ANGÈLE PHÉNOMÈNE GÉNÉRATIONNEL ?

AngèleElle a 20 ans et étudie le journalisme à l’institut Français de Presse Panthéon-Assas, elle est surtout fan de musique, Cynthia Pagès dresse pour Gonzomusic le portrait d’une jeune chanteuse de son âge : Angèle, qui va sans doute faire hurler à la mort les vieilles barbes de BEST et R&F.  What the fuck… Avec son nouvel album « Nonante-cinq » et un documentaire exclusif sur Netflix, la chanteuse Belge est une incontestable sensation pop. De ses débuts sur Instagram, en passant par « Brol », ses divers engagements, puis son nouvel album : portrait d’une nouvelle icône de sa génération.

 

AngèlePar Cynthia PAGÈS

Chanteuse pop, influenceuse comique, artiste engagée ou encore icône mode, Angèle est devenue en l’espace de quelques années un phénomène générationnel international. Elle est une icône pour la communauté LGBT : dans ses concerts, des drapeaux arc-en-ciel sont brandis. En août 2020, la jeune femme fait son coming-out sur les réseaux sociaux auprès de Marie Papillon, une entrepreneuse et humoriste belge. Angèle a également collaboré, dans sa chanson « Que du love », avec l’artiste et militant LGBT Kiddy Smile. Enfin, son tube « Ta reine », dévoile un message engagé : « Mais tu voudrais qu’elle soit ta reine ce soir / Même si deux reines c’est pas trop accepté / Toi, les rois tu t’en fous c’est pas c’qui t’plaît ». Angèle s’intéresse aussi à la cause climatique, et relaye les discours de Greta Thunberg. Elle compose même un morceau pour lancer l’alerte sur les réseaux sociaux. Mais son engagement le plus éminent est bien celui en faveur du féminisme. Son premier titre « La loi de Murphy », rend déjà compte dans son texte de la lourdeur d’un dragueur qui lui a fait rater son tram. Tout particulièrement dans « Balance ton quoi » : «  Un jour peut-être ça changera / Y a plus d’respect dans la rue / Tu sais très bien quand t’abuses / Balance ton quoi », devenu une hymne lors des manifestations du 23 novembre 2019 contre les violences sexistes et sexuelles.

Dans son clip, elle met en scène un procès, « l’Académie anti-sexiste », dans lequel toute une classe d’homme est formée au consentement. Angèle est une chanteuse engagée, mais aussi une figure d’autodérision. La couverture de son premier album la représente enfant faisant une grimace et sans dents. Dans « Tout oublier », elle porte une combinaison de ski à la plage avec son frère, Roméo Elvis. Angèle revendique un éthos décalé, souvent humoristique et léger, même sur les réseaux sociaux. C’est une personnalité protéiforme, puisqu’elle est aussi une figure de la mode. Elle est l’égérie Coco Beach, Chanel Beauty; et incarne la collection Eyewear en 2020. Par dessus tout, Angèle est chanteuse. Une chanteuse qui jongle avec les registres, à la fois urbaine et variété pop. Elle utilise des mélodies qui se retiennent vite, dansantes, parfois mélancoliques et souvent joyeuses. Angèle, c’est une voix évanescente et suave, utilisée comme instrument avec des filtres et des effets phoniques. Ses textes racontent une génération, narcissique sur les réseaux sociaux, et en même temps anxieuse quand elle se confronte au monde.

AngèleSi Angèle est une icône pour une génération, elle ne fait pas l’unanimité. Interviewé à l’occasion de ce portrait, Gérard Bar-David, pionnier du journalisme musical éclectique depuis 1979, et rédacteur en chef de Gonzomusic depuis novembre 2014, déclare :

« Ah si seulement j’étais une ado entre 12 et 14 ans, alors peut être serais-je fan d’Angèle. Mais ce n’est pas le cas, du coup je me demande à quoi sert Angèle ? Dans le genre blonde à claquer on a déjà Taylor Swift, alors une de plus…. »

Angèle et Damso

Angèle et Damso

Idôle des jeunes, Angèle est appréciée tant pour sa fraîcheur que pour son engagement. Elle incarne à elle seule différentes facettes qui font la raison de son succès; pour une génération surtout. Angèle débute en se produisant dans les cafés de Bruxelles, et sur Instagram où elle se fait remarquer pour ses covers dès 2016. Cependant c’est celui de Dick Annegarn « Bruxelles » qui la révèlera sur le web 2.0. Par l’intermédiaire de son frère, Angèle rencontre le célèbre rappeur Damso qu’elle accompagnera dans sa tournée « Ipséité Tour » en 2017. La même année, la petite chanteuse belge sort son premier single « La loi de Murphy » qui est un succès immédiat. Elle se produit également sur scène à Paris aux côtés de MC Solaar, où elle y dévoile trois de ses chansons : « Je veux tes yeux », « La thune » et « Jalousie ». Durant tout l’été, la nouvelle star enchaîne les festivals Belges, Français et Suisses.

