STRAY CATS

Stray CatsVoici 40 ans dans BEST, BB comptait parmi les tout premiers à parier sur une bande de chats sauvages débarqués à Londres de leur New York City avec ce premier et explosif LP éponyme des Stray Cats, disque du mois pour un trio post-atomique qui n’allait guère tarder à secouer l’Europe puis le monde de son irrésistible et sur-vitaminé cocktail « punkabilly ». Flashback…

Stray CatsJe m’en souviens comme si c’était hier de ce premier mai 1981. J’avais retrouvé Christian Lebrun devant l’Olympia pour être son « plus one » pour assister avec lui au concert des Stray Cats. Franchement ce n’était vraiment pas ma tasse de thé. Je jugeais cette nouvelle percée rockabilly d’un œil plus que critique. Mais Lebrun avait insisté et je lui faisais une confiance aveugle… enfin, même sourde, un comble pour un rock-critic. Bien entendu, je n’ai pas regretté d’être venu assister à ce show juste décoiffant. Brian Setzer, Slim Jim et Lee Rocker déploient la plus incroyable des énergies sur des titres qui filent à mach 2. Quant à l’album, quatre décennies après sa publication, on peut dire qu’il n’a pas pris une ride… comme le prophétisait l’ami Bruno Blum…

 

Publié dans le numéro 153 de BEST sous le titre :

 

CRÈME DE BANANE

Stray cats by Jean-Yves Legras

Stray Cats by Jean-Yves Legras

 

Par Bruno BLUM

Hey Cats ! Vous avez vu la nouvelle ? Le rock’n’ roll que tous ceux qui n’ont jamais compris pourquoi ils n’aimaient pas ça, s’efforçaient de déclarer enterré revient de plus belle! Le trente trois tours des Stray Cats tombe du ciel et crée des inondations dans la rue ! Les ska des boulevards se laissent pousser une banane et le bouquin « L’âge d’or du rock’n’roll » de  Jacques Barsamian frise la rupture de stock ! La télévision s’empare du phénomène ! Les Anglais brûlent le dernier Public Image en place publique et dansent le bop en sautant au-dessus du feu! « Runaway Boys » est dans tous les juke-boxes dignes de ce nom et les lecteurs d’Actuel soupirent devant la note du tailleur inhérente a leur changement de look !…

Le gars de New Rose ( sans doute Patrick Mathé: NDREC… voir sur Gonzomusic   ) me prend à part, bougonne un truc et rallume sa pipe. Il me regarde et fronce  les sourcils en me confiant, gêné: « Hmm. Tu as vu les Stray Cats ? On en a importé cent samedi. À cinq heures, il n’en restait plus un. Non, mais moi, ça me gonfle, tout ce battage, ouaip. Y vont nous faire un plan ska, moi je te le dis. Et on va se retrouver avec cinquante exemplaires du deuxième album a trente balles en solde, ouaip. Et les mecs y s’ront là à acheter le nouveau machintruc la banane fraichement rasée avec des plumes dans le cul, dans un an, je te le dis ».

Stray CatsHola, comme vous y allez, mon petit. Vous avez déjà vu un bon groupe de rock se faire enterrer par autre chose qu’un autre groupe de rock meilleur qu’eux ? Pas moi. Alors voilà ce qu’on va faire : on va attaquer le groupe et je vais y répondre à la ligne d’en dessous, hop, comme ça on n’évite pas les problèmes, on dit tout et on n’oublie rien.

D’abord, qui a envie de voir un groupe reprendre cinq titres sur un album qui en contient douze ?

Réponse : moi. Ça me fait bien plaisir parce qu’ils le font bien.

Pourquoi ?

Pourquoi ? C’était quand, la dernière fois que vous avez entendu la version originale de « Jeanie, Jeanie, Jeanie » d’Eddie Cochran? À l’enterrement de votre beau-frère teddy boy de Jouy-en-Josas ?

Qui, à part les fans de Big Beat records, connaissait le « Ubangi Stomp » que Slim Jim et Lee Rocker bombardent ici?

Question: qui a besoin aujourd’hui de voir les teddy boys, ces méchants loubards, revenir en force ?

