BOB DYLAN “Rough and Rowdy Ways”

Bob DylanLa voix… juste incroyable ! Les compositions… vertigineuses ! Les textes… aussi clairvoyants que littéraires ! Les arrangements… aussi simples qu’émotionnels ! Quant aux idées… elles sont si puissantes que si on ne lui avait pas déjà décerné son Nobel, il le mériterait… aisément ! Déjà, écrire les huit lettres qui forment son nom BOB DYLAN est tout simplement mythique, mais avec un nouvel album de cette qualité, là on touche carrément au nirvana. Premier disque de chansons originales depuis 8 ans, “Rough and Rowdy Ways” compte déjà sans conteste parmi les plus belles réussites de tous les temps de notre Zim’ !

Bob DylanC’est son TRENTE NEUVIÈME album et pourtant, ce “Rough and Rowdy Ways”, publié l’année de ses 79 ans, est d’une éblouissante fraicheur et d’une hallucinante qualité. D’ailleurs, on ne s’y trompe pas, tant les chroniques de la presse internationale sont unanimement dithyrambiques. Et comment en serait-il autrement ? Du haut de ses dix chansons, dix joyaux ciselés avec autant d’expertise artistique que d’amour, Bob Dylan nous contemple et peut afficher un sourire d’intense satisfaction, tant le successeur de son « Tempest » parvient à nous subjuguer, à nous transporter, à nous libérer dans son univers poétique. Certes, depuis la publication de son épique « Murder Most Foul » on se doutait un peu que cet album-là serait d’une exceptionnelle cuvée ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/le-retour-du-prophete-dylan.html  ). 17 minutes d’une bouleversante intensité, où Robert Zimmerman enchaine les citations : d’abord John F Kennedy et la tragédie de Dallas qui a laissé orphelin  la quasi totalité des members de notre generation, puis Lindsey Buckingham et Stevie Nicks, Don Henley et Glenn Frey, Dickey Betts de l’Allman Brothers Band,  » Only the Good Die Young « ,  » Nightmare on Elm Street « , Buster Keaton, Harold Lloyd, Art Pepper, Oscar Peterson, Stan Getz,  » Charlie Parker et tout ce bazar, Nat King Cole, Marilyn Monroe, John Lee Hooker, Wolfman Jack, Patsy Cline, Houdini,  » Wake Up Little Suzy « ,  » Let the Good Times Roll « ,  » The Old Rugged Cross « ,  » Down in the Boondocks « ,  » The Merchant of Venice « ,  » Memphis in June « ,  » Moonlight Sonata « ,  » Play Misty for Me « ,  » Lonely at the Top  » et  » Lonely Are the Brave « . Sublime enchainement de références et d’émotions, de mots qui frappent de taille et d’estoc sur le parler-chanter trainant d’un génie musical.  Un génie ENFIN récompensé puisque pour la première fois de sa très longue carrière, il domine au plus haut sommet les charts planétaire ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/dylan-numero-1-pour-la-premiere-fois-de-sa-vie-avec-murder-most-foul.html ). Paradoxalement, ce premier titre révélé en mars dernier est aussi celui qui clôt cet album si particulier.

