JOAN SHELLEY « The Spur »
Quand on baptise son 9ème album « l’aiguillon » ( the spur) c’est qu’assurément on ose chevaucher son vaillant destrier pour propager son folk incendiaire. Joan Shelley, baladin modern-style et trentenaire surdouée s’est échappée avec sa guitare de son Kentucky natal et n’a manifestement pas laissé indifférent notre OldClaude bien décidé, à juste titre, à nous la faire adopter. Pari gagné…
Par OldClaude
Le dernier album de Joan Shelley est sorti le 24 juin dernier, et, malgré les bonnes critiques que j’ai pu en lire ça et là, il me semble que l’on ne lui a pas suffisamment rendu justice car il s’agit-là de rien de moins que l’un des albums majeurs de cette année, et probablement de la plus grande réussite de la native du Kentucky. Carrément ! J’avais déjà beaucoup apprécié son « Like The River Loves the Sea » qui précédait (ainsi que beaucoup d’autres choses plus anciennes), mais, avec les 12 chansons de « The Spur », Joan s’installe sur la plus haute marche des auteures-compositrices-interprètes de l’americana. Outre son talent pour composer des musiques qui vont frapper l’auditeur droit au cœur et pour écrire des paroles nourries de son vécu de jeune mère de famille, pendant le confinement dû à la pandémie, son superbe contralto est de nature à faire chavirer tous les amateurs de folk, sans compter qu’elle a su s’entourer d’artistes qui ont su parfaitement magnifier ces talents. À commencer par son mari, Nathan Salsburg, aux guitares acoustiques et électriques, responsable, récemment d’un très bel album, « Psalms », dans lequel il met en musique des psaumes juifs, mais également, et surtout, à James Ekington, responsable des magnifiques arrangements de cordes, ainsi que de beaucoup de parties instrumentales (Batterie, claviers, dobro, basse, flûte à bec, percussions…). Il ne faut pas oublier quelques invité(e)s de luxe (Bill Callahan, Meg Baird), dans les chœurs. « Forever Blues » débute, comme beaucoup de disques folk avec la voix et la guitare de Joan ; mais bientôt, d’autres textures (cordes, contrebasse, guitare électrique…) viennent enrichir ce schéma classique, lui donner une profondeur impressionnante.
Suit la chanson-titre, « The Spur », Joan joue d’une guitare en acier à résonateur, laquelle ancre encore plus fortement sa musique dans la tradition appalachienne. « Home » ne cesse de rebondir sur le mot-titre, comme un mantra bienfaisant et réparateur. Sur « Amberlit Morning », sa voix de soie est rejointe par le papier de verre de celle de Bill Callahan, et l’union se fait, pourtant ! Comme quoi il ne faut pas désespérer des contraires. « Like The Thunder » accélère le tempo pour déboucher sur une country qui ne déparerait pas à Nashville. « When The Light Is Dying » nous dévoile le côté glamour de Joan, cordes et cuivres qui sont peut-être un clin d’œil à ce que fait Lana Del Rey de l’autre côté du continent. « Breath For The Boy », piano, flûte et contrebasse ne me semble pas trop éloigné des madrigaux élisabéthains ; superbe et étonnant ! « Fawn » permet d’apprécier la qualité des harmonies vocales de Joan, et quelle grande chanteuse elle est. « Why Not Live Here » impose l’évidence de sa mélodie. « Bolt » débute avec des accords plaqués sur un piano, lequel se mêle aux cuivres, dans un style proche du « When The Light Is Dying » qui précède. Le très court « Between Rock And Sky », presque a cappella, juste un peu de piano, nous rappelle à quel point Joan est familière du folk des Îles Britanniques, caractéristique qui la rapproche de sa collègue Meg Baird, laquelle vient justement assurer les chœurs de ce petit bijou. Enfin, « Completely » nous ramène en Amérique, avec une chanson qui prend ses racines dans la « soul » qui se jouait plus au sud, au siècle dernier. Ce disque est un chef-d’œuvre, ne passez SURTOUT pas à côté, parole de vieux Claude !