RAMON PIPIN SE FAIT COFFRET
Depuis les radieuses 70’s, soit cinq décennies de rock n’ drôle, il était grand temps que Ramon Pipin se fasse enfin coffret… soit un magnifique « Best Œuf » en 6 CD avec un livret titre par titre ultra documenté pour 6 heures de musique, dont 15 inédits historiques, plus 4 nouvelles compositions fraîches, soit en tout 59 chansons dont 11 totalement remixées… bref tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Odeurs et Ramon Pipin… mais sans oser le demander ! Et pour célébrer dignement cette ambitieuse édition en sa compagnie, l’artiste nous convie à deux shows parisiens, donnés à un mois d’intervalle, le premier live en version acoustique le 16 octobre au Théâtre du Ranelagh, puis le second, cette fois en version électrique, le 13 novembre au Café de la Danse.
Certes, ce n’est pas la première fois que nous évoquons la carrière protéiforme de Ramon Pippin ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Ramon+Pipin ) à travers ses diverses aventures sonic d’ Au Bonheur des Dames aux Excellents en passant par Odeurs et sa prolifique carrière solo. Cependant, après la publication de son ambitieux « Best œuf » à la veille des deux shows exceptionnels qu’il va donner à Paris, il était grand temps de faire le point…
« 6 rondelles… 50 ans de carrière….
Je n’ai pas tout mis. J’ai 800 œuvres déposées à la SACEM.
Choix que l’on dit Cornélien, non ?
Effectivement, ça a été un choix assez difficile, car ce sont un peu mes bébés et je les aime toutes. Mais à des degrés différents tout de même.
C’est aussi un coffret historique, où tu as souhaité mélanger toutes les époques.
J’ai voulu éviter de privilégier les titres les plus connus, mais surtout je n’ai sélectionné que des chansons où soit j’ai contribué à la musique, soit participé à l’écriture. Ce qui explique pourquoi certaines chansons que j’adore comme « Couscous boulettium » ne s’y trouvent pas, car je n’ai fait ni la musique ni les textes.
C’était Odeurs ?
Oui, sur le deuxième album. Comme « Astrid », que je n’ai pas mise non plus car je ne fais que jouer de la guitare. Et que j’ai néanmoins décidé d’enregistrer, car c’était aussi un peu mon rôle à l’époque de jouer au directeur artistique et de choisir les chansons qui devaient figurer sur les albums.
Tu parles d’Odeurs ou d’ABDD ?
ABDD j’avais moins mon mot à dire, même si je composais à peu près la moitié du répertoire, c’était plus une discussion collégiale… mais la démocratie en musique, cela ne fonctionne pas.
Tu as placé les chansons dans un ordre chronologique ?
Oui car c’était plus… logique ! J’avoue avoir longtemps cherché un classement. Je me suis demandé si je n’allais pas le faire par thème, mais rien ne me satisfaisait, alors j’ai fait au plus simple.
Le tout premier titre du premier CD « Best œuf » c’est » Youpi la France » d’Odeurs…
Alors il faut juste que te précise que sur les deux premiers 33 tours d’Au Bonheur des Dames, je ne détiens pas les droits, hélas.
C’est donc pour ça qu’ils ne figurent pas dans le coffret !
Oui ils appartiennent à Universal. J’ai négocié avec eux, je voulais absolument mettre « Ego dames », mais j’ai abandonné, ils m’ont tellement fait chier.
Tu aurais pu la ré-enregistrer ?
En 86, quand on a fait l’album d’ABDD qui s’appelait « Jour de fête », notre producteur à l’époque nous avait dit : « ouais vous allez réenregistrer « Oh les filles ». On l’a fait et quelle tristesse… c’est bien la preuve que la magie ne marche qu’une fois.
Sur les chansons du « Best œuf » certaine sont été carrément remixées à ICP ?
On est resté une semaine. J’adore ce studio c’est vraiment un lieu extraordinaire. Le mec est très sympa, ils ont une console Neve. Il y a une pièce qui est carrément un hangar où il y a tous les instruments du monde qu’ils ne te font pas payer, tu prends ce que tu veux. Je suis un artisan, moi j’aime bien le bois, j’aime les lieux chargés d’histoires. Même si je prépare tout de manière dématérialisée, après je veux des musiciens, je veux des relations et de la chaleur humaine, j’veux des poils sous les bras…
Ce qui est paradoxal chez toi c’est que sous tes airs rigolos et ton côté potache tu es super sérieux et super pointilleux.
