LINKIN PARK… ROCK AND ROLL SUICIDE
C’est triste comme la chanson de Bowie : Chester Bennington, le chanteur de Linkin Park a été retrouvé sans vie chez lui à Palos Verde, dans une banlieue du sud de Los Angeles. Selon TMZ, il s’est donné la mort par pendaison. Chester Bennington n’avait que 41 ans. On ne peut hélas que tracer un sombre parallèle avec son copain Chris Cornell, le vocaliste de Soundgarden, lui aussi suicidé par pendaison en mai dernier. Détail terrible, Chester avait entonné le « Halleiujah » de Léonard Cohen à son enterrement. Il laisse derrière lui une épouse et six enfants.
« Je suis choqué et j’ai le cœur brisé, mais c’est vrai. Un communiqué officiel sera publié dés que nous l’aurons rédigé. », a écrit hier Mike Shinoda, le second singer-rapper de Linkin Park, sur son compte Twitter. Chester Bennington était natif de Phoenix, en Arizona. Lorsque ses parents ont divorcé, il n’avait que onze ans. C’est à cet age là qu’il aurait été sexuellement abusé par un de ses camarades plus vieux. C’est également à ce moment-là qu’il a entamé son usage de plus en plus intensif des stupéfiants. Le reste appartient à l’histoire du rock. En Californie du Sud, le déjà multi-instrumentiste Mike Shinoda fonde Xero, qui deviendra Linkin Park, avec deux potes d’Agoura Hills et publie un premier EP en 96. Mais c’est un coup d’épée dans l’eau. Le chanteur, un certain Mark Wakefield jette alors l’éponge. Sur les conseils de leur éditeur, ils rencontrent alors l’ex-chanteur du groupe post-grunge Grey Daze, un type débarqué de son Arizona natale…un certain Chester Bennington. Le premier CD, « Hybrid Theory publié » en 2000 fait un carton, le mix futé de rock bodybuildé et de rap incisif s’inscrit durablement dans notre paysage rock. Chester devient même également le vocaliste des Stone Temple Pilots après le départ de Scott Weiland en 2013. Mais certaines fêlures semblent ne jamais pouvoir se réparer, malgré tout le succès du monde. Linkin Park était encore à l’affiche du Hellfest, voici quelques semaines. Deux jours avant qu’il ne se donne la mort, Linkin Park donnait un concert acoustique dans les bureaux new-yorkais de Spotify. Il semblait jovial et heureux. Lorsqu’on lui demandait pourquoi sa musique n’était plus aussi agressive et énervée qu’auparavant, il répondait philosophe « Hé mec, désormais j’ai 41 ans ! ». Dave « Phoenix » Farrell, le bassiste du groupe a simplement tweeté : « J’ai le cœur brisé. ». Lorsque j’avais interviewé Linkin Park en 2007, pour l’album « Minutes To Midnight », je n’avais pas rencontré Chester Bennington, mais ses collègues Mike Shinoda et Dave Farrell. Trois ans auparavant, pour le mag TRIBU ROCK j’avais rédigé ce portrait de Linkin Park lors de la publication de leur « Meteora »
Publié en octobre 2004 dans le mag TRIBU ROCK sous le titre:
LINKIN PARK : LES MUTANTS ROCK
Au-delà des guitares supersoniques, les Californiens de Linkin Park ont inventé un nouveau mode opératoire où le rock et le rap viennent percuter l’electro. Ce rock mutant trouve son originalité dans la composition du groupe : deux chanteurs, l’un pour le rock, l’autre pour le rap et un DJ claviers en charge des séquences viennent épauler les traditionnels guitaristes, bassistes et batteur. Furieusement connectés au web, où ils se sont constitué la base la plus solide de leurs fans, Linkin Park à force de modernité construit le rock de ce 3éme millénaire.
