L’ŒIL DU BACHET

BachetAnimateur radio, journaliste, chroniqueur cinéma, réalisateur de courts-métrages, comédien, photographe…Laurent Bachet a tant de cordes à son arc que, parfois, il ne sait plus sur laquelle tirer. Pour faire simple, ses deux centres d’intérêts sont l’image et la musique et parfois les deux…de concert…où sa vie de célibataire parisien invétéré le mène si souvent, son appareil photo au poing, en quête de « révélations musicales ». Pour la première fois, Bachet s’expose et c’est à la Curieuse Galerie au 25 rue Chanzy, à Paris jusqu’au 11 mai et ses instantanés sont juste bluffants !

Laurent BachetJ’aurais adoré trouver le calembour qui tue, en guise de titre, genre « Passe ton bac…het, d’abord » ou encore « Un regard Bachet bouzouk », en souvenir de nos années de lycée, mais on n’est pas toujours forcé de plagier les « unes » de Libé, n’est-ce pas ? Car, je dois avouer que Laurent Bachet et moi sommes de (très) vieilles connaissances, depuis notre seconde B2 ( latin, LV1, LV2), 1ére et Terminale au Lycée Voltaire, au milieu des 70’s. Déjà passionné de musique, il revendiquait à juste titre son amour pour Neil Young, Lou Reed, les Who ou Led Zep et, en parallèle, pour Higelin, Téléphone, Gainsbourg ou les Au Bonheur des Dames. Et si parfois nous nous querellions, sur Eddy Mitchell, par exemple, le plus souvent, nous tombions d’accord. Plus tard, à l’aube des années 80 je l’avais précédé, rejoignant à la Maison de la Radio l’équipe qui fondera Radio 7, avant de l’inviter à me rejoindre sur la pirate Radio Ivre. Puis Bachet avait fait son chemin, devenant chroniqueur cinéma sur France Inter, avant de réaliser une poignée de précieux courts-métrages. À 61 printemps, il n’a toujours pas appris à être blasé et continue à se passionner pour les trouvailles musicales qui font battre son cœur, juste un peu plus vite. Et il le prouve, en proposant la toute première exposition de ses photos dans une sympathique galerie parisienne. Rencontre avec le Bachet !

Bachet

 » Laurent Bachet, qui es-tu donc ? Entre le cinéma, la musique, la radio, la photographie, on ne sait pas vraiment lequel de ces Laurent Bachet es-tu ?

En fait, je suis tous ceux-là…à la fois.

J’ai même oublié: comédien

Oui, brièvement. Maintenant que l’âge nous a un peu rattrapés, et à toi je ne peux pas mentir sur l’âge, j’aime bien me définir comme un amateur de belles choses, un amateur de beauté. C’est ce qui me maintient, c’est ce qui me fait vivre, c’est ce qui me motive la recherche de la beauté ou bien de la vérité ou bien d’un témoignage. J’aime tout ça.

Les deux mamelles du Bachet étant tout de même le cinéma et la musique, non ?

Oui, je dirais les images et les musiques, qu’on peut réunir très facilement dans le cinéma. Qui est un art que j’ai peu approché même si j’ai fait des courts-métrages et malheureusement je n’ai pas réalisé de longs-métrages et c’est une immense frustration que j’essaye de transmettre maintenant à travers ces images-là qui, je l’espère, sont assez musicales.

La photographie quel en a été le déclic ?

