EDDY DE PRETTO « Cure »
Imaginez une seconde que si les deux Claude avaient pu, de manière improbable bien sûr, s’aimer et donner naissance à un fils. Ce garçon serait Eddy de Pretto. Et je parle bien entendu de Claude MC et de Claude Nougaro. Car cet Eddy-là, c’est le prose-combat de Solaar allié à la verve ensoleillée du Toulousain magnifique. Avec « Cure » son premier album et toute la flamme de ses vingt-quatre ans, EDP est un véritable electrochoc, incontestablement la meilleur surprise francophone depuis le début d’année, découverte dans le « Quotidien » de Barthès.
« Random », après l’intro de « Début », ouvre l’album et c’est un percutant mélange de chanson et de hip-hop, avec des mots effilés comme le fil du rasoir, des mots electrochoqués qui transpirent l’émotion déclinée à la première personne du singulier. Première claque et le moment où l’on se dit que nul ne peut demeurer indifférent au style De Pretto. On se dit que c’est un coup de bol, mais dés la suivante, « Rue de Moscou » on se sent alpagué par un rap posé et percutant, qui file sur des séquences musicales aussi simples qu’efficaces. EDP se livre sans retenue aucune, et c’est justement cette impudeur-là qui le rend si émotionnel. Il est à la fois lyrique et puissant ; quelle maturité pour un si jeune homme de 24 ans ! Et le festival se poursuit avec « Jimmy », une de mes favorites, la plus belle, mais également la plus triste des love songs. « Je n’ai pas vu l’été, mais la neige était précoce », pulsée sur un simple piano, Eddy joue la sensualité masculine pour revendiquer haut et fort son amour pour les garçons. C’est un tourbillon de feeling qui nous emporte et qui parvient à faire battre nos cœurs juste un peu plus vite. Juste sublime. « Beaulieue », sur son piano boite à rythmes offre sa poésie urbaine exacerbée et mélancolique, portée par les violons comme pour mieux dramatiser le propos. Et cela fonctionne au-delà de toute attente. Puis « Quartier des lunes » est pulsée, énergique et amoureuse, on se noie dans le flot des mots de De Pretto et à nouveau, on songe à Nougaro; dans sa rage on sent que ces mots d’Eddy sont des javelots lancés pour nous perforer le cœur. Ces mots amoureux au bord de la rupture débordent d’une émotion qui nous submerge comme une lame de fond. Dans « Desmurs » sur sa guitare électro-acoustique, il chante « je suis assez maladroit, je ne sais pas gérer le nous » et nous offre encore un titre sur les relations amoureuses. Eddy parle de « carapace » et pourtant si on se sent si ému c’est que justement il se livre à nous, pour qu’on puisse lire en lui comme dans un livre ouvert. « Je » est omniprésent et c’est ce qui le rend si troublant dans cette superbe mélodie pulsée et percutée, qui bat littéralement la chamade. Sans doute la chanson la plus touchante, la plus puissante peut être de l’album, c’est ce « Kid » et son texte autobiographique ou non, peu importe, mais si troublant sur la virilité forcée, la virilité imposée au détriment du sentiment vrai, du sentiment intime, de l’identité, comme si la préférence sexuelle se déterminait de manière aussi simple que de forcer un gaucher à devenir droitier. Car lorsque Eddy chante « tu seras viril mon kid » il exprime en fait « tu seras hétéro mon kid »…jamais je n’avais entendu cette identité évoquée dans une chanson avec une telle sensibilité.
GBD Nostradamus vous le prédit : nul ne résistera à la vague De Pretto
Et comme pour mieux enfoncer le clou, avec « Normal », Eddy évoque à nouveau son identité, mais cette fois en se la jouant volontairement provoc, rentre dedans « je suis complètement banal, je suis complètement normal, je suis complètement malade » et c’est à nouveau bouleversant. Cependant lorsqu’Eddy chante « malade » on ne peut s’empêcher de songer à Brel et donc par ricochet on fait aussi le parallèle avec Stromae. Et là c’est l’énigme, car autant le Brel de Stromae me donne des boutons, autant celui d’Eddy de file la chair de poule. Et je serai bien incapable de me l’expliquer. Un des hits du CD….avec sa conclusion lyrique et épique joyeusement pulsée au tuba… Avec « Honey », Eddy nous offre le prochain slow de l’été, avec son refrain aux latines réminiscences de « Ti Amo » de Umberto Tozzi. Évidemment, « Honey » est une histoire d’amour, troublante et trouble, lyrique et forcément désespérée. « Ego », sur le même piano percuté que « Bennie and the Jets » d’Elton John sur « Goodbye Yellow Brick Road », est une superbe composition hypnotique et habitée par l’incroyable richesse de son univers. Passage à la Polnareff digne de « Je veux faire l’amour avec toi »… et on s’arrache tout simplement à l’attraction terrestre et c’est là qu’on se dit : a star is carrément fucking born avec cet autre hit incontestable de l’album. Dans « Mamère », non Eddy ne parle pas de Noel Mamère…mais de la sienne, entre autres, et c’est de la pure poésie. C’est éblouissant jusqu’au si troublant « maman » final. And one more hit avec l’incontournable « Fête de trop », le bateau ivre de ce Rimbaud rapologique. Renversante composition, peut être celle où Eddy se met le plus à nu, évoquant sa séduction et ses blessures profondes . Portée par son beat puissant, accroché à ces cascades impétueuses de mots qui jaillissent de ses lèvres on reste subjugué. « Musique basse » où EDP tient ses promesses et sa voix grave se fait sombre, comme un Johnny Cash déjanté. Enfin, « Jungle de la chope » clôt cet album merveilleux, comme le bouquet final du feu d’artifice, puissante et provoc ce « bienvenu dans la jungle de la chope avec ou sans capote »….seul Eddy du haut de ses 24 ans pouvait oser…et il l’a fait ! GBD Nostradamus vous le prédit : nul ne résistera à la vague De Pretto. ELP le chantait dans les 70’s :« Are you ready Eddy ? ». Désormais, avec Eddy de Pretto, on connait enfin la réponse .