SO LONG JIM STEINMAN
Comme (hélas) bien trop souvent c’est encore le site TMZ qui proclame la triste news et cette fois, elle concerne Jim Steinman le producteur/ compositeur de Meat Loaf et de Bonnie Tyler décédé à seulement 73 ans chez lui dans le Connecticut. Voici 40 ans, pour le BEST 156 je l’avais rencontré à New York. En guise d’hommage rock à la mémoire de Jim Steinman, gonzomusic.fr est fier de republier ce reportage vintage. RIP man !
Comment oublier son épique « Bat Out of Hell” pour Meat Loaf ou encore son « Total Eclipse of the Heart » pour Bonnie Tyler ? Entre le crépuscule des 70’s et l’aube des 80’s, Jim Steinman était un producteur/ compositeur rock à succès. Mais surtout un homme de l’ombre. Or en ce printemps 81, je reçois un coup de fil de Christian Lebrun, m’annonçant qu’il m’envoyait à New York interviewer Meat Loaf qui bossait à son nouvel album, le successeur de son fameux « Bat Out of Hell » que j’adorais. Cool. Et me voilà confortablement installé au Hilton, juste à coté du CBS building qui hébergeait aussi son label associé Epic sur lequel était justement signé Meat Loaf. Oui, mais voilà… j’ai passé plus d’une semaine à attendre Meat Loaf, qui n’est jamais venu ! En fait, Epic avait bluffé BEST pour nous « vendre » Meat Loaf alors que dès le début je devais rencontrer… Jim Steinman, qui coïncidence publiait son premier LP solo « Bad for Good », qui ressemblait étrangement à du Meat Loaf, y compris le meddley alter-ego de « Paradise By the Dashboard Light », devenu ici ne rétro-classique « Dance in My Pants ». Bon, durant cette semaine d’attente j’ai eu le temps de m’occuper. Je n’avais pas remis les pieds à Manhattan depuis 76 lorsque j’étais encore étudiant. Aussi pour ce tout premier reportage pour la presse rock hexagonale dans la Grosse Pomme, j’en ai profité pour rencontrer nombre de MES héros du rock. Oh pas forcément de gros vendeurs ni de squatteurs habituels des charts, juste quelques légendes comme Todd Rundgren, David Johanssen ou encore Elliott Murphy. Et, forcément lassé d’attendre en vain le gros Meat, j’ai aussi accepté de rencontrer Jim Steinman. Inutile de vous dire que je n’ai pas regretté avec un tel personnage aussi riche en couleurs que débordant d’un humour bien délirant. Car derrière tout l’univers rock musclé grandiloquent de Meat Loaf, c’est bien la patte de Steinman qui était en action. Quatre décennies après cet entretien, j’apprends qu’il a définitivement quitté le building. Son « Bad For Good » sous son angélique pochette bleue tourne sur ma platine… immense tristesse et pour le coup j’attends « l’éclipse totale du coeur » qui saura lui rendre un hommage mérité. So long Jim Steinman !
Publié dans le numéro 156 de BEST sous le titre :
EN ATTENDANT MEAT LOAF…
“Waiting (in vain) for the Meat 4 New York, Gérard Bar-David rencontre quelques-unes de ses vraies stars favorites ainsi que des petits camarades de la rédaction qui, eux-mêmes… » Christian LEBRUN
Cinq ans, c’est le titre d’une chanson de Bowie, c’est aussi le laps temporel écoulé depuis mon ultime séjour à New-York. New-York, la « Grosse Pomme » et ses pépins, la fumée qui s’échappe des bouches d’égout et les taxis jaunes qui dansent sur les chaussées défoncées : en plein Manhattan, la fenêtre de ma chambre d’hôtel joue les écrans géants de vidéo. Les lumières de la ville forment un space invader tridimensionnel où mon visage se détache en surimpression, sur fond de radio FM… WABC NY! Dimanche soir, dans la city, je traine sous la pluie. Après la visite express d’un fast food, je décide d’aller attendre la tombée du jour dans un ciné de Broadway. « The Final Conflict », c’est le troisième épisode de « La Malédiction ( The Omen) » . Je rêve d’une grande tornade noire et ésotérique qui m’emporte loin du quotidien et je ne trouve qu’un semblant de frisson on Broadway. Exit, le spectacle des néons des sex shops et des boutiques-gadgets à touristes est au moins 455 % plus flash. Si j’en crois l’ordre de mission détaillé que m’a remis EPIC, demain matin, je dois interviewer Meat Loaf et Jim Steinman, son co-liftier. Dans I’avion, j’ai écouté la cassette de son premier Lp « Bad for Good », une production peaufinée pour un rock musclé. En attendant, je parcours le damier de Manhattan a la recherche de ma drogue fondamentale: music, man! Ici, pas la peine de se pousser pour la dénicher, elle est partout, dans les bagnoles, les boutiques ou à l’épaule d’un géant noir made in Bronx. La musique, c’est la fleur sauvage de la ville, une plante folle et vivace qui éclate en toute liberté et qui fait complètement partie du paysage. Parmi les boites de la scène new-yorkaise, la plus branchée du moment, c’est incontestablement le Ritz. La salle ressemble un peu à celle du Palace. On peut y voir des vidéos colorées et sophistiquées ou, grâce au « squeeze zoom », l’image parvient à vivre au sein d’une autre image. Comme dans toutes les boites aux USA, le verre ne coute que deux ou trois dollars, ainsi les clients n’oublient jamais le chemin du bar. Au Circus Maximus a LA, les patrons ont carrément poussé le vice