L’ANNONCE FAITE À MARI
Voici 42 ans dans BEST GBD ne manquait pas de succomber au charme irrésistible de la « beehive » de la « Neasden Queen of Soul », Mari Wilson, entourée de sa troupe de vingt et un musiciens et choristes pour un motor town show plus vrai que réel où l’on finit par confondre Mari Wilson avec … Mary Wilson… en irrésistible annonce faite à Mari en « soulsation » forcément salvatrice. Flashback…
Petit memo pour ceux qui confondraient encore la Supremes Mary Wilson, née à Greenville, Mississippi, héroïne majeure du Motown Sound de Detroit e Berry Gordy… et Mari Wilson, star du jeune label British The Compact Organization, la « reine de la soul de … banlieue située au nord de Londres. Et pourtant , au-delà de la quasi homonymie de leurs patronymes respcetifs ces deux chanteuses soul ont manifestement bien pus en commun que leur coiffure dite « ruche », la preuve par ce reportage « back from the future » réalisé au siécle dernier pour le fameux mensuel rock de la rue d’Antin…
Publié dans le numéro 170 de BEST sous le titre :
MARI MARI
Lorsque la scène de l’Adolphi Theater s’est illuminée, j’ai déployé quelques efforts pour me replacer les yeux en face des trous. Avais-je soudain perdu la raison dans une faille temporelle? Peut-être étais-je tout simplement la proie de terri-iants anachronismes, mais Mari Wilson et ses Wilsations semblaient si réels… et pourtant. Si Mari n’a pas inventé la soul à remonter le temps, avec ses 11 musiciens, choristes mâles et femelles, elle redécouvre une conception du show tel que Berry Gordy savait le concevoir à l’époque dorée de la Motortown Revue. Deux semaines auparavant, j’avais rencontré Tot Taylor, le manager très dynamique de Compact Organization, et Virna Lindt, l’irrésistible espionne suédoise m’avait déjà tuyauté sur Mari : « 90 % du design de Compact passe entre mes mains.., saut tout ce qui concerne Mari Wilson ». Le mystère planait déjà en delta. Pourquoi tous ces secrets ? La rencontre avec Tot était une occasion inespérée d’en savoir enfin plus. Au fil de la conversation, les indices s’accumulaient : 24 printemps, originaire de Neasden, Mari possède une voix capable de réduire en miettes un service de cristal. Elle n’est pas inconnue des tribunaux britanniques : le procès qui l’opposait aux imaginations, un ensemble disco jouissant d’une petite cote dans les charts, a défrayé la chronique. Les Imaginations de Mari Wilson sont devenues les Wilsations et Tot a dû débloquer quelques milliers de livres en dommages (c’est le cas de le dire) et intérêts. Ce soir-là, aux Bains-Douches, Tot me remettra le « Young person’s guide to Compact », un coffret de deux LP compilés. Ce document capital est, en fait, un dossier rose vif sur les activités du label Compact, avec une liste complète de leurs agents actifs : Virna, Mari, mais aussi Shake Shake, les Beautiful Americans, les Popheads et Cynthia Scott. Les agents de Compact ont choisi la couverture idéale, ils se produisent sur scène, ont une vie publique plutôt agitée, et dans l’ombre s’adonnent à l’intelligence. Subtil, non !
Les Compact people pratiquent l’espionnage n’roll. Justement, Mari et les Wilsations concluaient une tournée de deux mois dans une salle du West End. Je sautai donc dans un Airbus pour Londres et me présentai le soir-même au contrôle de l’Adolphi Theater, le métal froid de mon enregistreur plaqué sous mon aisselle gauche. Mon plan était simple : profiter, après la performance, de la confusion pour me glisser dans la loge de Mari. Pour l’interrogatoire proprement dit, il serait toujours temps
d’improviser. Je m’Installe donc à une dizaine de mètres de la scène sur mon fauteuil numéroté. A ce moment, Kurt l’Amour et Wilbur G. Force, deux des Marines de Mari, déboulent sur scène en smoking. Les deux choristes ont une discussion passionnée : pourquoi Kurt ne parvient-il jamais à ramener une petite sérieuse à la maison. Wilbur file les plans. « Ça ne marchera ja-mais » répond Kurt terrorisé. « Hé, mais n’est-ce pas le show qui commence ? » et ils disparaissent dans les coulisses, tandis que surgit une voix venue d’ailleurs : ‘And now Ladies and Gentlemen, here’s the Neasden Queen of Soul heeeere’s Mari Wilson ! Et Hank B. Hive. le troisième Marine, apparaît à 10 m du soi suspendu à un filin. Pendant tout le show, Hank servira de faire-valoir à Mari. Il donne la réplique entre les morceaux, joue les naïfs et présente les VINGT-DEUX participants de la fête. Mais à ce stade, elle ne fait que démarrer : les