Angèle En octobre 2018 elle sort son premier album « Brol » (« bazar », en argot belge), un succès planétaire, certifié double disque de diamant, écoulé à 2,5 millions d’exemplaires en France et à 500.000 à l’international. L’album reçoit la Victoire de l’album révélation de l’année lors des Victoires de la musique en 2019. En l’espace d’un an, la jeune belge s’est faite un nom sur la scène musicale francophone. « La loi de Murphy », « Je veux tes yeux », « Tout oublier », « Balance ton quoi », « Oui ou non », « Flou »…. Autant de titres au style dansant et pop, mais qui refusent la morosité, la superficialité, et qui dit non au sexisme. Deux ans plus tard, Angèle revient sur le devant de la scène avec » Fever », un featuring aux côtés de la star pop British d’origine kosovare Dua Lipa. La chanson évoque la liberté de deux femmes qui dansent jusqu’au matin sans se soucier de rentrer tôt pour éviter les agressions de rue. La chanson devient très vite un hit planétaire colossal.

Après avoir envahie les stations radios et conquis autant de foules, qu’allait proposer Angèle dans son deuxième album ? Réponse avec « Nonante-Cinq ». Positive au Covid-19 et confinée à résidence, la chanteuse belge a organisé à l’occasion de son anniversaire un live Instagram pour annoncer la sortie de son nouveau projet baptisé « Nonante-Cinq » (quatre-vingt- quinze) qui sera publié le jour de son anniversaire, comme référence au titre de l’album, son année de naissance. L’album est disponible depuis le vendredi 3 décembre sur toutes les plateformes de streaming.

Angèle La jeune femme teasait depuis déjà plusieurs semaines son arrivée qu’elle décrivait comme un CD plus intime dans un documentaire inédit sur sa vie diffusé sur Netflix. Une vie d’artiste médiatisée et très contrôlée, qui affecte sa vie de jeune femme. « Libres », « Plus de sens », « Tempête », « Démons » ou encore « Solo », les titres de l’album ouvrent l’accès au psyché de la chanteuse. Angèle a en effet beaucoup à extérioriser : des démons aux côtés de Damso, ou encore un confinement loin de sa ville d’origine, Bruxelles, qu’elle dédie dans la dansante « Bruxelles, je t’aime ». Dans « Plus de sens », Angèle évoque son envie de retrouver son public ainsi qu’une vie sociale : « La vie sans vous est triste à mourir ». Une rupture amoureuse traverse également le disque de  « Solo » à « Taxi; » des chansons désenchantées mais toujours dansantes. Il y a aussi « Bruxelles je t’aime », « Plus de sens » et « Démons » pour adréaliser le disque. Mais par-dessus tout sa chanson « Bruxelles je t’aime » est incontestablement la plus ambitieuse de l’album. Angèle a pris modèle sur le « Göttingen » de Barbara : « On n’a pas Beaubourg, ni la Seine », chante-t-elle en écho à « Bien sûr nous, nous avons la Seine/Et puis notre bois de Vincennes ». Elle s’est aussi inspirée du « Bruxelles » de Dick Annegarn en 1974 : « Bruxelles ma belle/Je te rejoins bientôt aussitôt que Paris me trahit » rappèle le couplet d’Angèle : « Paris m’appelle quand je veux rentrer chez moi/Quand le ciel gris et la pluie me manquent ». Cette « prise de risque » ne plaît pas à tout le monde :

Angèle et Dua Lipa

Angèle et Dua Lipa

« (…) à la rigueur on peut trouver quelques qualités à sa dernière ritournelle « Bruxelles je t’aime »… sauf que lorsque qu’on compare avec Dick Annegarn et son « Bruxelles ma belle » c’est toute la différence entre un paquet de chips Flodor et un plat signé d’un chef étoilé. », commente en « vieux con » Gérard Bar David.

Si l’album ne se distingue pas de « Brol » dans son identité musicale pop dansante et un peu naïve, il s’en démarque par son ton plus mélancolique. Prudent, auto-centré et vaporeux « Nonante-Cinq » s’inscrit dans la continuité de son précédent opus. Ce nouvel album est aussi comme « Brol », un succès immédiat. Cinq jours avant sa version matérialisée, il a rejoint la troisième place des nouveaux albums les plus écoutés dans le monde sur Spotify. Et selon la plateforme, la chanteuse est écoutée à 54% par des femmes adolescentes ou jeunes actives. Ce succès fulgurant a engendré beaucoup de bonheur pour la jeune chanteuse, mais aussi beaucoup de doutes et d’interrogations sur son identité, son mérite ou encore son avenir. Tout cela est confessé dans un nouveau documentaire à voir sur Netflix « Angèle ». Vous l’aurez compris, Angèle soit on l’adore soit on la déteste, soit on la juge futile soit elle séduit par sa fougue et ses engagements, et ce n’est sans doute qu’une simple question de génération !

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