GISELLE À L’OPERA
« Giselle », le ballet de Jean Coralli et de Jules Perrot enchante l’Opéra Garnier et les cinq sens de Jean Christophe Mary. Créé à l’Académie royale de Musique le 28 juin 1841, le ballet voyage en Russie et disparaît du répertoire avant son retour en France en 1910. C’est aujourd’hui dans la version de Patrice Bart et Eugène Polyakov, fidèle à la chorégraphie originelle de Jean Coralli et Jules Perrot, que le ballet continue de nous offrir toute sa magie à l’Opéra de Paris.
Par Jean Christophe MARY
Tutus vaporeux, pointes, gaze blanche, tulle : Giselle marque l’apogée du romantisme. Dans un paysage bucolique, une jeune fille meurt d’amour et se métamorphose en esprit qui hante la forêt. Recueillie par les Wilis, elle entre dans un monde immatériel où la danse est le langage de l’âme. Son amant Albrecht, éperdu, poursuit ce fantôme au risque de sa vie. Les ballerines, par leur présence aérienne, se jouent de lui autant que de la pesanteur. Couverte de brume, la scène laisse place à des visions spectrales magnifiées par la musique envoûtante d’Adolphe Adam.
Crée par Jean Coralli et Jules Perrot à l’Académie Royale de Musique de Paris (1841) repris par Marius Petipa au Théâtre Mariinski de St Petersbourg (1884) le ballet a connu plusieurs adaptations jusqu’à celle de Patrice Bart et Eugène Polyakov (1991) avec les décors et costumes d’Alexandre Benois qui avaient été réalisés en 1924. Inutile de dire que ce ballet dans cette version vintage est devenu au fil du temps une référence incontournable. Après deux ans d’absence sur la scène de l’Opéra Bastille, le retour de ce joyau du répertoire du Ballet de l’Opéra national de Paris est très attendu pour ce printemps 2024. « Giselle » fût créé à l’Académie royale de musique de Paris, futur Opéra de Paris le 28 juin 1841 par Jean Coralli et Jules Perrot avec Carlotta Grisi dans le rôle de Giselle et Lucien Petipa dans celui d’Albrecht. Le succès remporté par le ballet fera voyager « Giselle » de Londres à St Pétersbourg où Jules Perrot remontera le ballet en procédant à quelques modifications. Marius Petipa va ensuite le rénover et le placer au premier plan du répertoire Russe. Alors que le ballet de l’Opéra de Paris a oublié « Giselle » depuis 1868, il va réapparaitre en 1910 grâce aux ballets russes de Serge Diaghilev, alors invités au Palais Garnier.
C’est ainsi que « Giselle » marque l’apogée de la nouvelle esthétique romantique alors très en vogue dans le monde intellectuel et artistique du début du XIXe siècle. Le balai est construit selon deux univers qui s’opposent : le monde quotidien et d’urne représentait à l’acte un et celui onirique et nocturne de l’acte deux, « l’acte blanc », ainsi nommé en raison de l’absence des ballerines en tutu blanc. L’attention particulière portée sur la machinerie et l’éclairage, afin de créer une impression d’illusion et de mystère ( rideau de gaze), la longueur des tutus blancs en mousseline de soie, donnant l’impression que la ballerine flotte, sont également des caractéristiques qui font de cette œuvre, le ballet romantique par excellence. Les pointes, technique encore récente à l’époque et popularisée par Marie Taglioni dans la Sylphide, sont largement utilisés dans Giselle, le chausson permettant à la ballerine de défier les lois de la pesanteur, donnant une impression d’immatérialité si cher au romantique.
Parmi les personnages principaux, on retrouve Giselle, jeune paysanne qui tombe amoureuse de Loïs, qui se révèle être le duc Albrecht, et meurt de folie et d’amour à la fin de l’acte 1. Albrecht, Duc de Silésie, déjà promis à la princesse Mathilde, qui séduit Giselle à la saison des vendanges, Mirta,la Reine des Willis, représente l’esprit des jeunes filles mortes avant leur mariage. La nuit, elles entraînent les hommes dans une danse mortelle. Hilarion, garde-chasse du village, amoureux de Giselle, démasque Albrecht, puis meurt, puni par les Willis. Créature fantomatique, incarnant des jeunes filles mortes avant leur mariage, inspiré des personnages de légende germanique, Willis ressuscite à minuit et invite les jeunes hommes qu’elle rencontre à danser avec elle jusqu’à la mort. La paternité de « Giselle » revient au poète et écrivain Théophile Gautier qui, le premier, voulu écrire un balai sur les Willis, évoqué par l’écrivain allemand, Heinrich, Eine dans son recueil de l’Allemagne. Sa rencontre avec Jules Henry, Vernois de Saint-Georges, un dramaturge professionnel libériste d’opéra et de ballet va concrétiser le projet.
Cette production d’exception réunit sur un même plateau une flopée de pointures parmi lesquelles la délicieuse et nouvelle étoile Myriam Ould-Braham dans le rôle de Giselle , en alternance avec Dorothée Gilbert, et Bleuenn Battistoni le brillant Paul Marque ( Albrecht) en alternance avec Guillaume Dio et Marc Moreau, l’excellent Jérémy-Loup Quer et alternance avec Arthus Raveau, Florimond et une distribution qui promets des moments savoureux et intenses avec notamment Hortense Millet-Maurin, Marine Ganio, Pas de deux (paysanne) et Nicola Di Vico, Jack Gasztowtt, Pas de deux (paysan). Si on ajoute à cela la poésie des décors et costumes d’Alexandre Benoit la brillante partition d’Adolphe Adam, et une direction d’orchestre confiée à Patrick Lange, ces vingt-quatre nouvelles représentations raisonnent déjà aux airs de triomphe.
« Giselle » au Palais Garnier Jusqu’au au 01 juin 2024 2h10 avec 1 entracte