GBD CHEZ LES SOVIETS

Hotel RosiyaVoici 30 ans dans BEST, GBD s’envolait pour Moscou, qui s’ouvrait au dégel de la glasnost et de la perestroïka, avec les Écossais de Big Country, premier groupe de rock occidental autorisé à se produire dans la capitale de l’URSS avec les premiers groupes soviétiques « non officiels » à l’instar de Center qui venait d’être signé chez Barclay. Flashback sur fond de drapeau rouge…

Big CountryDrôle de trip pour GBD. La veille en reportage à Londres je filmais, pour le Mini Journal de Drevet de TF1, ma copine Michelle Shocked sur sa péniche ancrée sur la Tamise pour la sortie de son cool second LP « Short Sharp Shocked » porté par l’irrésistible balade aérienne « Anchorage ». Et en fin d’aprème de retour à Paris je devais retrouver Womack and Womack à leur hôtel pour BEST. J’étais tombé amoureux de « Conscience » leur 4e album fort de son hit aussi sentimental qu’assassin « Teardrops ». Oui, mais…voilà, les choses ne se passent pas toujours comme prévu. À Londres, mon avion accusait un flagrant retard. Arrivé au terminal 1 de CDG, je me retrouve face à une queue incommensurable pour les passeports ( L’accord de Schengen ouvrant la libre circulation des personnes au sein de l’ Union européenne ne rentreront en vigueur que six ans plus tard le 26 mars 1995 : NDR). J’allais fucked-upper mon interview avec Cecil et Linda Womack…lorsque soudain les pandores ouvrent enfin une seconde guérite pour gérer l’afflux des passagers. Et c’est là qu’en me précipitant, mon sac de K7 de tournage à l’épaule, je me suis blessé, mon  visage ayant ripé contre  une arrête de métal coupant. Je me suis évanoui, réveillé- drôle de sensation- avec un CRS penché sur moi. Visite à l’infirmerie de Roissy : j’ai une plaie profonde jusqu’à l’os de dix centimètres qui me barre le visage et j’ai failli perdre mon œil droit. Les infirmiers de Roissy veulent m’expédier à Pétaouchnock, je décline et saute dans un taxi pour l’hôpital Tenon près de chez moi où je me fais recoudre hélico presto par Keyvan Mazda, un jeune interne qui deviendra mon ami. J’ai déjà fait une croix sur mon entretien avec les Womack…mais par contre, je refuse de rater mon départ demain pour Moscou où je dois assister au premier concert donné par un groupe de rock occidental dans la capitale communiste…et interviewer mon premier groupe au pays des soviets, tout comme Tintin mon héros 😉 De plus, ma compagne qui bosse pour Phonogram fait aussi partie du voyage et c’est carrément plus rassurant de partir avec elle que de rester seul à Paris. Jamais je n’ai oublié ce reportage…que je n’ai vu que d’un œil puisque mon œil droit était complètement fermé et qu’avec l’énorme hématome causé par la blessure je ressemblais à Joseph Merrick. Mais si…vous connaissez, c’était Elephant Man que Bowie avait campé  sur scène et John Hurt dans le film de Lynch…sauf que là c’était moi. Bon même si je voyais un peu trouble que d’un œil et que j’étais stone par les calmants, je pouvais toujours entendre correctement et donc faire le job. C’était si grisant  d’arpenter un nouveau terrain de jeu musical vierge.

LeninCertes, si je n’étais pas suivi en permanence par un honorable correspondant, à l’hôtel Rossiya où nous résidions on n’avait pas encore perdu les vieilles habitudes. À chaque étage une fonctionnaire du KGB était chargée de surveiller les allées et venues des résidents et sans doute de discrètement fouiller leurs bagages en leur absence. Dans les toilettes de l’hôtel, des dealers de mauvais caviar tentaient inlassablement de nous fourguer leur came qui n’avait sans doute pas connu de chaine du froid depuis le ventre de l’esturgeon qui l’a vu naitre. Et en parlant de caviar, la pénurie de viande, de poisson et de produits frais à Moscou faisait que, dès notre premier repas, on nous servait du pain noir et du caviar, justement. Premier jour, premier repas, on se dit : ah cool du caviar ! mais après deuxième jour caviar et troisième jour caviar, on finit par se dire : ah putain…ENCORE du caviar et on se prend à rêver d’un morceau de Brie. Côté musique, si je ne garde pas un souvenir impérissable de l’acoustique bien moisie du Krulya Sovetov, un amphithéâtre voué au sport, où se déroule le concert, l’aspect pionnier de l’évènement filait un sacré coup d’adrénaline.

