure et U2, dans l’ivresse des sommets des charts, ne constituaient-ils pas le fer de lance du nouveau rock British ? Après un show forcément néo-psyché au mythique Hammersmith Odeon, premier contact au plus près de l’écho des Bunnymen. Flashback…

J’avais oublié ce détail, mais avec l’accent trainant de Liverpool lors de cette première rencontre avec Echo and the Bunnymen  ( Voir sur Gonzomusic ECHO AND THE BUNNYMEN « The Game »ECHO and THE BUNNYMEN LA LEGENDE DES HOMMES-LAPINS et aussi  ECHO AND THE BUNNYMEN THE LAST INTERVIEW  ) j’avais entendu ou plutôt cru entendre que tout le monde le surnommait Mike. Et dans tout cet article de BEST j’appelle effectivement le chanteur d’Echo and the Bunnymen par cet alias, Mike. Mais en fait… non. Mike n’était pas Mike mais… Mac…  mais avec l’accent… bon la leçon m’aura servi et dans tous mes papiers et entretiens suivants rassurez-vous Mac est bien Mac !  LOL… Après un concert puissant au magnifique Hammersmith Odeon, j’ai donc rencontré pour la première fois ce groupe sur lequel j’aurais vraiment tout parié. Entre la personnalité troublante de Mac, ses fameuses lèvres charnues ( Lips like sugar…) et son charisme incantatoire sur scène et celle des autres membres des Bunnymen, à l’instar du jovial batteur Pete de Freitas, incroyable pince sans rire, la dextérité sonique de la guitare de Will Sergeant et l’humour dévastateur du bassiste Les Pattinson, on peut dire que dès lors qu’on était accepté, on ne s’ennuyait décidément pas au pays des hommes-lapins. Portés par leur troisième LP le flamboyant « Porcupine » lui-même propulsé par les singles nerveux « The Back of Love » et le vibrant « The Cutter »,  adulés par le public distingué de l’Hammersmith Odeon, chéris de la presse rock British, les Bunnymen volaient vers un avenir radieux.  Hélas le groupe de Liverpool ne se remettra jamais de la tragique disparition de Pete de Freitas en 89, tué dans un accident de moto. Et si le groupe se sépare en 88 puis revient en 1994 et continue à publier des disques et à tourner autour du binôme McCullogh et Will Sergeant, il n’emportera jamais tout le succès espéré d’une des formations qui jouait alors à armes égales avec Cure et U2 ; il faut avouer que cela laisse toujours un sentiment amer au rock critic, de voir ses prévisions ainsi balayées par un destin contraire.

 

 

Publié dans le numéro 176 de BEST sous le titre :Echo And the Bunnymen

 

GRAND AVEC DES GRANDES OREILLES

 

Que reste-t ’il de l’avant garde néo psychédélique ? Né au tournant des années 80, le mouvement sombre aujourd’hui dans les profondeurs abyssales de l’échec. Wah ! n’est toujours pas parvenu à décrocher deal de distribution planétaire, B. Movie s’est perdu dans le « no chart’s land » et Julian Cope cultive son blues dans la région de Birmingham depuis la déflagration finaIe des Teardrop Explodes. Décimés les petits enfants des Doors et du LS D ? Eh bien non. En Australie, The Church a repris le flambeau, tandis qu’en Angleterre l’écho des Bunnymen continue à résonner en glissant sur la courbe ascendante du succès. Echomania ? C’est encore un peu prématuré. Si le concert de ce soir à l’Hammersmith Odéon est l’Événement rock ‘ des prochaines vingt-quatre heures. Et ça n’est pas seulement faute de concurrence. Echo & the Bunnymen sont encore dans la phase compte à rebours, juste un effort à fournir avant le « lift off » fatidique qui les fait piaffer depuis 79. Boummmmm, le choc des charts, le poids des ventes : c’est peut-être avec « Porcupine » qu’ils vont enfin décrocher le jackpot. Okay, le rock temps couvert-orage menaçant des Bunnymen est à l’antithèse d’une invitation à faire la fête. Mais les Anglais adorent les contrastes ont besoin de clowns comme Madness autant que d’exorciseurs comme Pshychic TV . Depuis !a conversion de Cure à la pop, une place reste à pourvoir dans la spécialité soft n’ sad ; or Echo et ses Bunnies semblent assez qualifiés pour !e job. Chez les disquaires-revendeurs de billets. L’heure est au PLV : affiches, pochettes et posters du groupe s’étalent sur les murs. L’Odeon a fait le grand plein ; le public compact est habillé par Clean and Son. On est loin des exubérances vestimentaires des aficionados de Vivien Westwood. Soudain, la scène s’éclaire sur ce qui de loin ressemble à un village de tentes de nomades africains. Plus tard dans le gig elles serviront de support à des projections psychédéliques, ces fameuses taches de couleurs qui dansent comme des amibes dans leur décantation de lava-lamps, stéréotypes des discos de la fin 60’s et de tous les films où défilent les acid trips.

