LE TERRIBLE CHOC DE LA MORT DE JEAN LOUIS MURAT

Jean Louis Murat Putain 71 piges… et de surcroit le mec vivait au grand air, toujours viscéralement attaché à sa terre d’Auvergne où il puisait à la fois force et inspiration, c’est à désespérer. Jean Louis Murat nous a quittés et j’ai encore la boule au ventre. Une phlébite ayant causé une embolie pulmonaire serait la cause de sa disparition. En 82 j’avais rédigé la bio de son tout premier LP, l’éponyme « Murat » et nous étions devenus potes. Même si au fil des ans nous nous étions perdus de vue,  j’avais conservé toute mon affection doublée d’un immense respect pour sa musique. RIP ami Jean Louis le music-lover…

Jean Louis Murat Décéder le même jour que l’immense Tina Turner et à la veille de la sortie d’un nouvel album, même si c’est un très ambitieux « Best Of » de 4 CD qui embrasse l’intégralité de sa carrière – à l’exception notable de son tout premier single « Suicidez-vous le peuple est mort », justement-, même dans la mort Jean Louis Murat aura su jouer à fond la dérision. Les images se bousculent dans ma tête, je le revois chez lui avec sa compagne d’alors Marie Audigier en train de passer de la weed à la poêle pour qu’elle sèche plus vite et que nous puissions nous faire un petit pétard. Je me souviens de nos inlassables discussions sur la musique, une passion que Jean Louis entretenait avec une rare érudition. Bien sur il pouvait être aussi adorable que cassant, comme durant cette émission de télé pour Arte où il devait etre interviewé face au public sur la scène du Bataclan par mon jeune confrère Gilbert Azoulay qui assurait alors la musique pour le journal L’Étudiant. Connaissant le personnage, j’avais fait en sorte qu’ls passent que partie de la journée ensemble pour se découvrir l’un l’autre. Tout s’est admirablement bien passé … jusqu’au moment où les lumières rouges des caméras se sont allumées. Là il m’a cassé mon confrère comme du petit bois avec une rare cruauté et une bonne dose de sadisme gratuit.  Docteur Jean Louis Mister Murat avait encore frappé. A l’instar d’un Nino Ferrer, il cultivait son plus profond mépris pour ce showbiz « m’as-tu vu » auquel il ne se trouvait aucune qualité et rien que des défauts. Une phlébite ayant causé une embolie pulmonaire serait la cause de sa disparition si soudaine. Si j’avais apprécié ses deux derniers albums chroniqués sur ce webzine ( Voir sur Gonzomusic JEAN LOUIS MURAT : « Morituri » et aussi JEAN LOUIS MURAT « Baby Love » ) je n’avais pas échangé avec Jean Louis depuis des années, mais jamais je n’oublierai son regard azur et son rire joyeux qui résonnera à jamais dans mes oreilles. Sous le choc, je n’ai pas le courage de vous en dire plus, mais en 1982 à la demande de Jean Bernard Hébey, je rédigeai cette petite bio pour son tout premier 33 tours… adieu Jean Louis…

Par Gérard BAR-DAVID Jean Louis Murat

JOACHIM était l’un des meilleurs cavaliers de l’Empire. JEAN LOUIS a un cheval de bois qui s’en va brouter sur vos cumulus. JOACHIM était duc de Berg et de Clèves, roi de Naples. JEAN LOUIS a signé son premier simple en 81 : « Suicidez-vous, le peuple est mort » MURAT dans les miroirs reflète ses deux visages me balançant tout de go : « Joachim est mon héros historique préféré : un enculeur, un mec bête et prétentieux, mais juste un peu con, l’anti-héros ; le coq quoi, qui n’avait que son courage physique : on dit aussi, bête comme un footballeur. »

Pile ou face, Murat Jean Louis se confond parfois avec Joachim, mais la passion les distancie. Murat a onze ans lorsqu’il s’engage pour porter l’uniforme bleu galonné de saxe des Harmonies Municipales de la Bourboule. Du saxe au Motown Sound, il y a quelques tours de sillon : Murat assimile jusqu’au feeling des racines dorées du R and B. Seul, branché à des miles à la ronde, il vit au rythme des parutions de Rolling Stones et du Melody Maker, il pose sans cesse des colles aux rubriques « courriers » de Best et Rock and Folk. Murat est un drôle de héros : en 1 ère il réussit à passer son bac en candidat libre et découvre aussi l’étonnant pouvoir de la séduction : « Lorsqu’on essaye d’être le meilleur quelque part, c’est pour que ça se sache. Le meilleur moyen pour avoir une fille, c’est qu’elle soit admirative, pas béate. » En 77 Murat découvre le punk et le vit en communauté avec Clara, son premier groupe. Clara partageait la scène et la vie avec Madame Atomos, composé des nanas des musiciens. Ils assurent quelques gigs avec les Dogs ou Asphalt Jungle et les premières parties de Téléphone ou Lavilliers.

Jean Louis Murat Un jour une démo plonge, par hasard et en piqué, sur le building de RTL, traverse les étages pour enfin se poser sur le bureau de Jean Bernard Hébey. Un seul mot était inscrit sur l’étiquette : Clara. Pour retrouver sa trace, Hébey lance des appels à l’antenne. Clara monte à Paris pour un concert aux studios. Mais un soir de festival dans les Alpes, les deux groupes splittent simultanément : le et la bassiste se sont esquivés de concert. Murat se retrouve tout seul pour enregistrer son 45 tours. « Suicidez vous … » avait la silhouette du hit. La radio le matraque jusqu’au moment où un bauf’ menace de traîner la radio en justice parce que sa fille veut se suicider en écoutant la chanson. « Suicidez vous … » plonge d’un coup dans l’auto-censure. Si Malcolm Mac Laren avait été français, il aurait pu cartonner de la même manière que « God Save The Queen ». Tant pis. Murat regagne sa tanière de Sugers, trois fermes plantées en pleine nature dans le Massif Central. Murat c’est aussi Jeremiah Johnson, un country-man hexagonal. Comme Kevin Rowland, il a découvert que la passion savait fleurir sur un seul terrain : la simplicité. Le rock de Murat est à l’image du cours d’eau qui chante derrière sa maison : il est pur, ses méandres renvoient aussi bien les reflets sonores de Roxy Music que ceux de Joy Division. Murat le saxe me rappelle aussi Bowie : il performe, compose, écrit et arrange avec une subtile facilité. Trop de facettes et pas assez de mots pour le dépeindre, il sait se faire noir comme Otis ou tendre comme Marvin. Les répliquants de nos hits parades feraient bien de s’accrocher, leurs tours de passe-passe n’y survivront pas : le premier LP de Murat est un Bladerunner qui en balaiera plus d’un. Si le rock en France ressemblait au détroit de Béring, Murat serait un brise-glace, il est  sans doute ce qui pouvait nous arriver de mieux depuis la découverte de Gainsbourg par un poinçonneur talent scout à la station Lilas.

1815 : JOACHIM meurt fusillé sous les balles des napolitains 1982 : JEAN LOUIS tourne sur les platines : l’effet Murat se distille en 33,1/3 avec la complicité de 12.314.666 têtes de lecture.

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4 réponses

  1. pierrot dit :

    Je pense que vous devez retirer la mention de suicide pour ne pas créer de rumeur. La presse a donné l’origine de la mort (embolie)

  2. jean marc dit :

    Bravo GBD pour cet hommage. Murat est parti à cause d’une embolie.

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