TWIN PEAKS THE RETURN
ENFIN…j’en suis venu à bout. Et quel bout ! Vingt-cinq fucking année plus tard nous retrouvions notre TWIN PEAKS, sans doute LA série télé la plus époustouflante, avec son lointain cousin british LE PRISONNIER, de toutes les séries télé de l’univers EVER. Intitulée TWIN PEAKS THE RETURN, dès la diff de son premier épisode, on pouvait mesurer tout le challenge que cette 3éme saison allait devoir réussir. Alors yes, trois fois yes…mission accomplie pour David Lynch et son incroyable team de comédiens et de techniciens ! TWIN PEAKS THE RETURN est une bombe poétique ultime, un « Testament d’Orphée » de Cocteau tracé pour ce troisième millénaire où chacun de ses 18 épisodes se révèle aussi fatalement épique qu’addictif. Welcome (back) to Twin Peaks !
94 %de Rotten Tomatoes, 84 % de likes…des critiques absolument dithyrambiques, tant de superlatifs accumulés pour saluer le succès de TWIN PEAKS THE RETURN : lorsque tant d’autres « returns » se révèlent parfois si décevants. Prenez celui de « Blade Runner », vu voici trois jours. Toute l’émotion de retrouver Rick Deckard (Harrisson Ford) et la troublante Rachael, ne suffit hélas pas à remplir toute la vacuité des deux heures et six minutes du film de Denis Villeneuse. Là également, après une longue attente de trois décennies. Fort heureusement, avec ce diable de Lynch, le problème ne se pose pas. Pourtant, avec DIX-HUIT HEURES de programme, si le réalisateur de 71 ans s’était fourvoyé, vous imaginez la catastrophe industrielle ? Mais le troublant cinéaste de Missoula, Montana signe avec cette 3éme saison de sa série emblématique, ce qui constitue peut-être l’une de ses plus grandes réussites. Pourtant, le pari était risqué: assumer les cheveux grisonnants et les 25 années de plus de tous les personnages, dans une série qui avait fait le pari de la séduction et de la jeunesse, aussi bien avec ses héros masculins tels que James Hurley ( James Marshall), Bobby Briggs ( Dana Ashbrook) ou Dale Cooper ( Kyle MacLachlan) que féminins comme Shelly Briggs –Johnson (Mädchen Amick) ou Audrey Horne ( Sherylyn Fenn). Mais le magicien Lynch est parvenu à escamoter un à un tous les obstacles. Trouver un diffuseur qui prenne la succession de CBS TV : done ! Ce sera Showtime. Puis, assurer le budget coute que coute synonyme de liberté artistique, y compris en jouant au bras de fer allant jusqu’à la grève avec la chaine: done (Et seul un seigneur du 7éme Art tel que Lynch pouvait y parvenir ; et à ce propos, nous Français pouvons être fiers du logo CNC apposé à la fin du générique, preuve que nos impôts auront cette fois servi à financer une authentique œuvre d’art, via le Centre National du Cinéma). Mais le talent de Lynch va même au-delà de la mort, puisqu’il parvient à quasi ressusciter David Bowie dans son rôle emblématique d’agent spécial du FBI Phillip Jeffries. Certes, Bowie devait effectivement tourner dans ce reboot, mais la mort en janvier 2016 en a hélas décidé autrement. Pour qu’il figure néanmoins au générique, Lynch a utilisé, avec la permission de Bowie, certains rushes inédits de son film « Twin Peaks : Fire Walk with Me » de 92. Le retrouver dans l’épisode 15 est un moment d’une intense émotion. De même, deux personnages emblématiques de la série nous ont quittés…mais restent néanmoins présents à l’écran. D’abord, la lunatic « femme à la buche » (the log lady) Margaret Lanterman (Catherine E.Coulson) décédée deux semaines après le tournage ( voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/la-femme-a-la-buche-sest-eteinte-cette-nuit.html). Dans la série, elle a perdu ses cheveux et malgré la phase terminale de son cancer, elle se donne à la caméra de Lynch avec un immense générosité. À l’instar de l’immense Harry Dean Stanton, qui tient le rôle de l’attachant Carl Rodd, le patron débonnaire du « trailer park ». HDS s’est éteint en septembre dernier, à 91 printemps et TWIN PEAKS fut son dernier rôle. Le retrouver, la guitare à la main, chantant pour la caméra de Lynch est une merveilleuse image de happy end pour notre héros éternel de « Paris-Texas » (voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/so-long-harry-dean-stanton.html).
