STRAIGHT OUTTA COMPTON
27 ans après le tout premier album de NWA, ce film au titre homonyme retrace l’épopée du super-groupe qui a inventé ce beat West Coast que d’aucuns ont surnommé le « gansta rap ». Straight Outta Compton-le-film est un choc sismique d’une rare amplitude qui pulvérise l’échelle de Richter émotionnelle. Après son carton aux box-offices US et anglais, le film de F Gary Gray devrait, selon toutes probabilités, remporter un vif succès dans l’Hexagone.
En débarquant le 13 aout à LA, la veille de la sortie de Straight Outta Compton, je n’étais guère surpris de découvrir son affiche sur de très nombreux billboards de la cité des anges. Normal, me suis-je dit, Compton n’est qu’à une poignée de miles de West Hollywood, c’est un phénomène local. Tu parles…une semaine plus tard, la biographie agitée des cinq jeunes gens qui ont changé le visage du rap US écrasait tous ses concurrents non seulement à LA mais à travers tout le territoire des États-Unis. Puis sur tout le Royaume-Uni. On peut donc parier que Straight Outta Compton devrait également s’imposer dans l’Hexagone. Et ce ne serait que justice. D’abord, le film est porté par les hits dorés de ces 5 potes du ghetto qui vont édifier un empire musical inédit depuis le Motown de Berry Gordy. Des hits emblématiques tels que « Fuck Da Police » « Gansta Gansta » « A Bitch Iz a Bitch « Express Yourself » et ensuite « California Love », « Gin and Juice » ou « Forgot About Dre » sont autant de monuments à porter au crédit des membres de NWA. Car la force de ce groupe résidait dans la personnalité exceptionnelle de chacun de ses membres. Et c’est ce que le film parvient à démontrer. Tout d’abord, il y a Andre Young qui n’est ni encore Dre ni encore moins Docteur. Au début du film, on le découvre chez un dealer qui n’est autre que Eric Wright, pas encore aliassé Eazy-E. A Compton, la violence est omniprésente. La drogue et les armes y font des ravages. Nos cinq potes voient leurs proches tomber comme des mouches, écrasés entre l’enclume rouge des Bloods et le marteau bleu des Creeps. Les deux gangs se livrent alors une guerre sans merci.
Fuck Da Police
Mais si sur la côte Est un groupe comme Public Enemy a su inventer une musique-vérité qui retrace toute la violence des ghettos new-yorkais, sur la coté Ouest nul ne se préoccupe encore de composer la chanson de geste qui colle à la dure réalité de la rue. C’est sans doute là que réside le trait de génie de Eric « Eazy E » Wright, qui va investir le blé de ses deals dans un nouveau label Ruthless monté avec un ambitieux ex-manager de REO Speedwagon, Jerry Heller. Après un premier simple qui retient toute l’attention des DJ de radio « Boyz-n-the-Hood », les NWA lâchent leur bombe atomique « Fuck Da Police ». Or justement, au cours d’un concert à Detroit le groupe se retrouve lui-même victime des violences policières qu’ils dénoncent justement. Si le succès est au rendez-vous, très vite O’Shea Jackson, alias Ice Cube suspecte un coup fourré du côté des royalties qui profitent très majoritairement aux deux associés de Ruthless, E et Heller. Dans le film, le rôle est tenu par O’Shea Jackson Junior, le propre fils d’Ice Cube qui se glisse magistralement dans la peau de son père. Cube claque très vite la porte et publie son puissant album solo, « Amerikkka’s Most Wanted » . Il sera bientôt suivi par Dre, la force motrice derrière la prod époustouflante du son NWA. Mais en quittant un diable, Dre ignore encore qu’il va pactiser avec un diable d’une toute autre ampleur : Suge Knight, un ex-garde du corps reconverti dans le rap-biz…musclé on va dire. Dre et Knight fondent Death Row, LE label qui saura révéler l’immense talent de Dre mais aussi celui de Snoop (Doggy) Dogg, Nate Dogg et bien sûr Tupac Shakur. Mais hélas, l’Histoire se répète pour Dre qui découvre un beau jour que Knight n’est qu’un gibier de potence, une sale petite frappe qui n’hésite jamais à user de violence pour parvenir à ses fins. S’il parvient à quitter Death Row, c’est une main devant et une main derrière, mais tel le phénix, Dre boosté par la puissance de son talent renait encore et toujours de ses cendres avec son propre label Aftermath qui remporte le succès que l’on connaît- avant le jackpot des casques « Beats by Dre » et de son deal à 3 milliards avec Apple-. Quelques années plus tard, Cube et E se retrouvent à New York, mais il est déjà trop tard, Eazy-E a contracté le sida. Il décède juste un an après, le 26 mars 1995. NWA ne se reformera jamais. Mais sa légende est immortelle, telle est la leçon du film réalisé par F Gary Gray qui projette ces 5 garçons dans le vent sortis tout droit de Compton jusqu’au Panthéon de la blackitude. Les deux heures et vingt-six minutes du film passent à la vitesse de l’éclair, les images et la performance des acteurs semblent très largement Oscarisables. Je ne serais d’ailleurs guère surpris de voir Straight Outta Compton rafler en février prochain quelques précieuses statuettes dorées largement méritées.