Réponse : Vous croyez que les teddy boys ont été inventes à Montrouge? Ceux-ci nous viennent de New-York City et si vous lisiez le journal, vous auriez lu, de la plume d’Eudeline, le grand encyclopédiste du rockabilly et dérivés, que les Stray Cats n’ont du teddy boy que la banane surdéveloppée et une certaine agilité à danser en cadence.

Question: Pourquoi voulez-vous d’un revival rock’n’roll en 1981 ?

Réponse: Ce n’est pas un revival, je vous dis. Ces mecs-là jouent du rhythm’ n’blues, du rock’n’roll, du punk-rock et il ne faut pas avoir une banane en acier trempé pour avoir le droit d’acheter un ticket de concert.

Dernière question: « Faut-il vraiment croire le gars de la boutique de disques, quand il dit que dans un an, les Stray Cats seront soldés dans tout Paris ? Parce que moi, si c’est vrai, je ne vais pas aller dépenser quatre cent sacs à Okinawa pour pouvoir entrer au Privilège.Stray Cats

Dernière réponse : Écoutez le disque pour vous-même. Il est tellement beau que vous n’y croirez pas quand je vous l’expliquerai. Les tatouages de ces mecs sont vrais, je les ai vus, et un chat greffé sur un avant-bras ne s’écorche pas comme on enlève un pull-over à carreaux noirs et blancs. Ce disque, c’est le premier Stones, le premier Clash ou le dernier Eddie Cochran. C’est du vécu. C’est du rock, rien de plus, mais rien de moins. Les Stray Cats savent écrire et on a de la chance qu’ils nous abreuvent de huit originaux, surtout si la moitié est pompée sur Ray Charles ou les Supremes. Foncez écouter le « Stray Cat Strut » de la face deux : une panthère rose, plus vraie que nature avec la guitare de Brian Setzer en prime. Vous vous rappelez le temps où il fallait s’appeler John Mc Laughlin pour faire un solo de guitare ? Brian Setzer joue comme un dieu, Il a un putain de style, il tire un son jamais vu, jamais entendu de la plus vieille guitare du monde et du plus vieil ampli de la terre: une vieille Gretsch semi-acoustique et un Vox trente-cinq watts. Il faut se rendre compte. Si ces gars-là ne sont pas morts l’année prochaine, comme le voudrait la légende, ils vont se mettre à jouer le blues, le vrai, celui de John Lee Hooker, et Brian va se mettre a chanter des trucs qui feront regretter d’être nés à ceux qui ont commis la bêtise d’imaginer que sa version de « Jeanie, Jeanie, Jeanie » est inférieure ou peut-être mieux que celle de Cochran. IIs ne font que commencer. Vous avez prêté attention aux lyrics de « Storm The Embassy » ? Sur le pont, Brian crie « We Want The Facts, Man », et il enchaine sur « Storm The Iranian Embassy, Before They Start Shootin’ At You And Me ». Je vous laisse découvrir le reste : du vécu, je vous dis. Ces trois garçons ont plus à offrir que la bouille délicieuse de Slim Jim, ils vous donnent l’ Amérique comme elle devrait toujours être, celle des barrières piétinées et non celle des groupes comme Experience de Jimi Hendrix qui dût, comme eux, s’exiler a Londres pour être entendus. Ils vous donnent des images de bas résille, des visions d’Américains sur les bagarres de plages de Brighton entre teds et mods, ils osent même mettre ça en dérision, si, si, il faut bien, puisque les mods du ska, c’était Angleterre quand ils sont arrivés, et les teds, on leur dit que c’est eux. Ils vous donnent les solos de guitare, le fun et New-York comme on n’ose pas le rêver. Vous pensez bien qu’après ça je me fous bien de savoir si l’album va vendre un ou deux millions d’exemplaires au rythme où c’est parti. Bien sûr qu’il est bien. Bien sûr qu’on aurait pas dû virer Dave Edmunds au milieu de l’enregistrement, bien sûr le son de guitare est pourri sur tel et tel track. Bien sûr. Mais moi je l’aime comme ça, pour moi tout seul, eh si, et je souhaite que vous tachiez d’en faire autant. Pourvu que les cuistres ne crachent pas dans la soupe en achetant des bananes en plastique. Si vous saviez ce que c’est démodé, les bananes.

Publié dans le numéro 153 de BEST daté d’avril 1981BEST 153

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