Bob DylanEt c’est « I Contain Multitude », révélée trois semaines plus tard, en avril qui ouvre ce “Rough and Rowdy Ways”, mais notre Dylan c’est bien connu n’est pas à un paradoxe près : comme une country song en slow motion, il poursuit sa longue litanie de citations, toutes plus émotionnelles les unes que les autres, où Anne Franck rencontre Indiana Jones, où «  ces mauvais garçons britanniques que sont les Rolling Stones »  partagent la même strophe que le poète William Blake, à l’instar de Beethoven qui y cohabite avec Chopin. Car oui, si l’on pouvait encore en douter, comme il l’exprime si bien Dylan « abrite des multitudes » et coïncidence, il se révèle que nous aussi. Enfin, le 8 mai dernier il nous a régalé d’un troisième morceau de son album à venir, un blues aussi fulgurant que rauque intitulé « False Prophet », un titre qui lui colle à la peau, tant il parait indispensable de laisser sa voix porter dans les crises que nous traversons. Crise sanitaire, bien sur, mais aussi crise raciale et par conséquent crise sociétale où notre prophète Dylan est comme un roc auquel nous pouvons nous amarrer pour affronter la tempête. C’est sans doute ce qu’il sous-entend en baptisant son disque “Rough and Rowdy Ways”, que l’on traduit par « Des chemins cahoteux et difficiles ». Fort heureusement, il ne s’y est pas aventuré seul, mais entouré de ses musiciens habituels et de quelques invités de marque, dont Fiona Apple, Blake Mills et Benmont Tench tous crédités comme « musiciens additionnels », Apple fournissant une partie du piano de « Murder Most Foul ». Matt Chamberlin (Pearl Jam, David Bowie, Tori Amos… tous) assure la batterie tout au long du LP. Après les trois « avant-premières » qui ont illuminé nos confinements, nous découvrons enfin sept morceaux inédits. Et, tout d’abord, la délicate « My Own Version Of You » où la galerie de portraits se poursuit avec «  Scarface Pacino and the Godfather Brando », Julius Cesar, Leon Russell, Liberace, Saint Jean et Saint Pierre, mais aussi Freud et Marx, et tous ces personnages qui apparaissent peu à peu nous entrainent dans un tourbillon sans fin, une ivresse lexicale, portée par la voix nasillarde du Zim’ qui nous soulage et qui nous fait du bien. Country ballade en slow motion, avec « I’ve Made Up My Mind To Give Myself To You”, Dylan nous livre une authentique, romantique  et puissante love song “ I saw the flowers come and go “ (j’ai vu les fleurs arriver et disparaitre) comme une mise en abime de tout ce que l’homo sapiens peut avoir d’éphémère, comme une longue complainte.

Bob DylanAussi sombre que dépouillée, avec juste SA voix et une guitare l’intimiste, « Black Rider », sorte de country-flamenco, est à elle seule un condensé de tout ce que peut être Dylan : les mots et l’émotion pour les dire, de manière qu’ils s’impriment si durablement dans notre cerveau. Back to the purest blues, avec la vibrante « Goodbye Jimmy Reed », ode au légendaire guitariste du delta du Mississippi et titre empreint de religion «  Je vis dans une rue qui porte le nom d’un saint/ Les femmes dans les églises portent de la poudre et de la peinture/ Où les juifs, les catholiques et les musulmans prient tous/ Je peux dire qu’ils sont proddie (protestants) à un kilomètre de distance/ Au revoir Jimmy Reed, Jimmy Reed en effet/ Donnez-moi cette religion d’antan, c’est exactement ce dont j’ai besoin… » chante notre héros rock et c’est juste… divin ! Vouée au culte des arts la mélancolique « Mother of Muses » égrène à nouveau les noms de quelques personnages historiques, les généraux Sherman, Montgomery et Scott, mais aussi le russe Joukov, et aussi Patton « Qui a ouvert la voie à Presley pour qu’il puisse chanter/ Qui a tracé la voie pour Martin Luther King » et à nouveau l’Histoire avec son H majuscule nous entraine dans son grand tourbillon. Mais c’est avec « Crossing the Rubicon », autre blues cinglant et hypnotique avec son titre clin d’œil à Jules Cesar, que Bob donne le meilleur de lui-même, dans cette cuvée d’exception qui constitue ce Dylan 2020. Voix trainante, texte direct au plexus solaire et frisson immédiat, c’est un des incontestables morceaux de bravoure du disque. « Je suis né du mauvais côté de la voie ferrée/ Comme Ginsberg, Corso et Kerouac/ Comme Louis et Jimmy et Buddy et tout le reste/ Eh bien, ce n’est peut-être pas la chose à faire/ Mais je reste avec vous jusqu’au bout /En bas dans les plaines, tout en bas à Key West… », chante-t-il magnifiquement de sa voix trainante si familière, et les larmes soudain nous montent aux yeux, tant la beauté se trouve ainsi incarnée. Sublime composition, il suffit de fermer ses yeux et d’écouter « Key West ( Philosopher Pirate) » pour s’évader dans la moiteur de la Floride du bout du bout des USA. Enfin, ce “Rough and Rowdy Ways” s’achève sur l’exceptionnelle “Murder Most Foul” évoquée au début de cet article et l’on ne peut s’empêcher de remettre une pièce dans la machine pour emprunter à nouveau, encore et encore, ces « chemins cahoteux et difficiles » qui sont à l’image de nos vies de ce 21éme siècle aussi magnifique que désespérant.

 

 

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2 réponses

  1. Cyril Clerget dit :

    Une magnifique chronique pleine d’emotions. Dylan a fait tres fort avec cet album, on lui souhaite un 40 eme album tres vite.
    Merci cher GBD pour tous vos ecrits qui magnifient les oeuvres de nos heros de la musique.

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