Marionettes, Candide et Amanda, suivies des Wilsations, Gary, Larry, Barry, Cary et Jim investissent les planches. La musique démarre, d’abord une pulsation qui grossit, puis un rythme irrésistible, « Speak te me Mari. Talk to me, whisper in my hhheeear! », Hank joue le suspense. Et soudain Mari Wilson éclate dans la lumière, moulée dans une robe de satin façon sixties. Elle chante « Baby it’s True » et une série de standards plus vrais que nature recréés par Teddy Johns, son auteur-com-po attitré. Le tour de force, c’est qu’avec des morceaux actuels, Mari parvient à reconstituer l’esprit rhythm and blues de la grande époque à la manière des Supremes ou des Vandellas. Le show des Wilsations recrée ce sens de l’événement qui avait depuis longtemps disparu des scènes. Sur un échafaudage métallique, six danseurs et danseuses battent la mesure avec leurs mains et leurs corps. Entre deux chansons, Hank entretient le public. Mari s’esquive et réapparaît quelques instants plus tard après avoir passé une autre robe. Les costumes se succèdent tandis que souffle l’esprit du fun sur l’Adolphi Theater. Parfois Mari chante comme Judy Garland. C’est flagrant sur ce cover de « Cry Me A River » d’une tragédie toute hollywoodienne. Le show s’achève sous les confetti et des applaudissements en déflagrations. Je fonce dans les backstage pour coincer Mari avant que ne l’engloutisse la party de l’après-concert. Je frappe à la porte de sa loge… Je me sens comme Tintin face à une Castafiore gagnée au Motown Sound.
« Mari Wilson : Alors, qu’as-tu pensé du show ?
Oh, je me suis bien amusé. Dis-moi, comment l’as-tu conçu?
Hé bien, j’ai enregistré « Dance Card », mon premier simple, et il me tallait un groupe pour m’accompagner en tournée. Ça n’a pas trainé. Compact et moi avons réuni des gens que nous connaissions et nous avons répété. En fait, nous ne sommes que douze, les danseurs et les autres étalent une attraction pour cette soirée très spéciale.
Tu t’appelles vraiment Mari Wilson, parce qu’une des Supremes portait ce nom?
Oui, mais elle, c’était Mary avec un « y », moi, c’est Mari avec un «i ».
Tes influences sont assez dans la ligne Motown.
C’est vrai, cela fait partie de la musique que je préfère. Mais il y a aussi des filles comme Judy Gar-land et Barbra Streisand. J’adore leurs films parce qu’ils éclipsent la réalité au profit du royaume de l’imaginaire.
D’où viens-tu ?
Ma famille est écossaise, mais nous avons toujours vécu dans la banlieue de Londres. Je suis parvenue à me faire engager dans un studio, pour quelques séances de choeurs, uniquement parce que la musique m’intriguait. C’est ainsi que Tot et moi nous nous sommes rencontrés.. Sans ma créativité, jamais je n’aurais pu démarrer. Tot m’ aidé à tous les stades : les idées, les décors les costume. Pour la plupart des groupes ce sont des détails. Mais moi j’ai envie de vivre un show dans toute sa force. Pas un concert, mais un show. Pour écouter de la musique, tu es bien mieux chez toi que dans une salle de concerts Mais si tu sors pour aller voir un groupe, il faut qu’il sache te distraire. Tu n’as pas envie d’entendre parler de chômage, les journaux sont là pour pa. Je n’agresse pas les groupes qui pratiquent… heu… un certain réalisme politique, mais moi, je veux pouvoir faire rire ou danser les gens, c’est une manière de refuser la crise.
Aurais-tu la même latitude dans une grande multinationale?
Bien sûr que non. Avec Compact, je suis tenue au courant de tous les détails, les rapports sont directs. Tot et mol sommes très proches. On n’a pas une pareille intimité sur un label qui se charge déjà des destinées de 500 000 groupes. Tu sais, ce que nous faisons est à prendre au second degré.
Tu sembles observer les sixties avec mélancolie. Tu ne vis donc par dans le monde actuel ?
Pas du tout, nous sommes en plein 82. Les gens nous collent une étiquette « année 60 » parce que c’est la dernière époque où l’on trouvait des formations comme la nôtre. Pour moi, la dernière décade aura été complètement stérile. Les groupes ont perdu le sens du spectacle, ils ne savent plus s’amuser ».
Et pour me démontrer que les Wilsations ont une bonne définition de la fête, Mari m’a entrainé vers le bar de l’Adolphi où l’on nightclubbait joyeusement. Bientôt sa coiffure Bee-Hive (ruche) est happée par une foule en mouvement. J’avale un verre ou deux et je m’éclipse. Les souvenirs magnétiques de cet-te nuit iront grossir le dossier top secret à la lettre W.
Publié dans le numéro 170 de BEST daté de septembre 1982