SYLVIA À L’OPERA

Sylvia by Yonathan Kellerman
Le fidèle et dévoué JCM s’est fait une nouvelle fois petit rat pour se glisser incognito à l’Opéra, cette fois pour y découvrir « Sylvia » un joyau de l’âge d’or du ballet romantique français revisité par Manuel Legris où faunes, dryades et bergers incarnent tout l’univers bucolique dans lequel évolue Sylvia, la nymphe de Diane, déesse de la chasse. Contrainte à la chasteté, devra-t-elle renoncer à son amour pour Aminta, comme Diane dut sacrifier sa passion pour Endymion ? Le suspense est total, même s’il dure depuis l’antiquité !

Sylvia by Yonathan Kellerman
Par Jean-Christophe MARY
Conçu initialement par Louis Mérante, Sylvia est le premier ballet créé au Palais Garnier – tout juste inauguré – en 1876, sur la musique brillante de Léo Delibes, également compositeur de « Coppélia ». Mais c’est la version de Manuel Legris, danseur Étoile de l’Opéra national de Paris, aujourd’hui directeur du Ballet de La Scala de Milan, qui fait ici son entrée au répertoire. Le chorégraphe apporte une profondeur psychologique au livret en ajoutant un prologue montrant l’univers conflictuel de Diane et donne une plus grande part aux rôles masculins. Créé le 14 juin 1876 sur la scène du tout nouveau Palais Garnier, Sylvia ou la nymphe de Diane marque un moment fort de l’histoire du ballet français. Commandé pour célébrer l’inauguration du somptueux opéra de Charles Garnier, ce ballet en trois actes est chorégraphié par Louis Mérante, alors maître de ballet de l’Opéra de Paris. Inspirée de l’Aminta du Tasse, l’intrigue met en scène Sylvia, nymphe farouche et chasseresse, protégée de Diane, qui, au terme d’un parcours initiatique fait d’épreuves, de ravissements et d’illusions, succombera à l’amour du berger Aminta. L’argument, teinté de mythologie et de pastorale, épouse l’esthétique raffinée de l’époque. Mais c’est surtout la partition de Léo Delibes, élève de Chopin et futur compositeur de Coppélia, qui élève « Sylvia » au rang de chef-d’œuvre. D’une inventivité orchestrale éblouissante, sa musique — débordante de grâce, d’élan héroïque et d’humour — fut saluée par Tchaïkovski lui-même comme un modèle à suivre. Du célèbre “Pizzicato” du deuxième acte à la majesté de la marche triomphale finale, Delibes sculpte un univers sonore aussi chatoyant que dramatique, taillé pour la danse. Près de 150 ans après sa création, Sylvia revient au Palais Garnier sous un nouveau jour grâce à Manuel Legris, ancien danseur étoile et figure majeure du ballet français. En choisissant de faire entrer sa propre version de Sylvia au répertoire de l’Opéra national de Paris, Legris, devenu chorégraphe et directeur de compagnies prestigieuses, rend un hommage élégant et modernisé à ce joyau du XIXe siècle.

Sylvia by Yonathan Kellerman
a relecture, fondée sur la version classique d’Ashton tout en y intégrant ses propres influences stylistiques, redonne à l’œuvre une fraîcheur narrative et une dynamique scénique qui dialoguent avec la tradition sans la figer. Legris affine la dramaturgie, densifie les relations entre les personnages et insuffle à la chorégraphie une virtuosité plus lisible, plus contemporaine, sans rien céder à la musicalité exquise de Delibes. L’entrée de cette version au répertoire officiel de l’Opéra de Paris constitue un événement en soi : non seulement elle ressuscite une œuvre emblématique du ballet romantique français, mais elle témoigne aussi de la reconnaissance artistique d’un ancien danseur étoile qui, en tant que chorégraphe, inscrit désormais son nom dans la lignée des grands maîtres du Palais Garnier. Pour ces vingt nouvelles représentations cette production d’exception réunit sur un même plateau une flopée de pointures étoilées parmi lesquelles la délicieuse Amandine Albisson dans le rôle-titre en alternance avec Bleuenn Battistoni et Valentine Colasante. Le public devrait guetter avec impatience le feu d’artifice de petits sauts légers et rapides (ballottés, entrechats) sur l’air de pizzicato, l’un des passages les plus célèbres et légers de Sylvia, composé par Léo Delibes. Côté danseurs étoiles, on trouvera le brillant Paul Marque (Aminta ) en alternance avec Germain Louvet et Guillaume Diop. Dans le rôle d’Eros, Guillaume Diop sera en alternance avec Jack Gasztowtt et dans celui de Diana, Roxane Stojanov sera en alternance avec Silvia Saint-Martin et Héloïse Bourdon pour ne citer qu’eux. Le corps de ballet lui devrait s’illustrer dans ce feu d’artifice de sissonnes enchaînées, de grands jetés bien dessinés, d’arabesques tenues mais projetées avec force qui évoquent à la fois tradition française et énergie moderne. Si on ajoute à cela la poésie des décors et des luxuriants costumes de Luisa Spinatelli, la brillante partition de Léo Delibes, les lumières de Jacques Giovanangeli et une direction d’orchestre confiée à Kevin Rhodes, ces vingt nouvelles représentations raisonnent déjà aux airs de triomphe.