Hé bien oui, c’est du boulot. Tu verras pour ce concert acoustique du 13 octobre au théâtre du Ranelagh j’ai voulu donner un aspect de moi moins connu en proposant un truc différent. En fait, c’est toute ma vie, mon métier cette musique, c’est le carburant qui me pousse toujours en avant. Mais je fais ça de manière désintéressée parce que c’est que j’aime. Sans compter ma quête perpétuelle de la pop-song ultime.
Ce serait quoi « la pop-song ultime » ?
Je dirai « God Only Knows », qui est pour moi la plus belle chanson qui ait jamais été faite.
Allez, je vais te scandaliser…les Korgis « Everybody’s Got To Learn Sometimes » … « Let It Be », « Maybe I’m Amazed », « Nights In White Satin »…
Ah mais je n’ai jamais aimé « Let It Be », c’est une des chansons des Beatles que je n’aime pas …
On s’éloigne de notre cœur de cible… donc les chansons d’Odeurs correspondent à ce moment où j’ai commencé à bosser dans la musique, donc je les connais bien… si tu écoutes « Youpi la France » avec le regard d’aujourd’hui et au premier degré — ce qu’il ne faut pas faire ! — c’est presque du le pen (pas de majuscule car ce nom n’est décidément pas propre) …
… oui mais c’est du deuxième degré…
…. Bien entendu, et c’est pour ça qu’on aime… mais tu aimes bien jouer sur ce côté fil du rasoir. Mais l’humour a tellement changé que ce qu’on appelait à l’époque le second degré, je ne sais pas si c’est encore un terme employé aujourd’hui. Et moi j’adore ça. Ou la vraie définition de l’ironie, à savoir quelque chose qui signifie le contraire de ce que tu exprimes.
J’utilise pas mal ça dans mes chansons.
Ah comme « La viande de porc »… je l’avais oubliée…
A l’époque, je travaillais avec un auteur qui s’appelait Costric 1er , qui était un mec aux fulgurances absolument extraordinaires. Il me bombardait de textes, il fallait vraiment que je trie le bon grain de l’ivraie, mais le jour où il arrive avec « La viande porc c’est bon quand c’est mort/ Mais quand c’est vivant ça fait du boucan… » j’ai bien entendu trouvé ça génial. Aujourd’hui Costric a disparu et tu ne vas pas le croire, mais je ne sais pas du tout ce que signifie les vers suivants : « La viande de cochon, cinq jours en ballon/ Croyez cet adage, ça pue davantage qu’avant l’abattage … ». Et je ne connaîtrais jamais le sens de ces mots : « cinq jours en ballon », c’est quoi ? Ce qui était dingue avec Odeurs c’est que j’avais réuni par hasard et aussi par amitié une espèce de troupe de mecs extraordinaires avec Rita Brantalou qui était non seulement un auteur exceptionnel puisque c’est lui qui a écrit « Je m’aime », mais surtout un déconneur fou… doublé d’un bricoleur de génie. Chacun dans son coin amenait des idées. Notre batteur Nono, qui était déjà celui de ABDD, qui est d’ailleurs devenu comédien, était un mec qui avait une gestuelle juste dingue. Un jour il se ramène, il s’était confectionné un costume de homard avec des pinces et tout. Una autre fois, sur scène, il s’était fait un costume de tortue avec la carapace et tout. Puis il traversait la scène tout doucement et à un moment il se cassait la gueule, il se retournait et pendant toute la chanson il ne parvenait pas à se remettre droit. Moi je m’occupais plus de la musique et il y avait des mecs voués au déconnage. Il y avait Shitty, un super interprète, mais surtout un mec formidable, d’une gentillesse totale, adoré par le public. Moi je dois faire des efforts pour avoir son adhésion, alors que lui il lui suffit d’entrer sur scène pour que les gens l’adorent d’emblée.