jusqu’à installer un gigantesque tonneau de cacahuètes gratuites et salées ! Sur scène, les Bush Tetras distillent une cold mélopée, histoire de nous rappeler les bienfaits de la crise. Les Bush Tetras, ainsi que les DB’s, Polyrock et quelques autres, appartiennent à cette nouvelle race de groupes US que le NME a qualifié de « The Empire Strikes Back » (Empire contre-attaque), histoire de souligner la remontée en flèche de la mUSic US. Deux groupes roots vont succéder aux Bush Tetras, tiens tiens, Brother Stevie a été entendu et l’effet « Master Blaster » a balayé les derniers préjugés contre le reggae. Dans ma chambre d’hôtel, une fois rentré, je m’abrutis de télé ; la créature finira peut-être par rattraper la jolie blonde qui court dans la nuit, moi, je m’en fiche, j’ai déjà décroché pour ma projection privée du « Grand Sommeil »…
Au téléphone, Sam Lederman, I’agent de la CIA ( Cleveland International Agency, ne pas confondre, SVP !), le label de Meat-Steinman distribué par Epic, est parfait dans son rôle de composition de l’oracle de Delphes. Pour Jim, pas de problème, je dois passer chez lui en début de soirée, mais, en ce qui concerne Meat, c’est plutôt mal barré: «… heu… Meat, vous comprenez sans doute, est extrêmement occupé. Son album « Rock and Roll Dream Comes True » ( en fait il sera intitulé « Dead Ringer » : NDR) est pour ainsi dire achevé et il est en train d’enregistrer les voix. Il ne peut vraiment pas vous voir… et vous nous quittez bien ce soir, n’est-ce pas ? ».
Ah les joies de l’understatement ! En deux mots, j’explique a Sammy que mon régime Grosse Pomme s’étire sur une semaine et que, par conséquent, Meat pouvait peut-être tenter de me caser quelque part sur son précieux timing avant mon départ, dimanche prochain. J’avais fait 5 000 bornes pour le voir, par le Grand Décalage Horaire, il me devait bien ça ! Jim Steinman vit au dernier étage d’un building qui domine Central Park : son paysage est un light show, c’est « Starwars », mais sans Wars, en tout cas, c’est superbe. Steinman est charmant, presque trop timide. Il m’offre du vin et balance son « Bad for Good » sur sa platine à fond la caisse. Pour la première fois, j’écoute enfin ce disque dans des conditions appréciables de confort sonore. That’s America !
« Bad for Good » a été écrit pour un film qui s’intitulera « Neverland », l’histoire de Peter Pan projetée dans le futur. Le scénario, comme le disque, est basé sur le simple fait que si Peter existait vraiment, il conserverait ses 16 ans depuis plus de 80 ans. C’est parce qu’il reste un teen-ager qu’il cherche autant à s’éclater. Toute l’action se déroule en Californie dans des décors futuristes. Wendy, qui fuit avec lui, est la fille du Captain Hook qui gouverne le pays après les tremblements de terre et les diverses guerres bactériologico-nucléaires. LA est devenue une gigantesque métropole fortifiée, un château moderne. À l’extérieur, c’est le monde des mutants, le cauchemar ».
Complètement branché sur le côté visuel du rock, Jim prépare sa vidéo de « Bad for Good », une scène qui fait complètement référence à l’intro de « 2001 » où I’on voit deux gorilles face a un gigantesque monolithe (ici, un ampli Marshall démultiplié). Les deux singes ramassent des vieux os qui trainent et commencent à se battre. Puis, l’un deux lâches son arme improvisée. Elle s’envole dans les airs et l’os se transforme en guitare Fender. Jim me I’a confié : quelque part, il est un guitariste solo frustré.
« Et Meat Loaf ?
C’est moi qui produis son LP avec Jimmy Iovine. J‘ai aussi écrit tous les titres. En fait, c’est Meat qui aurait dû enregistrer mon « Bad for Good », mais, après la tournée, il a eu des problèmes terribles avec sa voix. Il s’est donc arrêté pour suivre un traitement, mais le temps passait sans aucune amélioration. Pour cette raison, nous avons fini par aller voir un charlatan californien. Il a soigné Meat en lui injectant ses propres urines à forte dose.
Quoi!!!
Le problème de Meat était en fait une allergie. Dans la suite du traitement, Meat s’est lui-même battu trois heures par jour durant deux mois. Chaque séance était une véritable torture. À force de hurler sous la douleur, Meat a fini par retrouver sa voix.
Et il est devenu sado-maso ?
Non, mais désormais il est tout bleu… à cause de l’urine… ».
Meat et Jim se sont rencontrés au NY Shakespeare Festival. Le géant a la voix puissante et le jeune auteur-compositeur qui ne pouvait pas chanter (Jim s’était fait casser le nez dans une bagarre) étaient fait l’un pour l’autre ; de leur union est né « Bat Out of Hell », mais vous connaissez déjà l’histoire. Moi, j’ai passé ma soirée dans l’appart de Jim à jouer avec lui sur un flipper électrique Kiss abandonné par l’ex-propriétaire des lieux, le terrifiant bassiste du groupe du même nom. Minuit dans mon gratte-ciel hotel, je frissonne en regardant « Pulsions », le dernier Brian de Palma. Le titre original, c’est « Travesti pour tuer ». Le lendemain, plutôt que de rester pendu au téléphone à attendre l’appel de l’agent de Meat, je me suis baladé à Greenwich Village…. à suivre…