Moscow street by GBD

Moscow street by GBD

Hélas la tragédie guettait Stuart Adamson. Car si son groupe Big Country continue d’enregistrer jusqu’au crépuscule des 90’s, puisque 5 albums suivront ce « Peace In Our Time » de 88, le chanteur avait plongé dans l’alcool. Et après une nouvelle scène de ménage avec son épouse Mélanie, Adamson disparait soudain des écrans radars. On le retrouvera sans vie  le 16 décembre 2001 dans une chambre du Best Western Plaza d’Honolulu à Hawaï.  Stuart Adamson s’était suicidé en attachant un cordon électrique à la tringle de la penderie. Quelle tristesse ! Je n’ai jamais oublié toute l’humanité dont il faisait preuve à travers les quelques mots échangés avec lui à Moscou. Tout comme mon incroyable rencontre avec Vassia, le chanteur du groupe moscovite Center qui assure la première partie de Big Country dans cette atmosphère de fin de guerre froide entre l’est et l’ouest si porteuse d’espoir. J’ai retrouvé sur le net la liste des participants à ce fameux voyage on y retrouve Max Guazzini devenu ici Max Guccizzini ou le boss de Polygram Paul René Albertini devenu ici Paul René Alberti. Bref ce concert et l’air du temps suscitaient tant d’espoirs. Hélas Gorbatchev le pacifique réformateur laissera sa place à Eltsine l’alcolo incapable  et corrompu qui se verra lui-même  écarté pour un ancien du KGB taillé pour une bonne reprise en main par le système militaro-industriel notre « ami » Vlad ! Flashback vers cette période d’utopie rock si loin du poison populiste des fake news distillées par RT…

Publié dans le numéro 246 de BEST sous le titre :

L’OREILLE DE MOSCOU

GBD chez les soviets

KGBD

« Concerts non officiels (Big Country), nouveaux groupes non- officiels ( Center) c’est la « transparence » Gorbatchevienne appliquée  au rock and roll. C’est aussi de meilleurs concerts et de meilleurs groupes comme l’a constaté Gérard Bard-David chez les soviets. »

Christian LEBRUN

 « Je n’en ai pas dormi la nuit dernière/ tout au long du voyage j’avais mon sac en papier sur les genoux/mon vieux, ce vol était bien dégueu/ Je suis de retour en URSS… » The Beatles « Back in USRR”

  

Light-show multicolore sous la coupole de béton gris, une douzaine d’hommes en sweats blancs est alignée sur scène entre deux massives colonnes de HP. Image familière, universelle, banale d’un stade sportif couvert travesti en temple du décibel. J’ai pourtant l’étrange sensation d’avoirn été téléporté à Siloportem, l’anti-Metropolis de Superman. Ce jour-là, au Krulya Sovetov- Palais des Sports- de Moscou le rock a d’étranges accents surréalistes de politique-fiction. Main dans la main, des vétérans d’Afghanistan et du Vietnam, soviétiques et américains, se sont réunis aujourd’hui pour dire: « non a la guerre ! Ce concert est une fête de la paix. »

Dans le public. soldats de l’Armée Rouge et civils applaudissent à tout rompre. Pour la première fois, une organisation non étatique produit un festival déboussolant où l’ouest rejoint l’est dans les faubourgs de Moscou. Les Écossais de Big Country y font acte de collectivisme en partageant l’affiche avec des rockers indigènes. Cheveux châtains et Perfecto sur les épaules, Stuart Adamson, le big countryman, en chef proclame la fin des idéologies-muraille et optimise sur le futur, la dignité et tout le pouvoir de la musique. Amplifiées par la sono, toutes ces salades russes ont un côté «  Dossiers de l’écran », mais pour une fois, bon sang, la sauce parait avoir tout le piquant de quelque chose d’inédit! Révolution d’identité dans les Républiques baltes et arméniennes, révolution atomique avec le désarmement et l’autodestruction de missiles SS 20 dans une base du Caucase devant quelques gars de la CIA en backstage, révolution oxygène avec la publication d’écrivains « maudits » comme Nabokov ou Soljenitsyne, lorsque Mikhaïl Gorbatchev passe l’aspirateur, l’herbe repousse enfin sur la taïga. Et si perestroïka -restructuration- et glasnost – transparence – sont les deux mamelles du bolchevisme nouveau, les pin-ups des pages centrales de Playboy vont bientôt voir rouge!