Echo And the Bunnymen by Geoff Campbell

by Geoff Campbell

Les Bunnymen investissent les planches avec cérémonie : Les Pattinson le bassiste, Will Sergeant le guitariste, Pete de Freitas derrière ses caisses, et lan McCulloch qui se réserve le milieu de la scène. Le set de ce soir reflète assez le côté sérieux du groupe. La voix de lan « Mac » McCulloch trace les grands axes d’une route qui fonce vers le mysticisme. Pourtant, chaque chanson compte au moins une ou deux trouvailles un son, un rythme, une pulsation. Echo, depuis la tournée « Heaven Up Here », a peaufiné son style pour en souligner l’intensité. Dommage que le fantôme de Jim Morrison nage encore entre deux limbes dans l’écho des hommes-lapins. Mike pousse d’ailleurs le vice jusqu’à reprendre quelques mesures de « Light My Fire », histoire de ranimer la flamme. Impromptu aussi ce « Sex Machine » plaqué sur la fin du show pour pousser les kids à escalader la scène. Echo n’est pas à proprement parler un groupe qui déménage, mais il parvient au moins à faire bouger.

 

Echo And the Bunnymen« Je peux inspecter vos bagages ?» Dans la chambre de Les, les valises sont posées sur le sol. Sur scène Echo and the Bunnymen ont définitivement renoncé à leur tenue camouflage cependant je suis curieux de savoir si dans leur vie il n’y a plus une seule tâche de kaki. Après l’épisode de la guerre des Malouines, on comprend assez qu’Echo ait renoncé aux tenues militaires. La discussion roule sur les Falklands, Mac et les autres font preuve d’un antimilitarisme véhément.

Les Pattinson : « Jamais nous n’accepterons de porter l’uniforme pour une cause ou bien une autre. Ces treillis que nous portions étaient juste un choix vestimentaire. A l’époque, ils étaient devenus si anti-mode qu’on pouvait s’habiller pour une bouchée de pain. Notre manager n’avait jamais un sou et quelques jours avant la tournée il est passé devant un surplus militaire. Comme c’était en solde, il n’a pas hésité à en acheter pour tout le groupe. » Dans la valise de Les on trouve un blouson de cuir style US Air Force – et non pas RAF- un stock de chemises de toile et de chaussettes diverses, une ceinture d’espion pour se pendre si on le découvre, une veste à rayures qui appartiendrait à Brejnev et un paquet de coton hydrophile décoré de petits lapins roses. Inspection concluante. Les Bunnymen sont de gentils gars mais leur sérieux vous donne envie de les bousculer un peu. On essaie les questions/ provocation :

 « Voudriez-vous poser à poil pour la page centrale de Playgirl ?

« Avec plaisir », répond Pete de Freltas, « même si je reste persuadé que /a publicité n’est jamais Indispensable au succès. Si tu es vraiment bon, si tu exprimes réellement quelque chose, les gens finissent par s’intéresser à toi et ils se procurent les disques, ils viennent aux concerts. On a beaucoup joué en 81 et j’ai bien l’impression que nous sommes partis pour faire pareil cette année. C’est important la scène ; pour nous c’est un véritable cordon ombilical, c’est la communication. Actuellement, nous dépensons en tournée beaucoup plus que ce que nous gagnons, mais à long terme nous savons que cela doit marcher. » Mac assis clans un coin, griffonne sur des bouts de papiers. Pour lui l’écriture est une sorte de tic, un automatisme.Echo And the Bunnymen

 Ian Mc Culloch : « Souvent, je ne sais pas pourquoi j’écris telle ou telle phrase, c’est comme les titres des chansons. J’ai choisi « My White Devil » pour la troisième de la première face mais Je serais bien incapable de l’expliquer.

 Es-tu touché par la religion ?

I McC Pas par la religion ; ce que je ressens est bien plus spirituel qu’un feeling religieux. Je n’écris pas spécifiquement sur ce sujet ou sur le thème de Dieu, mais plutôt sur le fait que quelque chose de démesuré par rapport à nous est regroupé sous le concept Dieu. »

Mac énonce ses cauchemars, ses fantasmes. C’est bien un refus de grandir, l’âge altérant une certaine innocence à laquelle il parait très attaché.

Comment se préserver?  

I McC : Tu ne le peux pas. Les mots servent de paravent à des sentiments passagers. Dans les textes d’Echo and the Bunnymen je n’ai jamais souhaité projeter des mécanismes philosophiques compliqués. Les textes sont écrits très souvent après la musique et ils collent simplement à l’atmosphère du morceau.

Echo And the BunnymenTu choisis les mots pour leur musicalité ?

I McC : Yeah… et aussi pour te rythme. Les mots doivent toujours bien sonner.

Qu’est-ce qui t’a attiré dans la sonorité de « Porcupine »?

I McC : J’ai essayé plusieurs choses et en fin de compte tout le monde aimait bien ma vision du porc-épic, mais cela ne signifie pas que cette chanson soit totalement dénuée de sens. »

En tous cas, lan ne parait pas pressé de le divulguer. Il se cantonne en permanence dans une sorte de flou artistique. Les hommes-lapins sont jaloux de leurs secrets ; même pour une livre de carottes, ils ne livreront pas l’énigme du porc-épic.

Publié dans le numéro 176 de BEST daté de mars 1983BEST 176

 

 

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