MIDNIGHT OIL « Resist »
Certes, ils ne l’ont pas fait exprès et pourtant « Resist » ce titre visionnaire du 13éme et réputé ultime album de Midnight Oil résonne de manière troublante dans l’écho de l’incroyable résistance du peuple Ukrainien uni derrière son président contre les forces russes maléfiques d’Adolphe Benito Poutine. Bien entendu c’est au sens large qu’il faut l’entendre, comme les 12 titres insurgés qui font couler tout l’or de ce « carburant de minuit ».
Un peu plus d’un an après la publication de « The Makarrata Project » ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/midnight-oil-the-makarrata-project.html ) qui marquait déjà le retour du gang de Pete Garrett après plus de 18 ans de hiatus, les australiens nous reviennent. En mai 1989, dans l’écho de leur colossal « Beds Are Burning » j’étais parti en Australie à la rencontre de ce géant aux yeux verts si charismatique ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/midnight-oil-a-lapogee-du-rock-australien.html ). Trois décennies plus tard, et une existence bien remplie entre maroquin de ministre de l’écologie de son pays et scènes rock, le leader maximo annonce que ce « Resist » sera le dernier album du groupe de Sydney avant une vaste tournée d’adieu. C’est dire si ce « testament » de Midnight Oil nous est précieux.
« Rising Seas », qui ouvre l’album, évoque bien entendu la montée des eaux due au réchauffement climatique et le message est martelé sur un beat aussi entêtant que puissant, comme un écho à leur bon vieux et si charismatique « Beds Are Burning ». Bref, c’est déjà un hit solide. Puis avec « The Barka-Darling River » on s’électrise aux riffs acérés entre la bluesitude des Rolling Stones et la punk attitude des Undertones, prouvant de la manière la plus cinglante que décidément nos bons vieux australiens ne ramollissent pas. Acoustique et cool « Tarkine » est une composition mélancolique qui dénonce nature perdue et invasion de la société de consommation. Et le message se fait encore plus insistant avec « At the Time of Writing », qui oscille entre nostalgie du jardin d’Eden et le flip de la fonte des glaces. C’est un rock apocalyptique glaçant porté par toute la passion dans la voix du chanteur. Le suivant « Nobody’s Child » est un titre puissant et énervé, un rock bien burné aux accents de Pete Townshend lorsque « To the Ends Of the Earth » est un cri de ralliement pour tenter de sauver ce qui peut encore être sauvé de notre planète. Les Oils nous rappellent ici qu’on boit tous la même eau et dénonce l’apathie face aux ravages écologiques. Avec cette superbe mélodie aux paroles forcément inquiétantes, Pete Garrett prouve, si l’on pouvait encore en douter qu’il n’a pas changé son fusil militant d’épaule.
Hymne émouvant à la disparition des récifs coralliens à cause de la cupidité des hommes avec « Reef », Midnight Oil ,emporté par ses guitares, dénonce cette folie humaine destructrice de son propre environnement. Sans doute un des plus touchants, mais aussi parmi les plus puissants de l’album. « We Resist », la chanson-titre prophétique quasi acoustique et mélancolique évoque pèle mêle « des fleurs dans les fusils », nous explique que « ce n’est pas le Summer of Love » ( on s’en doutait un peu ) avant « une tempête sans fin », une « guerre qui est finie à Times Square » et surtout explique que « Ca ne peut pas durer, seulement si nous résistons » et c’est juste sublime. Dépouillée et pourtant si percutante, c’est une composition dont on se souviendra. Surtout dans le contexte actuel de la Résistance ukrainienne à l’envahisseur russe. Si « Lost at Sea » se révèle climatique et cool, « Undercover » est encore un titre sur la cupidité, les menaces que la surveillance high tech et les dérives qu’elles génèrent font peser sur nos libertés. Encore un mes moments-choc de ce disque, « We Are Not Afraid » est là aussi incroyablement prophétique, avec son « nuage sombre à l’horizon » et « ces cauchemars qui entrent dans nos têtes » et surtout ce message martelé : « nous n’avons pas peur ». À la fois cool et acoustique, elle est puissante comme une vague qui monte lentement. Enfin, l’album s’achève avec la balade cruciale « Last Frontier » où Garrett demande : « Qui paie les dettes que nous créons ? (Je me demande)/ Qui répare les dégâts que nous continuons à faire ?/ Où est l’âme, la substance et le tout/ Quand on vit chaque jour sur cette dernière frontière ? ». Vous l’aurez compris l’heure n’est peut-être pas à l’optimisme, mais on ne pourra pas reprocher aux Midnight Oil de ne pas poser les bonnes questions pour encore et encore nous alerter mais surtout nous pousser à résister.