LA NEW WAVE IMMATERIELLE D’ IT’S IMMATERIAL
Voici 30 ans dans BEST, GBD continuait sa never ending exploration de la New Wave avec It’s Immaterial. Originaires de Manchester mais basés à Liverpool, le duo constitué de John Campbell et Jarvis Whitehead publiait son tout premier album au titre cynique de « Life’s Hard And Then You Die »( la vie est dure et à la fin on meurt). Propulsé par leur intrigant 45 tours « Driving Away From Home ». It’ Immaterial débarquait pour la toute première fois à Paris et j’étais fier de leur tendre mon micro de BEST reporter, accompagné par mon fidèle photographe Jean Yves Legras. Flash-back…
Trois petits (33) tours, et puis s’en vont, tel fut souvent la destinée des formations british New Wave au milieu des 80’s. Le duo constitué de John Campbell et Jarvis Whitehead n’échappe guère hélas à la règle. Après le tabac de ce « Life’s Hard And Then You Die », « Song » un second LP sortira en 1990, mais après son échec, son successeur « House For Sale » ne sortira pas…avant cette année 2017 où il est enfin offert à la souscription sur la plateforme- Pledge Music preuve que parfois tout vient à point à qui sait attendre….
Publié dans le numéro 225 de BEST sous le tire :
HAUTEMEMENT IMMATÉRIEL
La frontière entre le nord et le sud passe par Birmingham, elle délimite aujourd’hui l’Angleterre qui survit doucement a la politique de droite et à la crise, et celle qui crève a petit feu dans la débandade industrielle. It’s lmmaterial a choisi son camp, le labour et le Nord et c’est là le thème principal de leur nouveau single, balancé dans l’hexagone, « Driving Away From Home ». |t’s lmmaterial c’est John Campbell et Jarvis Whitehead, deux Mancunians – c’est ainsi que l’on baptise les indigènes de Manchester- exilés a Liverpool depuis leurs années de fac. Quatre 45 tours indépendants, et un deal avorté avec Warner plus tard. John le chanteur et Jarvis |’instrumentiste ont enfin trouvé leur souffle avec ce premier LP, au titre hautement évocateur, « Life’s Hard And Then You Die »( la vie est dure et à la fin on meurt) publié sur Virgin via le micro-label local Siren. Pour un rock critique, la musique d’lt’s lmmaterial est un vrai challenge, un truc impossible à étiqueter en trois coups de Doors ou de Velvet. Synthétique et détachée, sans jamais être inhumaine, elle est assez barge et mélodique pour collectionner des références aussi patchwork que Stan Ridgway, Simple Minds, Mark Almond/Solt Cell, Frank Tovey/Fad Gadget, Godley and Creme et Manitas de Plata. Dans la catégorie duo, John et Jarvis se situent aussi dans la droite lignée des Eyeless ln Gaza, OMD et Yello.
« On sait que le groupe a démarré a Liverpool, mais comment vous êtes-vous rencontrés ?
Jarvis Whitehead : John étudiait l’animation et moi j’étais en archi. Vers le milieu des 70’s, on fréquentait les mêmes pubs. Nous y sommes d’ailleurs toujours fidèles.
John Campbell : Nous avons choisi la musique pour tenter de conserver un certain contrôle sur notre destin. Moi je voulais être mon propre boss au lieu d’un simple maillon de la chaîne qui me lie à une grosse boîte d’animation de pub.
Le rock c’est moins cher et plus direct que de monter seul un dessin animé ?
J.C. : ll faut tant et tant de blé pour faire un film ! Alors que pour la musique, tu peux attaquer avec trois fois rien d’instruments et un minable quatre pistes cassette au fond de ta chambre. Si le TEAC Porta-Studio limite parfois ton imagination, il peut être la clef qui mène au vingt-quatre pistes : c’est ce qui nous est arrivé.
Les chansons d’It’s lmmaterial dépeignent des personnages simples et climatiques, quelle est votre origine sociale ?
J.C. : Mon père était imprimeur. il bossait pour le Daily Express. Ma mère était coiffeuse.
J.W. : Moi mon père était manœuvre dans l’industrie textile du Lancashire. Lorsque la guerre est arrivée, il s’est mis aux cours dusoir, tout en continuant a bosser dans la journée. C’est ainsi qu’il a décroché son diplôme d’ingénieur. Mon père aimait se salir les mains. Il a construit seul notre maison. Il en était assez fier d’ailleurs.
Autant vous dire les choses en face: vous ne ressemblez pas à Boy George. Vous n’avez pas l’air d’archétypes de pop stars !
J.C. C’est vrai, nous sommes très anonymes. Je crois surtout que nos images en musique, en vidéo et tout le travail artistique sur nos pochettes de disques suffisent sans que nous ayons besoin de nous faire la tronche en technicolor. Le look trop sophistiqué est souvent un palliatif au vide de la créativité. En plus, nous changeons tellement de directions dans la musique, qu’au point de vue look on aurait quelques problèmes à suivre.
Ce qui m’a le plus surpris sur l’album, c’est le côté flamenco de certaines de vos guitares.
J.W. : C’est juste le reflet de notre intérêt pour ce genre de musique. On aime bien respirer ailleurs, dans la musique ethnique par exemple. Avec la pop, on finit trop souvent par se scléroser.
Quoi, vous reniez ce sein du rock and roll que vous avez tété ?
J.C.: Nous avons grandi dans la pop et nous aimons encore les Kinks ou les Stones et la soul noire très populaire dans tout le Nord. C’est plus fort que nous, il nous il nous faut aussi réinjecter une bonne dose d’inconnu. Alors, pourquoi ne pas aller aux antipodes ?
Et vous avez aussi choisi la transparence avec lt’s lmmaterial ?
J.C. : Si on prend les autres groupes de Liverpool, les Teardrop Explodes ou Echo and The Bunnymen, leur patronyme est un non-sens, c’est comme se balader avec une étiquette de supermarché. Au moins, lt’s lmmaterial ne présage rien de la musique. Ca nous donne beaucoup plus de distance. »
John écrit tous les textes, tandis que Jarvis trace la trame musicale. À force de se pratiquer ils n’éprouvent pour communiquer plus guère le besoin de parler. A Liverpool ils vivent dans le même bloc d’immeuble de style victorien un peu destroy. Leur message au monde c’est : prends bien soin de tes potes et jouis au maximum. Trouve le sel de la vie pour savoir ce que tu es vraiment. Et surtout force-toi a toujours aller droit vers l’inconnu. Reste indépendant. Les âmes, les anges et les fantômes sont immatériels. Mais bon sang, où ranger John et Jarvis ?
Publié dans le BEST N°: 225 daté d’avril 1987