GÉRARD MANSET « Le train du soir »

Gérard MansetVoici 41 dans BEST GBD empruntait « Le Train du Soir », soit le 10ème LP de l’énigmatique Gérard Manset pour succomber à ses ardentes compositions.  Cette fois, notre « voyageur en solitaire » a succombé à ses influences rock-blues américaines et nul ne s’en plaindra. Moins sombre que sa légendaire « La mort d’Orion », on le voit même s’essayer au reggae et c’est assez surprenant. Flashback…

Gérard MansetC’est une anecdote qui dépeint assez bien le personnage Manset réputé fuir les medias à tout prix et le plus souvent refusant de montrer son image ou de s’exprimer à la télévision. En 1986, le chanteur de « Il voyage en solitaire » se lance dans sa première expo de photos, la plupart capturées lors de ses fameux voyages en Asie. Pour l’édition de 18h du JT de TF1, le fameux « Mini Journal », il accepte exceptionnellement de m’accorder une interview pour ma caméra, déambulant parmi ses œuvres… et en exigeant que je me contente de… filmer ses pieds pour accompagner ses propos ! Le sujet a ainsi été diffusé avec ses pieds. De même, 13 ans plus tard en 99 pour son album « À la légère », Jane Birkin fait appel à de nombreux artistes pour lui composer des chansons. À l’époque, je réalise un documentaire sur l’album en filmant toutes les sessions d’enregistrement avec Chamfort, Souchon-Voulzy, Mc Solaar ou encore Daho. Gérard Manset comptait alors parmi les contributeurs et, devinez quoi, alors que tous les autres artistes ont joué le jeu en acceptant que je les filme, le seul à avoir exigé que je dégage du Studio Labomatic de Dominique Blanc-Francard en sa présence était devinez qui… Manset Gérard ! L’artiste a beau être une sacrée tête de mule, cela ne retire rien à son immense talent. La preuve : plus de quatre décennies se sont écoulées et ce « Le Train du Soir » continue à me transporter avec toujours autant d’émotion.

 

Publié dans le numéro 163 de BESTGérard Manset

 

C’est marrant, j’écoute « Marchands de Rêves », le titre de 12 minutes qui ouvre la seconde face de ce dernier Manset où il fait référence à Angkor (« Laisse tomber du fond du sac les têtes coupées qui chantent encore, y’a plus personne debout dans les rue d’Angkor »), et si je calcule juste, la dernière fois qu’il y faisait référence, c’était en 69, soit 12 ans après exactement, sur une chanson de « La mort d’Orion » (« Ils ont le même aspect que nous, quand nous sommes à genou. Droits comme le temple d’Angkor, leur tête sur leur corps. »). Chaque album de Gérard Manset est un one man show où il contrôle chaque stade, puisque c’est lui qui l’exécute : de l’écriture à la réalisation, Manset est un loup solitaire, un perfectionniste tapé qui a traversé la plaine des seventies en préservant complètement son identité. Manset, ça n’est peut-être pas complètement du rock, mais c’est incontestablement un roc. Des voyages imaginaires du début, lorsqu’il clamait avec surréalisme «Je suis Dieu » à ce « Train du soir qui roule dans le noir », il a franchi le pas de l’expérience directe et pas mal roulé sa bosse en Orient. Pourtant, il n’a pas perdu son sens du non-sens : les personnages étranges comme ces « Loups » qui « À leur cou n’ont pas de collier, pas de montre à leur poignet ». J’avoue avoir du mal à m’expliquer les influences west coast du « Train du soir» ainsi que le reggae de « Quand les jours se suivent ». En tout cas, le seul wagon de ce train nocturne à vraiment m’accrocher, c’est « Pas mal de journées sont passées », un boogie vif et prophétique surprenant où l’humour pointe sous le cynisme morbide habituel. De toute façon, peut-on vraiment reprocher à Manset de faire du Manset ? Un jour peut-être, on réalisera de quelle manière son influence a pesé sur l’évolution de la musique et l’on choisira « Animal on est mal » ou « Ils » comme texte sur sa liste de Bac Français; ce jour-là, Manset sera enfin prophète en son pays…

 

Publié dans le numéro 163 de BEST daté de février 1982BEST 163

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