THE FINE YOUNG CANNIBALS : FINS GOURMETS
How time flies…comme ont dit : voici 30 ans précisément je retrouvais pour BEST les Fine Young Cannibals, un trio déjà notoirement connu des services, comme on dit, puisque je les avais à plusieurs reprises interviewés lorsqu’ils appartenaient à l’une des formations phare de la « British ska Invasion » au crépuscule des années 70 : the Beat (ne pas confondre avec l’Américain Paul Collins Beat). Entretien résolument anthropophage avec les petits gars de Birmingham.
Grosso et modo, j’ai démarré dans la presse rock simultanément à l’arrivée du ska. En 79, l’Hexagone succombe au beat syncopé de « Night Boat To Cairo » et « One Step Beyond » et je rencontre ces allumés de Madness. Dans la foulée, j’ai également interviewé the Selecter, The Specials et les petits derniers vêtus en « two tones », the Beat. Ces deux couleurs noir et blanc symbolisant la mixité de ces formations qui reprenaient le reggae des origines pour lutter contre le racisme. Too Much too soon…the Selecter et sa chanteuse Pauline Black seront les premiers à disparaître en 81, suivis par the Specials et finalement the Beat en 83. Seul Madness survivra à cet épisode, mais au prix de pas mal d’eau dans leur vin et d’une sacrée dose de pop. En 85, je retrouve le guitariste et le bassiste du Beat sous un nouveau pseudo avec un chanteur inconnu, mais beau gosse et doté d’un joli appendice vocal : Roland Gift, Roland cadeau en Français qui fera également une petite carrière au ciné, notamment dans le fameux film de Stephen Frears « Sammy et Rosy get laid (Sammy et Rosie s’envoient en l’air). Gift enregistre un album solo au tournant des années 00, mais sans jamais hélas retrouver la magie des Fine Young Cannibals.
Publié dans le numéro d’octobre 1985 de BEST sous le titre : Fins gourmets
Bonsoir l’after-Beat, lorsque le groupe de Birmingham s’est atomisé, Dave Wakeling et Ranking Roger se sont associés pour constituer General Public. Pendant ce temps-là, le guitariste Andy Cox et le bassiste David Steele se cherchaient un chanteur pour vivre un après-Beat plein d’étincelles. Cox et Steele sont de super musiciens, pas des vocalistes. Rencontré dans un pub, Roland Gift allait offrir sa voix au duo; ça, c’est l’histoire des Fine Young Cannibals. Politiquement aussi militants que leur groupe précédent, Andy et David ont offert leur énergie pour la cause « Touche pas à mon pote» lors du mémorable concert de la Concorde. Aujourd’hui « Johnny Come Home », leur tout premier simple, fait des bulles dans nos charts et c’est le moment où jamais de faire bouillir leur marmite. Sel, poivre, herbes, aromates, j’ai donc assaisonné ces jeunes cannibales.
L’interview
« D’où vient ce nom étrange. Young Cannibals, je comprends, mais pourquoi « Fine » (excellents) , et non pas Five (5) comme l’annoncent déjà à tort certains DJ FM illettrés ?
Andy Cox: Parce que Fine c’est bon, alors que les cannibales ont plutôt mauvaise réputation.
En clair, vous êtes de bons cannibales, mais êtes-vous de bons cannibales gourmets?
A.C.: En ce qui concerne la musique, indubitablement car nous sommes très sélectifs par rapport à ce que nous faisons ou ce que nous écoutons.
David Steele : Nous avons passé trois mois à chercher ce nom. Il est tiré d’un bouquin sur les films de jazz, une anthologie. On s’est arrêté sur ce titre et ça nous a fait rire toute la journée. Un de ces vieux films de jazz était intitulé « Ali the Fine Young Cannibals» et ce nom collait tout à fait à notre humeur du moment, voilà c’est ainsi que nous l’avons adopté.
Et toi, Roland. Que faisais-tu avant d’être un chouette jeune cannibale?
Roland Gill: Durant un certain temps (ai pratiqué le striptease masculin pour un public de mères de famille. Lorsqu’elles enterrent en bandes la vie de célibataire d’une copine, elles s’offrent une folle soirée de strip. Ces femmes constituent un super public, elles savent picoler et se marrer. Je gagnais ainsi un peu de blé, ce qui me permettait de répéter avec divers groupes. Plus tard, je me suis mis à chanter dans les bars de Covent Garden.
J’ai la vague impression que vous n’avez guère envie e parler de votre groupe précédent ? Ça vous ennuie de parler du Beat ?
DS : Ce n’est pas à proprement parler de l’ennui, mais il ne sert à rien de revenir en arrière. Pour nous, aujourd’hui est dix fois plus excitant qu’hier. Prenons les premières ébauches de Rembrandt. Il existe une certaine ressemblance avec ce qu’il a fait par la suite, mais ses débuts étaient loin d’être aussi brillants. Disons que notre groupe précédent n’était qu’une simple expérimentation de nos possibilités réelles. En dehors de deux chansons, c’était inintéressant au possible. Quelques-unes des chansons du début du Beat étaient okay, mais du milieu à la fin du groupe c’était devenu de la « merde» (en français dans l’ITW).
Pourquoi n’êtes-vous pas partis avant ?
D.S. : Nous aurions dû débrancher le groupe il y a bien longtemps; mais nous avions des montagnes de dettes. Je crois aussi que nous manquions de courage.
A.C. : Lorsque tu fais partie d’un groupe, c’est facile d’y rester même si tu n’es pas satisfait à cent pour cent. C’est la même histoire pour tout boulot ou rapport humain. Tu ne comprends tes erreurs qu’une fois la porte claquée.
Même si tu effaces les choses en un clin d’œil, je ne crois pas que les gens puissent oublier aussi facilement.
D.S. : The Beat a perdu son âme après le premier album, c’est la faute du blé et des impôts. L’esprit n’était plus le même qu’aux débuts. Tu ne fais plus la fête avec tes potes et tu te retrouves au turbin. Le fun finit par se laisser étrangler par l’habitude.
A.C. : Le seul moyen d’entrainer correctement ton imagination c’est par une perpétuelle évolution; c’est la seule attitude saine. Honnêtement, je ne crois pas que ce problème soit propre au Beat. Et puis Fine Young Cannibals est un groupe frais, neuf. Si l’on prend Eurythmics, qui s’intéresse à leur groupe précédent, les Tourists ? Fine Young Cannibals, ça devrait être pareil.«
« Johnny Come Home », le maxi est en train de transformer nos indigènes en Rich Young Cannibals. Tant mieux. À l’heure où je frappe ces lignes, Roland Gift, Andy Cox et David Steele sont quelque part en Angleterre, en studio, en train d’achever l’enregistrement de leur premier LP. Le producteur de la chose, Bob Sergeant a l’habitude de ces Cannibales-là et pour cause puisqu’il a réalisé tous les albums du Beat. Comme quoi, on n’oublie pas aussi facilement ses racines. Beat it ,comme le dit si bien Michael !