Mais tout le paradoxe russe reste ce no man’s land entre l’interdit et le non- interdit qui n’est pas toujours forcément permis. Exemple: un groupe de rock non officiel n’est pas salarié. mais il n’est pas pour autant illégal et a donc le droit de donner des concerts « à titre privé », comme aujourd’hui au Krulya Sovetov.

Big Country poster by GBD

Big Country poster by GBD

« Ça fait tellement longtemps, j’ai du mal a reconnaître les lieux/mais c’est super de se retrouver chez soi »

The Beatles « Back in USRR”

Cyrillique insolite et pub Pepsi, signe que les dieux du Cola se partagent  désormais TOUTE la planète, uniformes souris et solo de tampons encreurs, bienvenus à Moscou ! Le dernier LP de Big Country est baptisé  “Peace in Our Time » et ce titre sans équivoque a dû séduire les autorités de la nouvelle transparence gorbatchévienne. Inversement et parallèlement à l’irrésistible ascension de Gorba, les artefacts d’inspiration soviétique envahissent notre Occident. À Londres, les Communards et les groupes de la Red Wedge se sont emparés des symboles communistes comme les groupes flower-power des 60’s avaient détourné les cols Mao. Les étalages de Kensington Market voient rouge et Lenine va bientôt supplanter George Michael au hit parade des T- shirts  Gorba-chef-de-file est aujourd’hui bien plus populaire que papy Reagan chez les jeunes Européens. Quant à ses propres teen-agers, ils veulent du sexe, des jeans et du rock and roll. Mireille Mathieu et les chœurs de I’Armée Rouge donnent des boutons aux enfants de la glasnost. La tournée UB 40 a aiguisé leur appétit rock tout comme la sortie en pressage russe des Beatles. Doors. Madonna. Cougar et Big Country, sans parler du McCartney spécial rock’n’roll et exclusif à l’URSS. De même, les discographies de centaines de rockers occidentaux comme Bowie, les Stones ou Police circulent par le jeu de bouche à oreille de la recopie K7.

Le billet d’accès au Krulya Sovetov pour le festival coûte 5,70 roubles (57 F, environ 10€); comparativement. le litre de vodka est à 10 roubles tandis que le loyer moyen moscovite plafonne à 40 roubles par mois. Pour une poignée de kopeks, les kids dégustent des jus de groseille (très) dilués et des sablés industriels. Uniformes et jeans délavés cohabitent sur les gradins du stade, tandis que la première formation investit la scène. En version anglaise, puis française et enfin espagnole, je questionne tout autour de mol pour connaître son nom. Face au mutisme de mes voisins, je me sens aussi débarqué qu’un martien. À la dixième tentative, un mec me lance enfin un nom: Alliance. Si je ne pige rien aux textes, leur pop-rock incisive me semble trancher sur les accords bouseux et poussiéreux des groupes soviétiques officiels et salariés comme Aquarium ou Autograph, seuls autorisés à se produire sur les scènes de l’ouest. Après un set nerveux et très applaudi, un second groupe succède à Alliance. Notchno Prospect… »qu’on peut traduire par Night Avenue » , me lance en anglais mon informateur de tout à l’heure. Avec un son industriel à la Minimal Compact. Notchnoi Prospect exorcise ses démons sur synthés. Au milieu d’une chanson, un moustachu en uniforme monte sur scène pour symboliser la terreur entre Raspoutine et Staline. Humour !