Xero devient Hybrid Theory
C’est au nord des collines d’Hollywood, dans la San Fernando Valley que commence à fleurir Linkin Park. Comme souvent dans les histoires de groupes, trois gamins se retrouvent dans une chambre et projettent en 96 leur rêve rock plus grand que la vie. Mike Shinoda, métis nippon américain (et accessoirement descendant de Tchaïkovski) est déjà fan de rap. Son meilleur pote, , lui est fou de rock et de guitares. Pourquoi ne pas mélanger les deux ? Premières expérimentations dans la chambre de Mike en 96 où Rob Bourdon ne tarde pas à les rejoindre : il venait d’acquérir une batterie complète. Après le lycée, l’aventure continue avec un frappé d’électronique Joseph Hahn qui étudie aux Beaux Arts de Pasadena, à l’ouest de LA. Enfin un bassiste Dave « Phoenix » Farrell complète le groupe qui se baptise Xero. Mais il manque encore un chanteur pour incarner le côté rock face au rap de Mike. Ce sera d’abord Mark Wakefield. Avec lui Xero devient Hybrid Theory et passe la vitesse supérieure. Premiers concerts au Whisky A Go Go sur Sunset Boulevard, Hybryd Theory dans la foulée de Cypress Hill impose son rock métissé rap et ses synthés. Brad le guitariste parvient à se faire engager comme assistant chez Zomba, un éditeur de musique…qui finit par se laisser convaincre d’assister à un concert et qui les signe dans la foulée. Mais le caractère instable de Mike lui fait claquer la porte du groupe. À nouveau il manque un vocaliste rock aux gamins de la banlieue de LA. Il sera recruté grâce à une demo envoyée à différents vocalistes, dont Chester Bennington. Originaire de Phénix en Arizona, il était depuis quelques mois seulement en Californie lorsqu’il est engagé par les boys de la Vallée.
Un cocktail explosif de rock, de rap et d’electro
Avec ce nouveau vocaliste, le groupe est signé en 1999 par le label Warner et peut enfin expérimenter son cocktail explosif de rock, de rap et d’electro…sauf que leur nom Hybrid Theory est déjà celui d’un autre groupe. Chester vivait alors sur la plage, à Santa Monica, face au parc Lincoln. Ils décident donc d’adopter Lincoln Park. Accros au Web, ils veulent aussi pouvoir ouvrir le site de leur groupe.com. Hélas, les Lincoln Park sont aussi répandus aux USA que chez nous les Boulevards de la Libération. No prob, Lincoln devient Linkin et le site Linkinpark.com débordant d’extraits, d’infos et de docs sur le groupe sera très vite le point de ralliement des fans. D’ailleurs dés la sortie de leur premier CD, intitulé « Hybrid Theory » en clin d’œil à ces années passées, les 6 musiciens s’investissent généreusement sur le net, répondant souvent directement aux questions posées dans les chat-rooms de leur site. Sur la tournée 2001, les Linkin installent carrément un mini studio d’enregistrement au fond de leur bus. Entre les ordis et les amplis, les bases du second CD seront largement posées. Puis début 2002, tous se retrouvent dans le petit studio de Mike pour affiner ces maquettes. Enfin, l’album sera enregistré à Hollywood avec Don Gilmore qui signait déjà la production de « Hybrid Theory ». En tout 13 chansons d’une intense fusion d’énergies ramassées en 36 mn et 31 sec.
Like a walk in the park, comme on dit là-bas !
Linkin Park va droit à l’essentiel sans perdre son temps en vain solo de guitare ou de batterie. Chaque titre de « Meteora » est taillé au rasoir pour une efficacité maximale. Le titre est inspiré des Monastères grecs de Meteora perchés sur les Monts Parnasse qui semblent flotter dans les airs comme si les chansons pouvaient s’arracher à l’attraction terrestre. Elles inspirent aussi ce sentiment de solitude qui permet de se retrouver au fond de soi. Linkin Park puise son inspiration chez des groupes aussi divers que Nine Inch Nails, Depeche Mode ou the Roots en les entraînant dans la tempête de solides guitares rock. Emporté par l’emblématique « Somewhere Where I Belong » l’album poursuit son succès météorite. Live à Bercy, le groupe subjugue les ados par sa maîtrise du chaos organisé. Et le « Live In Texas » qu’ils publient dans la foulée atteste de cette incroyable cohésion scénique comme de l’originalité totale de leur son. Avec seulement deux albums studio à leur actif et tout leur potentiel, les petits gars de la San Fernando Valley peuvent affronter leur futur radieux en totale sérénité., comme une simple promenade au parc Lincoln … like a walk in the park, comme on dit là-bas !