FOREIGN AFFAIR IN TEL AVIV
Voici 31 ans dans BEST GBD s’envolait pour Tel Aviv à la rencontre de Rami Fortis et de Berry Sakharof . Les deux compères venaient d’atomiser leur Minimal Compact , précédente formation euro-israélienne basée à Bruxelles pour renouer avec leurs racines orientales en Israel et la conviction que le rock pouvait servir de vecteur à une solution pacifique dans cette poudrière Proche-Orientale prête à exploser à la moindre étincelle. Flashback…
Avec leur mélange de New Wave, de punkitude exacerbée et de rythmes orientaux, les Minimal Compact m’avaient depuis longtemps déjà bien fait craquer ( Vor sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/minimal-compact-raging-souls.html et aussi https://gonzomusic.fr/la-nouvelle-vague-orientale-de-minimal-compact.html ). Cinq ans plus tard Fortis et Sakharof donnent toutes les clefs du split de Minimal Compact pour retracer la genèse de leur Foreign Affair, leur désir de renouer avec leurs racines du Moyen-Orient. Un des titres les plus marquants de leur CD « East on Fire », sur le label belge Crammed Discs, est intitulé « Jounieh » référence directe au petit port au nord de Beyrouth. L’ivresse des ouds et des percus y rencontre la fièvre rock, comme un choc frontal entre l’Orient et l’Occident. Tout le pouvoir de Foreign Affair réside dans cette fusion si intense. Hélas politiquement, trois décennies après cette interview, que cela soit au Liban ou en Israël et partout au Moyen-Orient et aussi les espoirs de paix n’ont guère progressé, ce sont toujours hélas des vœux… pieux !
Publié dans le numéro 261 de BEST sous le titre :
LES GUITARES DE JERICHO
Février 90, dans le désert du Néguev, Rami Fortis et Berry Sakharof grillent comme des hot-dogs sous le soleil d’hiver. Rassurez-vous, les Foreign Affair ne sont ni masos ni bigots, mais la grandeur de ce paysage biblique colle simplement au feeling de leur nouveau clip dirigé en 16 mm par le vidéaste Jo Pinto Maia. Dérive exacerbée des continents, nos héros jouent au choc de l’Orient et de I’Occident pour fêter leur retour en Terre Promise. « East On Fire », le premier album de Foreign Affair coïncide aussi avec l’auto-destruction de leur combo euro-israélien Minimal Compact et leur téléportation de Bruxelles à Tel-Aviv dans l’écho assourdi de l‘intifada, la « révolte des pierres » menée par les jeunes palestiniens. Comme des punk anglais, Rami Fortis devient en 79 « celui par lequel le scandale arrive » lorsqu’il balance ses premiers cris de déments en inventant un rock israélien qui ose se démarquer des folkeux et autres varièteux. Mais la rigueur de cette société supporte mal les greffes rebelles et Fortis choisit l’exil avec un tout petit groupe de fidèles. Minimal Compact naitra à Amsterdam comme une parabole de leur identité moyen-orientale qu’ils baladent sur toutes les scènes d’Europe. Exit Minimal, entre Foreign Affair, dans un troquet downtown Tel Aviv, Rami et Berry se dopent avec moi au café turc pour tracer leurs nouvelles équations musicales.
« Avec Minimal Compact vous faisiez de la world-music sans le savoir ?
Rami Fortis : On n’y pensait pas, même si notre musique se jouait sur la dualité de nos deux cultures.
Berry Sakharof : En Europe nous étions déracinés. On a toujours fait du rock, mais en y mêlant des éléments purement israéliens au parfum de I’Orient. Avec Minimal nous vivions en parfait régime communiste. À Amsterdam, puis à Bruxelles, on vivait et on bossait ensemble sous le même toit ; on a fini par senretrouver dans un cul-de-sac.
R.F. : C’était normal pour nous d’arrêter avant que ne nous vienne à la bouche le mauvais gout de l’amertume.
Avec Foreign Affair vous repassez par la case « Départ » : Israël.
B.S. : C’était une décision cruciale. Lorsqu’on vivait en Europe nous avions souvent le blues d’Israël. Nous savions qu’un jour ou l‘autre nous finirions par rentrer à la maison. Après sept ans de Minimal, nous avons réalisé que pour continuer à créer il fallait qu’on retrouve nos racines. Nous puisons nos influences ici et pas seulement musicalement.
R.F. : Et nous n’avons pas choisi la facilité car ici la situation est très dure et dans tous les sens politiques et économiques.
Beaucoup de groupes israéliens jouent au mélange dans leurs textes et leurs musiques entre l’hébreu et l’arabe, I’Orient et l’Occident. Ça fonctionne en musique, mais pas dans la réalité.
B.S. : Il reste toujours l’espoir ; et même si la situation est critique avec I’intifada tout peut changer en un an ou peut être moins. Et si cela ne bouge pas, alors ce sera peut-être la fin d‘Israël car nul ne pourra plus vivre ici à l’exception de quelques fanatiques religieux. Aujourd‘hui la moitié de la population croit au « grand Israël » — avec les territoires occupés depuis 67 — et dénient aux palestiniens le droit de vivre dans un état indépendant et l’autre moitié qui sait qu’Israël ne peut continuer ainsi et qu’il faut absolument ouvrir le dialogue avec les palestiniens pour trouver une issue. À I’heure où le monde est métamorphosé par un vent neuf de liberté Israël ne peut plus rester un tel glacis. Mais nous ne sommes que des musiciens et la musique et la politique ne fonctionnent pas toujours de concert. Okay, nous chantons des choses fortes, mais nous ne changeons rien. Le pouvoir est aux mains du gouvernement, pas comme en Europe ou les jeunes descendent dans la rue pour infléchir le pouvoir. Heureusement ,Tel-Aviv est un endroit a part ; on se dit parfois que nous devrions faire sécession avec le reste du pays, comme Taiwan, en laissant tout le bordel a Jérusalem. Cette ville décline toute la modernité de l’occident et I‘ivresse du Moyen-Orient et son sens hypertrophié de la fête en fait une incroyable source d‘inspiration. «
Foreign Affair incarne cette nouvelle culture cosmopolite où l’hébreu se mêle à l’anglais et à l‘arabe pour que le Proche-Orient soit encore plus proche dans un futur constellé de petites colombes et de rameaux d’oliviers. Les voix de la paix n’ont pas fini de hurler leur rock israélien et palestinien pour des lendemains qui chantent enfin plus fort que les balles et les larmes.nMais c’est déjà une autre aventure et vous la, retrouverez bientôt dans BEST.
( À suivre ).
Publié dans le numéro 261 de BEST daté d’avril 1990