KISS AND SAY GOODBYE TO ACE FREHLEY

Ace Frehley by Salim Zein
Les liaisons dangereuses du rock, c’est toujours la même histoire : des nuits trop longues, des copains trop drôles, et des anges qui se consument avant l’aube. Ace Frehley en faisait partie, en Spaceman new-yorkais, compagnon de bringue de John Belushi et de Robin Williams, deux étoiles filantes disparues bien avant lui. Le mythique guitariste de KISS aura tenu plus longtemps, survivant à ses joyaux et à ses poisons. Jusqu’à cette semaine, où le dernier rieur du Bronx s’est enfin tu. Désormais il ne reste plus que la fumée, les échos, et cette guitare qui continue de brûler quelque part dans nos têtes. L’ardent Salim Zein a tenu à rendre l’hommage qu’il méritait à cet as entre tous les as.
Par Salim ZEIN
Le Bronx, les riffs et la dérive, Ace Frehley vient de tirer sa révérence. Celui qu’on surnommait le Keith Richards américain s’en est allé, après une longue vie de riffs, de rires et de dérapages.Pendant plus de cinquante ans, il a incarné l’essence même du rock : insolent, lumineux, incontrôlable — libre. Ace n’était pas un virtuose façon Hendrix, ni un poète maudit, mais il possédait cette flamme rare : celle des musiciens qui jouent comme on respire, qui se consument sans calcul.

Ace Frehley by Salim Zein
Natif du Bronx, il rejoint KISS en 1972 et redéfinit aussitôt le mot cool. Derrière son maquillage d’astronaute perdu, il cachait un rire d’enfant et une âme de garnement. Il avait ce mélange unique de génie et de désinvolture — le type qui fait tout exploser sans même le vouloir. KISS, c’était le grand cirque électrique des seventies : un show réglé au millimètre, dirigé d’une main de fer par Gene Simmons et Paul Stanley. Mais Ace, lui, appartenait à la faune, pas à la forme. Un électron libre. Un animal de scène à l’état brut.
Et puis il y a eu YouTube, l’après-vie numérique. Le jour où les vieilles cassettes des années 70 ont refait surface, on a redécouvert le vrai Ace : un perroquet sous cocaïne, hilare, incontrôlable, l’œil pétillant, les vannes fusant à toute vitesse. La preuve, dans le légendaire Tom Snyder Show de 1979, il fait tout dérailler : blagues absurdes, rires nerveux, un Gene Simmons au bord de l’apoplexie, un Paul Stanley cherchant désespérément la sortie de secours. Derrière les masques, on devine déjà la fracture : deux mondes inconciliables : les stratèges du business d’un côté, les rêveurs ivres de liberté de l’autre. Ace et Peter Criss formaient la face animale du groupe, la plus vivante, la plus imprévisible.C’était le chaos, donc c’était du rock.
L’homme qui préférait s’embraser
La re-formation de 1996, sous les projecteurs et les costumes d’époque, ressemblait à un miracle… ou à un coup de com royal. Le démon et le lover flairaient le jackpot, mais la magie n’était plus la même. Un mariage de raison, pas une lune de miel. Et Ace, fidèle à lui-même, a préféré s’embraser plutôt que s’embrasser. Sa guitare, littéralement, prenait feu avant lui : une Les Paul équipée de fumigènes, hurlant dans une boucle d’Echoplex jusqu’à la transe. Des solos approximatifs, parfois chaotiques, mais habités d’une vérité désarmante. Il jouait comme on prie : sans filet, sans peur, avec la grâce d’un type qui n’a plus rien à perdre.
Le dernier concert
Je l’ai vu une dernière fois, le 1er mai dernier à New York. Une salle pleine, un public en transe, et au milieu, ce vieux renard de l’espace, toujours debout, toujours vrai. Il avait les rides de ses excès, mais quand il levait sa guitare vers le ciel, c’était encore le même Ace qu’en 1977. Le son, la pose, le sourire en coin — tout y était. Je ne savais pas que c’était la dernière fois. Je suis sorti du concert comme on quitte un rêve qu’on a longtemps habité.
L’héritage incandescent
Pour nous, les gamins de la fin des années 60, il fut un modèle, un totem, un frère d’arme imaginaire. Sans lui, combien d’amplis seraient restés muets ? Combien de groupes, du metal au grunge, lui doivent sans le savoir leur ADN ? Même ceux qui font mine de l’ignorer ont grandi avec son fantôme dans les cordes. Aujourd’hui, nous sommes orphelins. Ace Frehley, c’était la guitare avant les algorithmes, la clope avant les filtres, la sincérité avant la stratégie. Un mec qui brûlait bleu et qui, même éteint, continue d’éclairer nos nuit…à jamais !