101 TUBES DE L’ÉTÉ
De « Apache » des Shadows à « Allumer le feu » de Johnny le duo Jean Marie Potiez et Alain Pozzuoli ravivent en 101 TUBES DE L’ÉTÉ toutes les couleurs de nos mémoires, entre 1960 et 1998, dans un bel ouvrage grand format au puissant pouvoir nostalgique. Chaque « entrée », remise dans son contexte historique, affiche sa pochette originale et nous raconte par le menu conception, sortie, accueil et éventuellement reprises. Et, tant pis, si certains choix d’un goût douteux sont hautement contestables, les auteurs font le pari de la nostalgie et bien souvent, dans ce cas, on se fiche pas mal de savoir si notre madeleine de Proust a un gout rassis … ou non 🤪
S’il faut en croire les auteurs, Jean Marie Potiez et Alain Pozzuoli, voici la genèse et la recette a appliquer pour décrocher la queue du Mickey des Hit-parades : « on doit ces « tubes de l’été » à l’arrivée du phénomène yé-yé dans l’hexagone et à un certain Richard Anthony « idole au même titre que Johnny Hallyday et spécialiste de l’adaptation française des grands tubes anglo-saxons de l’époque. Il a surtout vu le jour quand les gens des maisons de disques ont compris le potentiel commercial d’une chanson spécialement conçue pour les vacances, période particulièrement propice à l’oisiveté et au plaisir sous toutes ses formes.
L’un des tout premiers titres considérés comme tels fut celui de Richard Anthony « Et j’entends siffler le train » en 1961. Trois qualités sont requises pour décrocher un « tube de l’été » (ou pas) : une mélodie facile à retenir, un gimmick musical accrocheur et des paroles simples qui s’adressent à tout un chacun. » Bon, si c’était aussi simple que ça, tous les chanteurs à succès seraient fonctionnaires. Au contraire, et au-delà de la martingale, le hit estival c’est comme la roulette russe et tant et tant se sont explosé le cerveau, malgré la réussite. Prenez Joël Daydé et sa version- carton intégral de « Mamy Blue » : en 1971 elle était sur toutes les lèvres, mais le pauvre Joël ne récidivera jamais et il ne s’en remettra jamais. Même combat avec Patrick Hernandez et son « Born To Be Alive » ou Norman Greenbaum et son irrésistible « Spirit In the Sky », Mungo Jerry et son « In the Summertime »… on peut multiplier les exemples à l’infini pour illustrer cette « malédiction du tube ». Je me souviens quand j’ai commencé à écrire sur la musique, à l’aube des années 80, et à chaque fin de printemps le label Polydor nous envoyait un gros carton contenant une trentaine de 45 tours aussi improbables les uns que les autres. Pressés à quelques dizaines d’exemplaires, ils étaient envoyés aux journalistes et autres programmateurs radio. Lâchés dans la nature, avec 90% de grosses daubes, il suffisait qu’un seul des trente accroche les oreilles du public pour largement financer l’enregistrement et la perte des 29 autres ! Des années durant, ce système appliqué par toutes les maisons de disques fonctionnera pour nous concocter chaque été les tubes qui nous accompagnaient à la plage.
Mais, à la fin des années 80, les télévisions veulent croquer leur part du gâteau estival ( il faut se souvenir que, par exemple, Europe 1 était souvent co-éditeur du tube qu’ils matraquaient à l’antenne ; même combat pour RTL et RMC qui récupéraient ainsi des « marges arrières » de droits SACEM souvent très conséquents) et se mettent à leur tour à jouer à ce bizness. C’est le TF1 de Patrick Le Lay, père du fameux « temps de cerveau disponible » qui lance l’offensive avec sa « Lambada » vocalisée par les éphémères Kaoma. Et c’est le jackpot immédiat ! Plus tard, la même chaine alliée à l’Universal music de Pascal Négre réalisera qu’il vaut mieux élever quasi gratuitement des chanteurs comme des poulets en batteries, que de claquer du blé pour produire et promouvoir à grands frais album sur album, avant d’espérer récupérer sa mise et éventuellement de gagner de l’argent.
Mais avec le système Star Academy, une hérésie (il faut se souvenir que des groupes comme U2, REM ou les Red Hot Chilli Peppers ont du attente trois, quatre, voire cinq albums avant de devenir des stars mondiales !) les labels finissent par scier la branche sur laquelle ils étaient (confortablement) assis, mais c’est encore une autre histoire du rock. Revenons à notre 101 TUBES DE L’ÉTÉ, carrément précis et bien documenté, même si je ne kiffe pas toutes les entrées choisies. Si les incontournables sont incontestablement présents les « Whiter Shades of Pale » de Procol Harum, « Satisfaction » des Rolling Stones, « Rain and Tears » des Aphrodite’s Child, « I’m Not In Love » de 10cc ou encore « Hotel California » des Eagles, nos auteurs laissent, à mon sens, la part un peu trop belle aux succès franchouillards, à des années-lumière de ma culture rock. Dalida, Sardou, Johnny, Sheila ( pas celle de « Spacer » 🤪 ), Stone et Charden, très peu pour moi et vade retro satana ! Néanmoins, tous les gouts sont dans la nature et il faut saluer le travail accompli par Jean Marie Potiez et Alain Pozzuoli. Avec ses pochettes originales, son historique bien documenté et ses anecdotes, leur 101 TUBES DE L’ÉTÉ mérite largement qu’on s’y aventure. Et avec le choix d’embrasser les années 60 à 98… cela laisse présager un volume 2, voire un volume 3, non ?
101 TUBES DE L’ÉTÉ
Par Jean Marie Potiez et Alain Pozzuoli
Éditions du Layeur