Lorsque toi et moi étions au lycée Voltaire, j’avais une quinzaine d’années, donc toi pas tellement plus, te souviens-tu de Gilles Berger ? Il était déjà assez photographe. On le surnommait Helmut à cause de Helmut Berger. Ce qu’il faisait m’intéressait beaucoup et il savait tirer des photos, donc il m’a appris à développer comme on le faisait à l’époque en argentique. J’ai acheté un premier appareil qui était un appareil soviétique bas de gamme de la marque Zenith, mais qui était déjà reflex. Et ça m’a beaucoup intéressé. J’en ai fait beaucoup entre l’âge de 15 et 20 ans, et puis, il y a un moment donné où nous avons commencé à faire de la radio puisque les ondes se libéraient, on appelait ça des « radios libres », donc je suis parti du côté du journalisme, d’abord à la radio puis à l’écrit avant de revenir nettement plus tard à la photo, en 2005, avec la pratique de l’argentique ; et là j’ai décidé d’abandonner tout ce que je savais et de traiter le numérique en tant que numérique, c’est-à-dire un nouveau médium qu’il fallait traiter différemment. C’était très pratique parce que c’est beaucoup moins cher, donc c’est plus démocratique et surtout je peux toujours disposer d’un petit appareil sur moi, ce que j’appelle mon « bloc-notes » et, dès que j’ai quelque chose à photographier, je le sors et voilà. C’est une pratique très simple de la photo. Et après, sur l’écran de l’ordinateur, évidemment, j’essaye que les images que j’ai prises se rapprochent le plus possible de mon style, de ce que je préfère, de ce que j’ai envie de transmettre aussi.Laurent Bachet

En clair, ces photos sont un retour à tes premiers amours ?

D’une certaine façon. C’est parce que je n’ai pas pu m’exprimer autant que je l‘aurais souhaité dans le cinéma. Donc cela a été un peu un dérivatif de revenir vers l’image et de vraiment se positionner, de s’interroger, de témoigner. Puis de le montrer, puisque là c’est ma première exposition, à mon âge, donc il était temps. Cela se passe vraiment bien. Je suis heureux de pouvoir montrer ces 43 images. C’est un début, j’espère.

Il y a tout de même un côté musical dans ces images. Quelques musiciennes et un peu de Bruce Springsteen…mais juste en silhouettes, on va dire !

Oui. Clara Luciani, Paul, du groupe Cheers, Melvil Poupaud…il y a une dominante musicale, car la musique live m’occupe beaucoup. J’adore toujours les petites salles. J’adore les petits groupes, les groupes pas très connus, mais qui vont peut-être le devenir.

Et dès qu’ils le sont devenus, tu les jettes !

Ce n’est pas ça. C’est juste que c’est beaucoup plus difficile de faire des photos (rires). Alors que, quand ils sont inconnus, dans les petites salles, personne ne vous empêche de photographier. Au contraire, on vous y encouragerait presque, alors qu’après, faire des photos quand on est à 300 mètres de la scène, au Stade de France, cela n’offre aucun intérêt. Moi j’aime bien capter des expressions. Depuis le temps, je pense que le rock, la soul, le folk, le jazz, quand c’est réussi c’est un vrai théâtre. Et donc c’est aussi très photogénique. Et les expressions des musiciens, les attitudes, ce qui se passe entre eux, avec le public, les réactions…tout ça pour moi c’est très photogénique. C’est quelque chose que je connais depuis très longtemps donc que j’arrive à anticiper assez bien. Souvent les gens m’interrogent là-dessus et je dis que si je ne fais pas de photos c’est que je déteste le concert. Je n’y arrive pas. Et en revanche, si j’aime, je peux difficilement m’empêcher de photographier. Ça m’aide à entrer plus profondément dans la musique et dans le spectacle.

Et du coup, tu n’écoutes pas la musique ?

Ah si. Je l’écoute mieux quand je fais des photos. Et justement le fait de ne pas faire de photos quand cela ne me plait pas me permet de m’en éloigner.

Il y a tout de même un parti-pris dans tes photos c’est de ne pas se contenter de ce qu’on voit.

J’ai entendu une citation récemment qui m’a beaucoup plu, elle est attribuée au metteur en scène américain Anthony Mann, et il disait : « Le metteur en scène, c’est celui qui voit. ». Moi, je plus souvent, je vois, parfois trop, car j’aimerais bien me débrancher. Mais, à d’autres moments, je me mets en chasse d’images et que je me dis : à quel moment ceci peut devenir une photo ? Parfois, elle me saute au visage, parfois j’attends un peu. Parfois, je peux définir un cadre et attendre qu’il se passe quelque chose dedans. Si j’ai une qualité, c’est celle-là ; j’arrive à voir et ensuite, parfois, plutôt que de jeter une photo qui ne me plait pas, je la tripatouille un peu, j’augmente les contrastes, je retire des couleurs, etc…pour voir si elle n’a pas encore quelque chose à me donner, avant de se retrouver dans la corbeille. Et parfois, ça marche !

