DAN REED NETWORK LE PETIT PRINCE DE PORTLAND
Voici 30 ans dans BEST, GBD se laissait électriser par la fusion intense, le cross-over funk rock du Dan Reed Network, dans la foulée de leur fulgurant premier LP éponyme. Particulièrement emblématique avec ses longs cheveux noirs de jais, tel un nouveau Prince, le chanteur guitariste rêvait d’un autre monde débarrassé du racisme et des préjugés. Hélas, malgré ses trois albums publiés au crépuscule des 90’s, le Network ne parviendra jamais à durablement décoller. Flashback….
À l’époque, j’avais vraiment craqué sur ce premier album de Dan Reed Network, groupe inconnu de Portland, Oregon. Sans doute la similitude avec la fusion de Prince m’avait-elle émue. Mais pas seulement. Après un concert volcanique donné au New Morning – si mes souvenirs ne me trompent pas- que j’avais tourné pour le Mini JT de TF1, backstage, j’avais tendu mon micro au groupe, un entretien publié dans BEST où Christian Lebrun, depuis ma « découverte » de Prince bien avant de concert du Palace, me suivait dans mes coups de cœur où le rock se fondait dans la funkitude la plus intense. Hélas, malgré toute son énergie et le puissant parrainage de Bill Graham, le Dan Reed Network se délite au tournant des 90’s. Et si Dan Reed continue de publier des albums et de se produire en concert, c’est désormais en solo. Cependant, au milieu des années 2010, il renoue avec son ancien groupe dans sa formation originale incluant les fidèles Brion James à la guitare, Melvin Brannon II à la basse et Dan Bred à la batterie pour enregistrer de nouveaux titres. Les albums « Fight Another Day » et « Origins » sortent respectivement en 2016 et 2018 tandis que le Network étend à nouveau sur scène.
Publié dans le numéro 243 de BEST sous le titre :
LE RÉSEAU
Comme sur la planète de sable, Dune, de part et d’autre de l’Atlantique, les aficionados du rock and roll découvrent les vertus bienfaisantes du mélange. Tandis qu’à Londres, le combo Ellis, Beggs & Howard fait de grosses bulles de rock et de funk, a Portland (Oregon) les Yankees s’adonnent avec ferveur au Dan Reed Network, un réseau enchevêtré de vibes de métal et d’or noir. Le Network est un vaste échangeur modèle freeway où les voies béton d’Aerosmith percutent le funk musclé de Rick James, ou l’harmonie d’un Sam Cooke se fond dans une rage Led Zeppiènne. Depuis l’arrivée d’un certain petit racho en Made ln Minneapolis, je n’avais jamais rien entendu de tel. C’est justement à quelques encablures de la cité du Prince que Dan Reed fait ses premières armes… au milieu des vaches. Sa mère n’avait que quinze ans à sa naissance et dans les sixties ca n’était pas très viable. Le jeune métis – allemand et hawaïen- est adopté par les fermiers et grandit au milieu des champs, à quarante bornes de toute civilisation. Dans ses années ados, la famille abandonne les foins pour le bitume, l’océan et les neiges éternelles de Portland où Jack Nicho|son a tourné « The Shining ». Et Dan Reed découvre pêle-mêle, le rock, l’amitié et le speed de la cité.
« Au début avec Daniel Pred ( batteur) on enchaînait coup sur coup des covers de funk et de heavy metal , cela rendait les gens fous furieux », raconte Dan Reed, en ricanant ; le Network a démarré dans cette mixture de styles si différents en apparence. Et si nous ne militons pas officiellement pour la lutte contre le racisme, lorsqu’on nous voit tous les cinq sur scène je crois que c’est assez éloquent. »
Réseau multicolore, le Network de Dan est aussi multi-social : Daniel Pred est un juif d’Europe centrale, Brion James, le guitariste, est d’origine jamaïquaine, Melvin Bronnon Il a des grands-parents africains et le clavier Blake Sakamoto un père jap et une mère chinoise. Quant à Dan, comment pourrait-il oublier le sang hawaïen qui coule dans ses veines et l’image troublée de sa mère ?
« Sur l’album, il y a cette chanson « I’m So Sorry». C’est l’histoire d’une fille de seize ans, qui tombe enceinte. Mais ni ses amis ni sa famille ne veulent l’accepter. La chanson raconte en substance que le temps doit cicatriser toutes les plaies, mais cette fille sans soutien préfère mettre fin a ses jours. C’est comme le rap qui ouvre l’album, « World Has A Heart Too », tant de gens autour du monde se croient unique et ils ont tort. Beaucoup d’autres partagent leur vision. Si seulement ils se donnaient la peine d’apprendre à se connaître. »
Depuis cinq ans déjà, le Dan Reed Network enflamme The Last Hurrah et le Starry Night, les principaux clubs de Portland où il crée le chaos. Gros poisson dans une petite nasse, le Network voit bientôt son filet s’élargir.
« Tous les labels du pays a qui nous avions envoyé notre démo nous ont jetés » , continue Dan, « aussi, en 86 nous avons balancé notre propre disque pour montrer qu’on était capable de dépasser la barre des l000 fidèles déchaînés et compressés dans un club chaque soir de tous les week-ends. »
Allumé par le son neuf du groupe, ze célèbre promoteur Bill Graham va les voir incognito un soir à Seattle, craque et devient leur manager.
« ll nous a dit que nous étions un des rares groupes qui sache le faire bander comme les Stones et qu’on incarnait toute l’essence du rock and roll. » Carrément !
Le Network signe sur Mercury et balance son premier LP propulsé par le réacteur MTV. Peu à peu, le Réseau gagne du terrain. Dan Reed Network joue la fusion sur tous les fronts en partageant live l’affiche de formations antipodes, de Bon Jovi aux rapeurs DJ Jazzy and The Fresh Prince. Notre germano-hawaïen prépare même un concert avec l’orchestre Symphonique de l’Oregon fort de cent musiciens, dans le but avoué de métisser les tuxedos et les perfectos. « l’m only human, but l’ll be a Superman 4 you », chantonne Dan Reed en secouant ses cheveux longs. Et soudain, je le vois s’arracher à Sunset Boulevard drapé dans sa cape rouge et s’envoler À suivre…
Publié dans le numéro 243 de BEST daté d’octobre 1988