JUSTE LA FIN DU MONDE À L’ATELIER
A l’occasion des 30 ans de la disparition de Jean-Luc Lagarce, le Théâtre de l’Atelier met à l’honneur l’auteur et metteur en scène avec 2 créations en alternance : « Juste la fin du monde » et « Il ne m’est jamais rien arrivé » d’après le journal de Jean-Luc Lagarce. Et Vincent Dedienne y est aussi juste que bouleversant dans ce double rôle forcément hanté par les terribles années SIDA, un théâtre humain dont JCM n’est pas ressorti tout à fait indemne.
Par Jean Christophe MARY
Trente après sa création, la pièce de Jean Luc Lagarce sur les débuts de l’épidémie de sida est actuellement sur les planches du Théâtre de l’Atelier dans une mise en scène très sobre et efficace de Johanny Bert. Ces deux textes de Jean Luc Lagarce évoquent avec un humour parfois tranchant et beaucoup d’émotion les rapports familiaux compliqués, le sexe, le sida et la mort dans la France des années 80. Et c’est d’autant plus poignant ! Qui était réellement Jean-Luc Lagarce ? Vincent Dedienne explore les carnets d’écriture de l’un des plus grands dramaturges du XXème siècle. Dans ce Journal, au fil des années, se dessine le portrait intime d’un jeune homme drôle et terrifiant. C’est une vie solitaire et sentimentale entre Paris et Besançon dans les années 80. La vie d’un fou de théâtre, qui voit apparaître le Sida et mourir Coluche et Simone Signoret. Une grande et une petite vie à la fois. Le milieu des années 80 aura marqué un terrible tournant, celui où la révolution sexuelle du Summer of love de 69 prend abruptement fin avec l’apparition du sida. Rien ne sera plus désormais comme avant. Et c’est hélas encore plus terrible dans la communauté gay qui se retrouve décimée.
« Juste la Fin du Monde » , cette pièce qui fût refusée en 1990 par tous les comités de lecture, retrace ces années déchirantes comme un écho scénique implacable à la séropositivité, la maladie et la mort. En présentant des extraits du journal que tenait Jean Luc Lagarce, » Il ne m’est jamais rien arrivé « , Johanny Bert et Vincent Dedienne entrainent le spectateur dans le monde intime de l’auteur, texte qui raisonnent comme une forme de préambule à la pièce Juste la fin du monde. On y découvre une autre facette du talent d’écriture de l’auteur. Ses réflexions sur la vie et la mort sont empreintes d’un humour féroce, dans la description des célébrités qu’il passe au prisme de son kaléidoscope comme dans l’autodérision. Vincent Dedienne a sélectionné lui-même des extraits du journal : « J’ai toujours voulu faire quelque chose avec le Journal de Lagarce. La proposition de Johanny de me confier le beau rôle silencieux de Louis dans Juste la fin du monde, a été le déclencheur : tout ce que sa famille voudrait que Louis dise, et tout ce qu’il tait, je le dirai moi, au public, dans ce seul-en-scène ! ».
Dans « Juste la fin du monde », Vincent Dedienne incarne Louis, le double de Jean-Luc Lagarce. Après huit ans d’absence, Louis malade du sida rend visite aux membres de sa famille avec l’intention de leur annoncer sa mort prochaine. Mais comment exprimer l’indicible aux siens ? Dans cette mise en scène qui s’affiche comme un tableau en mouvement, Vincent Dedienne incarne magistralement ce personnage détenteur d’un terrible fardeau. Dans un espace onirique où tables, chaises, lampes, vélos, ces objets qui flottent en suspension au-dessus du plateau se font témoins des générations passées. Dans cette journée qui s’écoule lentement, on découvre la complexité des liens familiaux quand ces objets de décors descendent et montent au rythme de la force des mots ou à travers de silences éloquents. Ce qui frappe ici, c’est la qualité des dialogues, la théâtralité de ces tableaux entrecoupés d’ellipses. Côté distribution, la production réunit sur un même plateau d’excellents comédiens à commencer par Vincent Dedienne mais également Astrid Bayiha et Céleste Brunnquell. C’est joué avec un tel souffle, une telle précision que l’on ne peut que saluer ce merveilleux travail collectif. A découvrir jusqu’au 22 mars 2025.
« Il ne m’est jamais rien arrivé ». 19h
de Jean-Luc Lagarce , avec avec Vincent Dedienne
mis en scène par Johanny Bert
et
« Juste la fin du monde ». 21h.
de Jean-Luc Lagarce
Comédiens : Astrid Bayiha, Céleste Brunnquell, Vincent Dedienne, Christiane Millet, Loïc Riewer
jusqu’au 22 mars 2O25
Mise en scène, scénographie et direction d’acteur Johanny Bert
Adaptation et interprétation Vincent Dedienne
Assistante à la mise en scène Lucie Grunstein
Dessinatrice au plateau Irène Vignaud,
Costumes Alma Bousquet
Production Le Théâtre de l’Atelier
Coproduction Théâtre de Romette
Remerciements à François Berreur, Agnès B, Anne et François Creamer
Photographie afche ©Cédric Roulliat