Autre point commun à ces œuvres exposées, tes photos ont un côté peintures photographiques ou aquarelles !

Si je m’y connais un peu en cinéma ou en musique, je suis très peu calé en peinture. Tout cela est empirique et peu m’ont impressionné à part Guy Peellaeart , qui lui-même aimait beaucoup Edward Hopper, qui lui-même aimait beaucoup Van Gogh, je pense. Et ça a dû marquer mon esprit, mon regard et inconsciemment parfois il y a des couleurs, il y a des thèmes qui se rapprochent de ces gens-là. Mais, mes influences viennent plus du cinéma et de certains chefs op, que de la peinture elle-même. À mon grand désespoir, car j’aimerais être bien plus cultivé que je ne suis.

Tu parlais d’une nouvelle thématique liée aux SDF dont on retrouve certains exemples dans cette expo. C’est troublant.

Là c’est un travail que je fais en parallèle sur les sans-abris à Paris et dans la région parisienne en essayant de ne pas faire des images totalement tragiques ou désespérantes et, juste en montrant une certaine réalité ou la confrontation entre la réalité de tous les jours, c’est à dire des gens qu’on ne voit pas, ou qu’on ne voit plus, auxquels on ne fait pas attention. L’idée est de leur rendre une visibilité, mais tout en conservant leur dignité. Je ne montrerai jamais une photo de SDF où l’on reconnaitrait un visage, par exemple, j’évite complètement. Et cela fera l’objet j’espère d’une prochaine expo. Mais pour celle-ci je tenais à ce qu’il y ait cet aspect-là aussi. On a voulu avoir des aspects représentatifs de plusieurs styles qui constituent mon travail.

L’œuvre qui m’a le plus bluffé, c’est la première que l’on découvre en rentrant sur la gauche avec la destruction d’un abribus. C’est troublant. À la fois terrifiant et beau, touchant et déprimant.

Oui, cela m’a sauté au visage, c’est ce qui reste après le passage d’une manifestation un peu violente. Une fin de manif plutôt avec des gens qui n’ont pas forcément de rapport avec les manifestants d’ailleurs. Oui on découvre un abribus détruit avec le verre brisé par terre et une affiche de Charlize Theron pour Dior, qui est un peu froissée. Le tout sur le macadam parisien.

Et en même temps, à l’antithèse de cet aspect tragique, on veut y voir des cubes de glace pilée échappés d’un cocktail

On peut. Mais ça, c’est la liberté de chacun. C’est bien quand une image peut avoir plusieurs interprétations, suivant la personne qui la regarde. Effectivement, un acte de rébellion, un acte de violence peut donner lieu à un cliché très intéressant. C’est le rôle du photographe d’être là pour arriver à capter cette image. Car, aujourd’hui, tout le monde est photographe, tout le monde publie énormément d’images sur les réseaux sociaux et il est essentiel de se démarquer aussi. Cela dit, il peut m’arriver de prendre une photo que je ne retouche pas et qui reste absolument telle quelle, mais c’est très rare. J’ai toujours cette tendance à être perfectionniste et à vouloir améliorer les choses. Mais parfois, et surtout quand on ne réfléchit pas, la première est la bonne et il y a des photos qui ne méritent aucune retouche. Même si sur les photos couleur j’ai tendance à accentuer les couleurs. J’aime bien quand c’est dense, quand c’est très contrasté, Technicolor, CinémaScope.

La morale de cette histoire c’est de ne pas se contenter de ce qu’on a de prime abord ?

Le problème c’est d’être assez perfectionniste. J’aimerais parfois l’être moins. Mais c’est bien aussi d’arriver juste au moment où on se dit : hé bien, voilà, nous y sommes, je ne touche plus à rien ». Et ça, c’est très satisfaisant aussi. »

 

Chacune de ces 43 images sera tirée à moins de 30 exemplaires, numérotés et signés. Pressez-vous, car vous ne pourrez découvrir l’expo Bachet à la Curieuse Galerie, que jusqu’au samedi 11 mai 2019.

 

Le Monde d’Après par Laurent Bachet à la Curieuse Galerie au 25 rue Chanzy, 75011 Paris

 

 

 

 

 

 

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