Bad Bad Bad Stéphane Guillon cynique et saignant
« Bruno Lemaire a du charisme, Cyril Hanouna me rend intelligent, Dupont Aignan est un humaniste… ». Dans ce nouveau one man show, au Théâtre Tristan Bernard, l’humoriste cynique et désabusé, revient sur une année de pandémie qui a failli le rendre fou. Interdit de scène pour cause de Covid 19, il n’a pas pu exprimer la moindre méchanceté pendant près de 18 mois : un sevrage. Et visiblement le sevrage a été douloureux, éprouvant. Du coup… il se venge !
Par Jean-Christophe MARY
Depuis ses interventions sur Canal+ et France Inter, Stéphane Guillon s’est fait une spécialité de l’exercice de style à haut risque : avec des manières de redresseur de torts, de justicier cynique, il se paye la fiole des personnalités, aussi bien les hommes politiques que les people ou le showbiz sans oublier les talibans, les gilets jaunes ou les anti-vax. Punchlines grinçantes, images noires, rien ne l’arrête quand il passe tout ce petit monde à la sulfateuse et balance les pires horreurs avec un naturel et un sourire déconcertant. Durant 1h30, il se moque de tout, à commencer de lui-même, de sa famille, de ses deux divorces, mais aussi de Fabrice Lucchini qui débite les Fables de La Fontaine auquel il oppose une fable de sa composition « Le Migrant et le douanier », dézingue à tour de bras les journalistes tels Anne Sophie Lapix, Bernard Menez ou Pascal Praud. Entre le cynisme et l’autodérision, non seulement il déclenche le rire en déclamant les pires atrocités mais prend surtout un malin plaisir à observer la réaction du public. Car assister à un one man show de Stéphane Guillon, c’est comme visiter un petit musée des horreurs où le rire se transmet d’un simple regard, d’un simple geste de la main, un simple mouvement du corps. On se laisse porter par le rythme, la pulse de ces vannes qui s’enchaînent à la vitesse de la lumière.
À travers une mise en scène sobre et efficace signée Anouche Setbon, on prend crampes de rire sur crampes de rire et on a du mal à reprendre son souffle. Que ce soit les riches, les pauvres, le petit Grégory, Grégory Lemarchal ou Cyril Hanouna, tous les personnages qu’il passe au prisme de son kaléidoscope en prennent pour leur grade. Véritable bateleur, il met en parallèle « la révolte des femmes gilets jaune anti-vax et celle des femmes afghanes sous le régime de la charia », aborde d’un ton décalé et provocant des thèmes comme les talibans 2.0 et leur « Charia Light » renvoie dos à dos « La famille Lepen, Eric Zemmour et Dupont Aignant », allant jusqu’à se moquer gentiment de son public masqué : « Ce soir, j’ai l’impression de jouer devant un congrès de dentistes ». Attention, ce stand up est corrosif. Très corrosif. Et quand il tacle les politiques, il jubile de plaisir. Valérie Pécresse, Anne Hidalgo ou Christiane Taubira, que Jean-Luc Mélenchon, Arnaud Montebourg François Hollande, Yannick Jadot il n’épargne personne. Sans oublier bien sûr bien sûr Emmanuel Macron qu’il imagine « mannequin cabine chez Hugo Boss ». D’ailleurs, après le spectacle, il propose au public d’aller crier sous les fenêtres du nouveau siège de LAREM , le « Rocher » qui se trouve être l’immeuble mitoyen du Théâtre Tristan Bernard : « Eh Manu, tu descends » « et pourquoi faire ? Ben ce que tu n’as pas fait pendant ces 5 ans ! ». Quand c’est joué avec une telle précision, un tel sens de l’autodérision, on ne peut qu’en rire aux éclats. Courrez-y !
Jusqu’au 09/04/2022
Théâtre Tristan Bernard. 64, rue du Rocher, 8e. A 21h. De 30 à 38 €.