La meilleure série télévisée jamais tournée par l’homo sapiens
Bien entendu, s’il n’est pas question de vous spoiler cette hallucinante saison 3, je peux vous révéler une chose ou deux …en fait plutôt deux, à l’image de notre ami Dale Cooper, marabouté par le méchant Bob, dont la personnalité se dédouble au point de devenir deux personnages différents : le double maléfique aux cheveux longs hirsutes échappé de sa red room et le gentil Dougie Jones. L’autre personnage central de TWIN PEAKS…est un lieu ! Sur sa façade est inscrit « Bang Bang Bar », mais en ville tout le monde connait the Roundhouse. Et dans chacun des 18 épisode de la série, généralement vers la fin, on se retrouve inexorablement sur la scène du club, avec un artiste différent à chaque fois. Et c’est une programmation si bluffante que, dans la vraie vie, j’adorerai avoir un « Roadhouse » près de chez moi, pour découvrir un artiste puissant chaque soir. Puissants et inconnus, à part Sharon Van Etten que j’ai déjà interviewé, les Au Revoir Simone et bien entendu Julee Cruise, les groupes qui figurent sur la BO de TWIN PEAKS sont d’une qualité incroyable, si novateurs qu’on en reste scotché. Et, à ce titre, l’album mérite largement qu’on se le procure sans tarder. Des aériens Chromatics à la sexy Lissie en passant par la performance de James Hurley ( James Marshall), ces musiciens participent au climat indescriptible de TWIN PEAKS.
Sans déflorer fatalement la série, je peux simplement vous dire que David Lynch s’investit énormément dans son role de boss du FBI adepte du sonotone (au fait est-ce chez Lynch que MC Solaar a pioché son idée de nouveau single ?). Le Deputy Director Gordon Cole qu’il incarne est absolument central dans la quête menée pour retrouver Dale Cooper. D’autre part l’égérie de Lynch, Laura Dern présente dans tant et tant de ses films fait ici une apparition incarnant la mystérieuse Diane, la secrétaire de Cooper destinataire de tant et tant d’enregistrements de la part de l’agent du FBI. Le reste, vous le connaissez déjà, l’hôtel, les cascades, le diner, le bureau du shérif, le damné bon café, la tarte à la cerise et l’ombre tutélaire de Laura Palmer, tout nous parait si familier, que c’est comme un retour à la maison, après tant d’années. Si j’ai eu la patience d’attendre la diff du dernier épisode, avant de commencer à découvrir cette série 03, je pensais naïvement me faire une séance de « binge watching », enchainant les 18 en quelques jours. Mission absolument impossible. Absorber plus d’un épisode par soirée se révèle compliqué. Chacun de ces films est si compact, si surprenant, débordant d’imagination pour nous interpeller encore et encore, et nous propulser, comme une boule de flipper d’un univers parallèle à l’autre. C’est un véritable trip, une sensation aussi intense que merveilleuse, un univers onirique et unique, où l’oxygène est aussi pur qu’en haut des sommets de TWIN PEAKS et c’est peut-être bien ce qui en fait la meilleure série télévisée jamais tournée par l’homo sapiens. Comme mythique LE PRISONNIER, TWIN PEAKS encaissera sans peine le choc de la rediffusion révélant à chaque fois un détail qui nous aurait échappé comme le sfumato de Da Vinci éclaire la Joconde par couches successives.