Une pause jus de groseille délavé plus tard, je reconnais les riffs bolides des guitares de Center, groupe leader de la nouvelle scène moscovite. Quelques jours avant mon départ, Maxime Schmitt, producteur de Taxi Girl, Kraftwerk et Dutronc. m’avait branché sur son dernier plan: un groupe non officiel russe. Maquetté à Moscou, mais enregistré au studio Ferber, l’album est un Best of des compositions de Center. Vassia Choumov. le chanteur/guitariste est venu seul à Paris l’enregistrer, épaulé par quelques Français pour les instruments additionnels. Le résultat est une sidérante fusion entre les racines slaves de la voix de Vassia et sa culture rock occidentale. Au Palais des Sports, je retrouve justement ce cocktail Velvet/Stones/Stranglers et Michel Strogoff décuplé par l’urgence du show et la présence d’une douzaine de Bétacam de TV capitalistes mobilisées pour l’événement Big Country.Backstage pass

Comme prévu, dès la fin de son set, je rejoins Vassia à gauche de la scène. Il est accompagné d’lgor Juravlov, leader d’Alliance et d’Andrey Slesarev, porte-parole de Night Avenue. Vassia porte un blouson et un jean noir. Il s’exprime dans un anglais parfait, ce qui lui permet de jouer les traducteurs pour ses camarades red rockers. « lgor est né et a toujours vécu à Moscou », explique Vassia, «Alliance tourne depuis 83, à raison d’une douzaine de concerts par mois. ll n’est pas salarié par Melodia et n’a aucun désir de faire des disques pour cette compagnie officielle. Il souhaite garder son indépendance et se définit comme un romantique du rock and roll.»

Andrey Slesarev a le regard d’un messie fou. Il parle longuement avant que Vassia ne commence enfin à traduire : « Nous vivons sur le mode alternatif. Notre musique n’est pas faite pour le Goulag ou le confort. Elle nous arrache a l’abstrait pour que l’on puisse enfin respirer. Nos textes évoquent l’écologie des forêts et de l’océan, l’écologie appliquée à l’homme et son âme.»

Avec le chanteur de Center, nous sortons faire quelques pas dehors pour discuter loin des possibles oreilles indiscrètes :Vassia Center

« Quand as-tu commencé à jouer ?

À l’école, car j’étais déjà fasciné par le rock des Kinks. des Troggs, des Stones et des Beatles.

Comment as-tu fait pour entendre tous ces groupes occidentaux ?

Ici même à Moscou. Je n’ai pas d’album, bien sûr, mais j’ai par contre toute une collec’ de K7 enregistrées grâce aux amis, car beaucoup de jeunes Moscovites sont habités par le rock. J’ai formé mon premier groupe à l’école numéro 361 du district Permavaïski sans vraiment envisager de futur. Au bout d’un an de reprises, je me suis mis a écrire mes premières chansons en langue russe. Dès lors, j’avais trouvé un but à ma vie dans le désir de m’intégrer au monde sans frontière de la musique.

Pour toi, c’est essentiel de chanter en russe ?

Bien entendu, car le russe est fait pour le rock. Sa souplesse colle au rythme et dépeint à la perfection les idées et les émotions.

Comme cette chanson « Alexeiev » où sous ce même nom tu déclines des professions qui vont du ministre à l’ouvrier?

Ce texte est un peu expérimental, mais il reflète bien ce qu’est notre société. En URSS comme ailleurs, on peut naître avec le même nom et pas forcément jouir des mêmes chances. Mais je ne suis ni politique ni sociologue, je veux juste pouvoir toucher à tout, sans barrière et chanter tout ce que j’ai dans la tète.

La Perestroïka ou la Glasnost ont-elles changé quelque chose pour toi?

Bien entendu, car c’est encore plus sensible sur le terrain de la musique. Pour les groupes, la plupart des contraintes se sont levées. On peut donner autant de concerts qu’on veut et gagner de l’argent. Nos gigs sont même parfois diffusés à la télé, les radios passent nos maquettes, c’est un incontestable changement.

Ne te sens-tu pas tiraillé entre l’Est et l’Ouest ?

Pas du tout, au contraire. C’est une chance d’avoir des influences différentes, elles me permettent de rester un homme libre.

Le mot « Center » a-t-il un autre sens que « central » ?

En argot de Moscou, « center » signifie c’est génial, grave, groovy… si un type a de nouvelles pompes, elles seront « center », un film peut être «center », une fille…etc

Les seuls groupes soviétiques à avoir joué en France sont des dinosaures hard FM mou comme Autograph. Le rock de Center marque une sacrée évolution l

Pour moi ces groupes puent le renfermé, ils symbolisent l’ère défunte de Brejnev. C’est du baloche.

Cela signifie-t-il que vous incarnez l’ère Gorbatchev ?

