Le « cœur de tonnerre » de John Trudell ne battra plus

John Trudell

 

Comme dans le film de John Frante où il tenait le premier rôle au coté de Val Kilmer « Thunder Heart » (Cœur de tonnerre), le héros de la cause des Amérindiens, le comédien rocker poète John Trudell s’est éteint hier chez lui en Californie du Nord.

John TrudellCette année 92, le monde découvrait soudain John Trudell. D’abord par son album puissant chargé de country et de blues « AKA Grafitti Man », produit par son camarade militant Jackson Browne, puis par le film « Cœur de Tonnerre », puissant thriller social qui se déroule dans une réserve indienne. À la manière d’un Buffy Sainte-Marie, Trudell depuis les 70’s n’a jamais cessé d’œuvrer en faveur de la reconnaissance du génocide subi par les Indiens. Né et élevé dans une réserve indienne du Dakota du Nord, il s’impose très vite comme l’ardent défenseur de l’extraordinaire héritage culturel et politique des Indiens d’Amérique. Trudell a tout juste vingt ans lorsqu’il s’impose déjà comme le porte-parole de l’occupation d’Alcatraz par le mouvement United Indians of All Tribes. Avec la complicité des étudiants de la fac de Berkeley, il crée la radio pirate Radio Free Alcatraz diffusant des chants indiens et des messages de révolte. Arrêté à maintes reprises pour ses actions en faveur de son peuple, Trudell n’a jamais courbé l’échine, même face au puissant FBI qu’il accusait de persécutions. Un rapport de l’agence fédérale stipulait que « Trudell était doté d’un sens inné de l’éloquence et par conséquent il pouvait se révéler extrêmement dangereux. ». Ardent militant des droits de l’homme, n’était-il pas la bête noire de Richard Nixon ? Le FBI a compilé plus de 17.000 pages sur ses activités et dans leurs archives il compte avec Lennon et Chaplin parmi les artistes les plus « documentés » par le service de renseignement intérieur US. Ce qui ne l’empêche pas, fort heureusement de publier en 1982 son premier recueil de poèmes « Living In Reality : Songs Called Poems ». Dans le documentaire que lui consacre Michael Apted en parallèle à son « Thunder Heart » intitulé « Incident At Oglala » ( où le narrateur n’est nul autre que Robert Redford), il souligne que « Mon seul tort, c’est d’ouvrir la bouche pour m’exprimer et ils nous ont sauvagement réprimés. » En février 79, un incendie manifestement volontaire avait enflammé la maison de ses parents dans la réserve de Duck Valley dans le Nevada où sa femme enceinte Tina, ses quatre enfants ainsi que sa belle-mère périrent tous cette nuit-là. Fou de douleur, Trudell a enflammé un drapeau US sur les marches du FBI building de Washington, mais il n’est jamais parvenu à prouver leur culpabilité, même si au fond du cœur l’activiste n’avait aucun doute sur leur responsabilité.

Un prophète rock

 

Bien des années plus tard, Trudell dira qu’il a été sauvé par l’art. Bouleversé par ses poèmes et son style de chanteur en talk-over, Jackson Browne devient son plus fervent John Trudell AKA Grafitti Mansupporter. Et il ne tarde guère à être adoubé par ses copains musiciens tels John Fogerty, Willy Nelson, Kris Kristopherson, Bonnie Raitt et même Bob Dylan. Pete Garrett de Midnight Oil l’embarque dans son « Diesel and Dust Tour » tandis que Peter Gabriel l’enrôle dans son WOMAD. Lors de sa sortie, j’avais chroniqué son superbe « AKA Grafitti Man » touché par son style parlé chanté porté par le blues et la country sur des textes brulôts imparables. John Trudell au nom de tout ce qu’il pouvait incarner pour les peuples amérindiens était un véritable Bob Marley, un prophète rock dont la voix portait autant que ses mots. Jusqu’à la fin de sa vie, il n’a jamais cessé d’écrire, de chanter et de raconter, comme s’il pressentait qu’il devait à tout prix livrer l’urgence de son témoignage. En réécoutant aujourd’hui son album produit par Jackson Browne, si mon cœur saigne, je sais néanmoins qu’il a largement accompli sa mission sur Terre. Et s’il a finalement perdu son combat inégal contre ce cancer qui l’a terrassé à seulement 69 ans, il galope à jamais aux côtés des siens et du Grand Manitou au paradis des Indiens. So long brother John…

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