« Le cri du kangourou » figure en bonne place dans ce coffret.
Ce n’est sans doute pas notre chanson la plus mémorable, mais je suis un gros fan de ce genre de bêtise. J’avais fait avec mes amis Jean-Philippe Goude et Marc Beacco dans les années 80 un album de reprises modernisées de chansons du répertoire music-hall déconneur français intitulé « Le dernier salon où l’on cause » avec « J’ai deux amours », « Est-ce que je te demande si ta grand-mère fait du vélo ?» etc. Il n’y a plus de chansons drôles en fait. Souviens-toi qu’à une époque il y avait Nino Ferrer qui faisait « Les cornichons » et il était numéro un au hit-parade. Pierre Perret…
Serge faisait aussi des rock drôles…
Gainsbourg bien sur…
« Oh les beaux dimanches » me fait un peu penser à « Julia » des Beatles téléporté chez les Tubes…
Bien sûr, l’arpège du début ressemble étrangement à « Julia » des Beatles
Après on s’en éloigne…
Il y a des influences que je ne peux pas cacher. Tu sais bien que je suis un inconditionnel des Beatles. Après, ce texte-là sur un papy qui se fait écraser par une bagnole c’est très humour noir.
C’est un peu le truc avec tes chansons, ce double effet Kiss Cool, cette double détente avec d’abord le coté musical inspiré de la rock culture etc… et ensuite un texte décalé, soit très ironique soit volontairement et ouvertement ringard.
Est-ce que tu connais une artiste qui s’appelle GiedRé, elle fait des textes très trashs mais la musique est nulle ; à l’époque son producteur c’était Raphaël Mezrahi que tu connais. J’entends ça et je lui dis : c’est super mais la musique pas terrible c’est dommage. Mais il me répond : « la musique on s’en fout ». Eh bien moi c’est exactement le contraire. La musique je ne m’en fiche pas du tout et je pense que si on veut faire passer l’humour, la musique est essentielle.
Dans les années 80 il y avait les Bill Baxter ou Starshooter, aujourd’hui je suis incapable de te citer un seul artiste qui marierait humour et rock music.
Exact.
« Au bureau » c’est très Depeche Mode non ?
Ah oui j’étais à fond dans Depeche Mode, je devais être parmi les premiers en France à me rendre compte de tout le potentiel de compositeur de Martin Gore. Alors que tout le monde se moquait d’eux, les traitaient de garçons- coiffeurs…
Oui Des Pêches Molles et tout ça…
Je me suis beaucoup inspiré de « Blasphemous Rumors », sur ce troisième album « Some Great Reward » qui est une tuerie.
Oui avec aussi « People Are People » et « Master and Servant ».
« Au bureau » c’est dans mon premier album solo « Nous sommes tous frères « en 85 en et j’assume totalement cette influence DM.
Il faut noter que musicalement tu as des goûts particulièrement éclectiques, contrairement à tant de musiciens souvent focalisés sur un seul style de musique.
On va dire que je connais bien le jazz. La musique classique, un peu et pas mal le rock. Et le rythm’ n’blues et la musique noire. Et pas du tout les musiques urbaines.
Certes, mais tu maitrises aussi le funk, la pop, le blues, la country… « Dimanche soir » me rappelle un peu « I Wanna Know What love Is » de Foreigner, c’est normal, docteur ?
Pas du tout. D’où vient l’inspiration, ce secret qui me taraude et qui me hante depuis des années. Pourquoi un jour tu te dis : tiens, si je faisais une chanson sur le blues du dimanche soir ? Tu te dis que c’est une bonne idée que personne ne l’a fait.
« Uranus, Neptune ou Pluton »…. Moody Blues ou Procol Harum….
C’est Procol Harum à fond… complètement assumé. Gary Brooker est un des plus grands mélodistes, une de mes idoles absolues doublée d’un chanteur exceptionnel.
« Ségolène » c’est un peu « Rock And Roll » de Gary Glitter ?
Oui un peu, bien sûr.
Chanson très gonflée.
Oui c’est l’histoire d’une nana qui taille des pipes dans les chiottes du lycée et qui s’appelle Ségolène. Tout le monde l’adore.
