JACKSON BROWNE “World In Motion”
Voici 30 ans dans BEST, GBD chroniquait “World In Motion”, le 9ème LP de son héros Jackson Browne qui constitue l’ultime vinyle dans sa discothèque du Bruce Springsteen de la west coast . Toujours habité par ses valeureux combats politiques, débordant de guests prestigieux, ce 33 tours est aussi un pont jeté vers la world-music avec la radieuse présence de Salif Keita et de Ray Lema et porte donc admirablement son titre.
8 ans après notre première rencontre à Diablo Canyon ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/jackson-browne-david-lindley-retour-a-diablo-canyon.html ) puis nos retrouvailles parisiennes un an plus tard ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/jackson-browne-episode-2-apres-le-deluge.html ), Jackson Browne toujours hanté par son combat contre le nucléaire en général et le désarmement en particulier, le prouvait de la manière la plus cinglante avec ce très bel album qu’était « World In Motion ». Trois décennies se sont écoulées depuis sa publication, et pourtant la voix du troubadour né à Heidelberg, où son père journaliste était correspondant dans l’Allemagne de l’après-guerre, n’a rien perdu de son pouvoir émotionnel et de sa force de conviction. À noter que pour la première fois l’auteur de « Take It Easy » s’adonnait à l’art de la reprise avec sa vibrante interprétation de la bien nommée « I’m A Patriot », composée par Little Steven Van Zandt, devenue du coup un des classiques de Jackson Browne sur scène.
Publié dans le numéro 253 de BEST
L’an dernier, au concert Mandela de Wembley, Jackson superstar du rock doré sur tranche californien se contentait de quelques backing-vocals. Après cinq années d’absence, l’enfant prodige s’offrait un retour en version humble. Et pourtant depuis le crépuscule des seventies ses hits humanistes aux implacables mélodies ont créé bien des émules. Sans le Browne, son piano et les envolées chaleureuses de sa voix de petit prince, jamais les Lloyd Cole, Deacon Blue, China Crisis, Waterboys, McDermott et autres ménestrels électriques n’auraient trouvé l’inspiration. Au début des années 80, j’accompagnai Jackson dans l’une de ses nombreuses croisades anti-Nukes où le spectre de l’atome s’exorcisait dans les stades sous les étoiles pour un « Running On Empty » en ciné-vérité. De « Doctor My Eyes» à « Tender Is The Night » en passant par «Stay», Jackson Browne chevalier blanc de l’exsangue gauche yankee sortira laminé du combat contre le reaganisme. Signe des temps ou coïncidence troublante, lorsque Ronnie Reagan s’esquive enfin vers la retraite, Jackson, ses potes -les Eagles- et son égérie- Joni Mitchell – se retrouvent à nouveau sur le devant de la scène. « World In Motion » constitue la plus sanglante réussite du Californien en dix ans. En renouant avec le sens du combat politique, Jackson a fini par se retrouver. Ses nouvelles chansons fustigent le racisme et la décadence, le crack et l’apartheid, la CIA et l’hypocrisie de la realpolitic de l’Amérique. Épaulé par une vertigineuse guest list – David Crosby, Bonnie Raitt, Sly et Robbie- notre Yves Simon west-coast franchit le pas de la fusion afro en compagnie de Salif Keita et de Ray Léma. Et la voix de Jackson retrouve sa lumineuse clarté dans un monde en mouvement qui tournait sans doute depuis trop longtemps sans lui : welcome back kid !
Publié dans le numéro 253 de BEST daté d’aout 1989