L’affirmer serait un peu prétentieux, je ne suis qu’un petit homme, mais je ne veux être le symbole de personne.

Lorsque tu as débarqué à Paris pour enregistrer ton album, qu’est-ce qui t’as le plus surpris ?

Mon plus grand pied à Paris, c’est lorsque je me suis retrouvé en studio, car jamais je n’avais bossé avec des gens aussi sérieux. Chez nous, les ingénieurs du son n’ont aucune motivation, alors forcément ils manquent de feeling. Trop de gens dans ce pays ont une mentalité de parasite. Parfois avec Center nous chantons les problèmes de la vie quotidienne, mais notre musique est parfaitement dénuée de propagande, elle est faite pour le cœur, pas pour l’action. »

Vassia est parfait dans son rôle de guitar-hero qui venait du froid, mais son romantisme forcené ne réchauffe-t’il pas les convictions ’? À la pointe de la glasnost, la nouvelle vague russe sera sans doute taxée de Gorba-gadget. Peu importe la dialectique, Center s’élève bien au-dessus des réalités de blocs jusqu’à l’Hexagone où l’album sortira mi-janvier, chez Nord-Sud (Barclay).CENTER Priviet

Nous regagnons l’intérieur du stade où le public s’impatiente doucement en attendant la détente en version écossaise. Big Country. Sur scène. Les roadies s’agitent dans tous les sens pour régler un détail technique. Trois fois de suite, le groupe montera sur scène pour trois faux départs. Gag ! Les lumières se rallument et un organisateur vient expliquer que «les guitares capitalistes ne sont guère plus résistantes que leurs homologues socialistes. ! » Ambiance ! Adamson et les siens ne se démontent pas et le show finit par démarrer. Quelle évolution depuis les concerts d’Elton John ici il y a dix ans, lorsque chaque spectateur était littéralement enchaîné à son siège sous haute surveillance des musclés du KGB! Au Krulya Sovetov les jeunes vétérans de l’Armée Rouge dansent en toute liberté, tout comme les civils. Et lorsque Adamson entonné « King Of Emotion », son hit récent, j’ai la sensation que les Moscovites connaissent déjà la chanson. Encore un effet de la transparence ? Les verrous les plus vieux finissent par rouiller à l’air des idées. Le pacifisme virulent du dernier LP de Big Country est en langage publicitaire porteur de son époque. Right time, right place. À Berlin Est, voici quelques mois une organisation de jeunes invitait les Écossais pour un concert. En Allemagne ils rencontrent un Russe allumé qui propose au groupe une tournée dans les républiques baltes. Illégale jusqu’à l’an passé, son association d’auteurs et d’artistes peut aujourd’hui produire des concerts. Mais comme la publicité n’existe pas vraiment en URSS, pour remplir les salles, il faut parier sur le téléphone arabe. Ce soir le Palais des Sports n’était pas comble. Mais le risque n’en valait-il pas la peine ’?

En Russie. Stuart Adamson a découvert que Sting n’avait pas tout à fait tort lorsqu’il chantait « Russians love their children too ». Mais il a aussi vu un pays asphyxie par la tristesse :

Stuart Adamson«  Le plus important était pour moi de rencontrer des êtres humains de l’autre côté du mur », m’explique-t-il «des gens ordinaires qui vivent et comprennent toutes leurs restrictions. Des gens oppressés parce qu’on a trop longtemps dénié leur potentiel afin de prolonger la corruption du système. La destruction des missiles SS 20 c’est super, mais comment oublier qu’il reste assez d’atomes pour nous liquider 2 000 fois!  Reconnaitre les ténèbres, c’est les faire disparaitre ! »

En souvenir de l’Armée Rouge, Stuart emportera dans ses bagages une casquette d’officier lancée sur scène durant le gig… À trois kilomètres de la, derrière les hautes tours du Kremlin se joue a huis-clos un shake up politique. Gromyko, Ligachev et Dobrynine, trois fossiles de la stagnation soviétique votent leur propre mise à l’écart. Gorba fait place nette sur la Place Rouge et rafle la mise. Il a désormais les pleins pouvoirs. Au pied des remparts, face au tombeau de Lénine, juste à coté, la relève de la garde rocke et roule toujours au même pas de l’oie. Certaines choses ne changent pas…du moins pas encore !

Publié dans le numéro 246 de BEST daté de janvier 1989

 

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