STEPHAN EICHER « Ode »
Cela fait très exactement 39 ans que Stephan m’est cher et cela n’est décidément pas près de changer avec cette « Ode » lumineuse riche de ses 13 compositions, incluant trois des titres du EP « Autour de ton cou » publié en mars dernier. Pour son 17ème album-studio, Eicher continue à tutoyer les plus hauts sommets, traçant son chemin parmi les géants telle une précieuse version francophone d’un Dylan ou d’un Springsteen européen.
Quatre trop longues années après son lancinant « Homeless Songs » ( Voir sur Gonzomusic STEPHAN EICHER « Homeless Songs » ) Stephan Eicher ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Stephan+Eicher ) nous revient enfin. Et tout commence par « Sans contact »- qui figurait déjà sur le EP « Autour de ton cou » -, une chanson piano- voix toute simple, dépouillée avant de s’envoler à tire d’ailes de violons harmonieux, sans doute inspirée du confinement dû au COVID, où il chante : « Sans contact enfermés dans nos sacs/ À moitié fous nous manquions de tout/ Tombés du nid nous n’avions rien appris… »… et le feeling est à la chair de poule pour cette compositions aux réminiscences de « Pas d’ami comme toi ». Normal, tous les textes – à l’exception de « Lieblingsläbe » – ne sont-ils pas signés par son fidèle complice Goncourisé Philippe Djian ? Dans la foulée, c’est toute la légèreté de « Le plus léger du monde » qui nous embarque, portée par son piano/voix étincelant. On notera avec gourmandise la référence « des fleurs, des chocolats » … ce qui coule forcément de source pour un Suisse 😎. Place au hit léger et insouciant avec la love-song mid-tempo subjuguante « Ne me dites pas non », portée par sa trompette et toute l’émotion d’un Eicher capable de réussir le tour de force de nous arracher à l’attraction terrestre. Sans doute un des morceaux de bravoure de ce nouvel album. Puis c’est l’entêtante et mélancolique « Autour de ton cou », portée par sa guitare acoustique, son violon et sa voix passion s’envole comme portée par un vent hivernal, beauté simple et fascinante. La chanson est hantée par la pression du monde d’aujourd’hui. Avec « Lieblingsläbe », dont le texte est signé par le grand écrivain suisse alémanique martin Suter on succombe aux somptueux arrangements de cordes pour une pure balade spleeniènne.
Surprenant et aux frontières de Neil Young par ses guitares « Doux dos » vibre de sa belle et lumineuse intensité et constitue l’un des incontestables morceaux de bravoure de cet Eicher nouveau. Exotique rencontre avec la chanteuse japonaise Yuuko Sings sur la très belle « Où sont les clés » ; et après le français, l’anglais, l’allemand, le romanche, l’italien, avec le japonais c’est une nouvelle langue où s’aventure notre Stefan décidément polyglotte exercé. Retour à la case « guitare acoustique » avec l’émotionnelle et romantique « À nos cœurs solitaires » qui fait forcément battre la chamade à nos palpitants dans le plus pur style Eicher. On songe à « Ni remords, ni regrets » ou à « La fin du monde » et l’on tombe forcément sous le charme. Avec « Je te mentirais disant », après un piano intro c’est une composition mélancolique, une complainte fulgurante portée par un violon, comme une version slow motion dépouillée de « Pas d’ami comme toi », une love story aussi belle que déchirante. La voix un peu plus haute qu’à l’accoutumée, une posture vocale qui sied à Eicher, « Rêverie » porte admirablement son titre pour une somptueuse composition évanescente qui virevolte lentement comme des flocons de neige portés par le vent d’hiver. Avec la complicité de l’étrange et virtuose accordéoniste Mario Batkovic « Orage » éclate de manière singulièrement climatique, mais heureusement pointe cette superbe « Éclaircie » qui achève ce bel album sur les envolées puissantes de la poésie de Djian « Oublie les pages/ Noircies de tes soupirs/Ouvrons la cage/ Et envolons nous … ». « Ode » à la liberté, « Ode » à l’amour, « Ode » à cette culture rock qui abreuve depuis toujours son sillon, « Ode » à tous ceux qui l’aiment et qui le suivent depuis tant d’années, « Ode » à l’espoir, « Ode » à ces aficionados que nous sommes, « Ode » simplement magnifique pour célébrer dignement la renaissance du label Barclay historique.