LA LIVERSOUL COOL DES CHRISTIANS
Voici 30 ans dans BEST, GBD explorait la new-soul des Christians née sur les rives de la Mersey, dans la mythique Liverpool des Fab Four. Leur album éponyme « The Christians » avait été publié quelques mois auparavant. Propulsée par les joyeux singles « Forgotten Town » « Born Again », et « When the Finger Points », la carrière des frères Christians semblait définitivement sur orbite, mais hélas au pays du rock tout ne s’achève pas toujours en « Happy End ». Retour sur le futur de la genèse des Christians.
On peut être chrétien sans forcément se revendiquer en tant que chrétien. Demandez donc à l’astronaute Jean Loup Chrétien 😉 C’est un peu toute l’histoire des Christians, quatuor british composé des trois frangins Christians : Garry, Russell et Roger et de Harry Priestman ( on ne s’éloigne pas trop de la religion-re 😉 )…dont le « middle name » était en plus…Christian, cela ne s’invente pas ! À la manière des Four Tops ou des Temptations, les Christians cultivaient la soul vocale avec un rare feeling dans des compositions aussi originales que cool perpétuant la tradition de la Motown. Après les ancêtres Average White Band ou Fontella Bass puis leurs collègues Wet Wet Wet et Hipsway, the Christians incarnaient la fameuse « blue eyed soul » des 80’s. Hélas, après deux ou trois albums, le groupe n’a pas sur renouveler son style, tombant dans le piège des « Best of » et des ruptures/reformations. La tragédie n’est pas non plus absente de leur aventure sonique avec la mort de Roger Christian emporté en 98 par une tumeur au cerveau. Aujourd’hui si les Christians se produisent encore sur scène au Royaume-Uni, seul Garry subsiste de la formation originale, ce qui ne l’a pas empêché de fêter sur scène les 30 ans de sa formation l’an passé au cours d’une tournée. Flashback sur la genèse des Christians.
Publié dans le numéro 235 de BEST sous le titre :
LE GÉNIE DU CHRISTIANISME
Chauve qui peut ! sur le plateau télé des Buttes-Chaumont ( alias la SFP: NDR) le crâne glabre de Garry Christian brille sous les feux de la rampe. Hurlements du réalisateur au micro d’ordres et cette pauvre maquilleuse qui se fait…des cheveux , soupoudre Harry comme une crêpe au sucre cristallise toute l’énergie, slurp ! Jetées désolées, quais désertés, où les grues rouillées sont des busards figés, en 88 Liverpool et sa détresse cristallisent toute l’énergie de la nouvelle soul grâce aux frangins Christians. Barry le dégarni et Russel ont associé leur feeling abyssal de leurs voix à l’unisson aux compositions ee leur pote Henry Priestman. Temptations, Four Tops, Isley Brothers, O’Jays, the Miracles, les Christians sont une galerie vivante, un musée Grévin pour les oreilles des mythologies de la soul music. C’est à la fiesta des 24 ans d’Island, donnée aux fameux studios Pinewood le 4 juillet dernier qu’ils m’avaient d’abord séduit. Dans la foulée de leur premier LP, planqués derrière leurs ténébreux Ray Ban Wayfarers, les liverpooliens font maintenant déborder leur feeling ébène sur toute l’Europe.
« Quelle est la genèse des Christians ?
Henry Priestman : J’assurais les claviers d’un autre groupe de Liverpool, It’s immaterial et on cherchait des voix pour « Ed’s Funky Diner », un titre de leur 33 tours. Gary, Russel et Roger Christian ont débarqué dans le studio et ce fût magique…au point que je sois reparti avec eux et que nous ayons formé le groupe.
Vous êtes tous natifs de Liverpool ?
Gary Christian : Henry est originaire de Hull, comme les Housemartins ( voir sur Gonzomusic…..) mais mon frère et moi sommes nés à Liverpool. Notre père est jamaïcain et notre mère est anglaise.
Et Priestman ( le prêtre) est ton vrai nom Henry ?
HP : Tout à fait et le plus incroyable c’est que mon middle name est…Christian
Priestman et Christian,voilà une belle coïncidence, mais le plus étonnant est votre rock car malgré tout ça il n’a rien de religieux.
GC : On n’est pas non plus antireligieux, mais ce n’est pas notre préoccupation essentielle. Disons que nous avons tous notre propre petit Dieu quelque part .
HP : On utilise les harmonies du gospel, des images musicales bibliques, mais sans rapport direct avec la religion.
GC : On est des amuseurs, pas des prêcheurs.
Votre premier album a tout l’ébène de la soul music, on le croirait poli par les usines Motown.
HP : On voit ce que tu veux dire, mais les Christians ont bien d’autres influences comme le reggae, le country and western, la pop, le funk, le rock psyché…
Objectivement, l’influence soul est plus sensible chez vous que le punk ou le rock psyché !
HP : Elles sont pourtant bien présentes. Nous refusons d’être « encore un de ces soul band british ». Pour moi la soul c’est Otis ( Redding), James (Brown), des gens comme cela et la soul d’aujourd’hui parait bien loin de ces héros.
GC : À la maison, avec mes quatre frères et mes cinq sœurs, nos parents nous passaient toujours ces chansons de l’ère Motown. Si on avait écouté les Stones, je pense qu’on sonnerait comme eux.
HP : Lorsque j’ai rencontré les frangins, ils chantaient depuis toujours de la soul a capella. Aujourd’hui avec les Christians, nous avons dépassé ce stade et nous projetons activement dans notre musique toutes sortes d’influences. Je sais que tous les groupes de soul anglais du moment doivent raconter la même chose, mais ça ne s’entend pas beaucoup dans leur musique. Prend Red, Mick Hucknal, dans toutes ses interviews, il décrit sa mirifique collection de…reggae, mais elle ne déteint pas vraiment sur ce qu’il fait, on va dire.
À la télé, dans les canards, les vidéos, vous portez partout et sans cesse vos Ray Bans ; c’est une question d’image de marque ?
GC : (un poil furibard) Excuse-moi partner, mais ce ne sont pas des lunettes de soleil, mais des lunettes de vue. Mon œil gauche est très sensible à la lumière !
Et je présume que ton frère et le reste du groupe ont attrapé la même maladie ?
GC : Non, eux ils aiment juste cela. Quant à moi, je n’allais pas porter un verre fumé et l’autre non, ça fait crétin.
Vous cultivez aussi un certain mystère !
GC : Cela se pourrait bien. Mais tout cela ne doit pas nous éloigner de ce qui compte le plus : la musique. Les Christians ne sont pas nés juste pour contenter n’importe quel putain de journaliste. On est là pour tous ceux qui ont payé pour notre disque et pour nous voir sur scène. »
T’inquiètes, Garry, moi je veux bien payer ma place. La « Liversoul » des Christians vaut bien une poignée de dollars. À ce propos Henry Christian. Priestman a un conseil à offrir à tous les jeunes groupes qui souhaitent les imiter :
« Faites comme nous, expédiez vos cassettes de la Poste Centrale de Liverpool. Lorsque les radios et les maisons de disques découvrent le cachet postal, ils écoutent la maquette avec deux fois plus d’attention ! ».
Publié dans le numéro 235 de BEST daté de février 1988
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