En même temps, de la part de Pipin des histoires de pipes, ce n’est guère étonnant, non ?
J’ai bien sur démenti que cela avait le moindre rapport avec Ségolène Royal ! J’avais dit aussi que cela serait bien qu’elle la reprenne comme hymne pour sa campagne présidentielle. Quand on est arrivé sur RTL, le responsable des programmes nous a accueilli d’un « Vous êtes ici chez vous ! » … je n’ai jamais refoutu les pieds à RTL !
« Bernadette se marie » on est chez les Carpenters ?
Ah non, carrément les Beach Boys. Je parle d’une amie de ma mère qui a 92 ans et qui se marie mais son mec Alzheimer resté dans sa chambre, car il a oublié qu’il se mariait ce jour-là… forcément à cet âge on oublie tout !
« Mon avocat est dans la salle » est un de mes hits favoris…
Celle-là je vais la faire sur scène. C’est une chanson qui m’a été inspirée par Neil Hannon de The Divine Comedy où il cite tous ses auteurs favoris. J’ai repris l’idée… mais en disant que c‘est de la merde à chaque fois.
C’est terrible ces chœurs qui braillent à chaque citation « c’est de la merde » !
Certaines personnes croient que je n’aime rien, c’est faux car il y a tellement de choses que j’adore. Le refrain fait « J’aime que dalle c’est pas banal/ mais ça m’est égal parce que le principal c’est que mon avocat soit dans la salle. » C’est pour ça que j’insulte tout le monde au deuxième degré.
One last question comme on dit dans les interviews… est-ce qu’il y en a une que tu n’as pas osé mettre ?
« I Want to Hold Your Hand » quand j’ai fait cette reprise façon marche militaire quasi nazie, j’avais demandé l’autorisation de l’éditeur qui était Daniel Margules que tu as connu je crois… qui m’a foutu dehors de son bureau aux cris de « on ne plaisante pas avec ces choses-là ! ». Moi je plaisantais avec tout à l’époque… y compris avec les Beatles
On était en 79 soit quatre ans pourtant après le « Rock Around the Bunker » de Gainsbourg… donc Serge avait le droit mais pas toi ?
Non, c’était juste par rapport aux Beatles. Ce n’est même pas moi qui en avais eu l’idée, c’est Costric qui a pris la chanson la plus insipide des Beatles pour en faire ce truc vociférant gueulard et dingue. On entend mêmes les Stukas à la fin…
Il y avait aussi « Laura » qui aurait pu figurer dans ce « Best œuf »… mais à l’heure du #metoo c’était compliqué ?
Non mais c’est une chanson d’ABDD, donc je n’ai pas eu les droits et à la base c’est une chanson des Coasters.
Je pensais plus au texte qu’à la musique, je t’avoue.
En même temps, le mec raconte son histoire glauque de tournante, mais il est tout de même en prison. Tu as connu Hughes de Courson ? Moi je ne suis pas trop scato, mais un jour il m’envoie ce texte « Petit caca Noël » une très belle chanson qui raconte l’histoire d’un mec qui est seul, sa nana l’a quitté et elle a oublié de tirer la chasse. Ce qui est absolument horrible. Et le texte de Hugues était juste dingue « petit caca ne t’en va pas/ Ne me suitte pas comme ça/ reste là pour me parler d’elle/ mon petit caca Noël… » . C’est un super texte. Il m’a écrit une autre chanson qui s’appelle « Baby Doll » que j’aime beaucoup, un peu à la Harrison qui est donc l’histoire d’un pédophile, qui est magnifique dans le genre : « Au rouge à lèvres aux ongles faits/ au maquillage je préfère les tresses des écolières et les taches d’encre sur les doigts… » Et lui-même ne l’assume plus aujourd’hui … il ne veut plus que je la chante, donc je ne l’ai pas mise dans le coffret. »
NB : le « Best œuf » est également disponible en version clef USB boostée de lives, clips et autres lives…
Billets et coffrets sur : http://www.ramonpipin.fr/
» Le triple slow , c’est le slow le plus beau »
Qui peut dire mieux ?
Personne !
RAMON for ever , PIPIN pour toujours !