SERGEÏ PAPAIL « Native »

SERGEI  PAPAILJe l’ai bien connu jadis, lorsqu’il vocalisait avec Frakture, tel un chainon manquant entre Marquis de Sade et Marc Seberg, deux groupes mythiques auxquels il a effectivement appartenu. Sergeï Papail est sans doute un des secrets les mieux gardés de la scène musicale de Rennes. Musicalement on songe aussi à Marquis, mais aussi aux Nus en passant par Ubik. Plus de quatre décennies après notre toute première rencontre, voici enfin ce « Native » au rock cinglant d’une totale intégrité, un pur objet artistique sans la moindre concession.

SERGEI  PAPAILNous étions au printemps 1981 et je rencontrai Sergeï Papail pour la première fois, dans l’appart occupé alors par Philippe Pascal (Voir sur Gonzomusic RENNES CAPITALE DU ROCK FRANÇAIS Épisode 2 ) . J’écrivais alors à son sujet dans le numéro 152 de BEST : « Il compose et écrit en allemand, parce qu’il est fasciné par l’esthétisme clean d’outre-Rhin. « Je veux écrire un scénario pour chaque chanson, c’est la seule manière de dépeindre vraiment un climat » disait-il. Véronique, une chanteuse, lui donne une froide réplique sur « Mademoiselle Erika ». Deux voix, un sax, un son d’une propreté anticalcaire et beaucoup de réverbe, Sergei joue à fond sur les contrastes », écrivais-je alors. On ne pourra pas dire que l’artiste aura brûlé les étapes, puisque 43 années se sont écoulées avant la publication de ce « Native ». On peut certes parler de « l’album de la maturité », mais ce n’est pas rendre justice au parcours accompli. Car dès le premier titre, l’intemporel « Surrender » est un puissant écho, sombre et mélancolique, comme un trait d’union avec ses précédentes aventures soniques de MDS  ou MS… sans oublier aussi une once de Manset. Puis on découvre « Out Of Kontrol », en anglais climatique et puissant, entre Blue Nile et le pouvoir incantatoire des Psychedelic Furs, pour un titre particulièrement intense. Avec « Derrière la Lune », on plonge dans un climat très MDS des origines avec ses influences sombres et lyriques de Joy Division, et l’on tombe immédiatement sous le charme.

SERGEI  PAPAILMais c’est bien « Jusqu’à la fin des temps », superbe balade nihiliste, sans doute la perle de cet album qui nous fait le plus craquer. Émotionnel et sensible habité par cette passion rock qui l’anime depuis plus de quatre décennies… alors oui, le temps ne compte pas parfois à qui sait attendre. C’est comme un « Jodie » des Innocents qui découvrirait enfin sa face cachée. Après « So Close », tumultueuse balade acoustique un peu entre Cure et Gerard Manset on se laisse emporter par « The Fairest Of the Season » ; on dirait un peu « My Way » de Sinatra pulsé par les violons pour un sentiment d’écorché vif en parfait duo rock avec sa fille Irina pour une reprise de Nico. Puis avec « Siberia » on mesure toute la fascination de Serguei pour la culture russe, au point de s’inventer son personnage…  et c’est sans doute la plus aboutie de ce projet, une composition aérienne et puissante. Un peu Talking Heads et un peu Murat…  en tout cas, elle se révèle juste irrésistible et constitue un des hits de l’album. Si « Native », la chanson-titre est pulsée et incantatoire, avec « Prison Of My Soul », on retrouve un peu le « Dancing With Myself » de Bily Idol, en version cool et grandiloquente, portée par une sombre et pure énergie intense. Après un slow introspectif, « Love Me Too », l’album s’achève sur un « Until the End » qui rappelle étrangement le sombre lyrisme de Marquis de Sade. Avec ce « Native », magistralement produit par le mythique lider maximo d’Ubik, Philippe Maujard, Sergeï Papail peut désormais s’inscrire dans la galerie de portraits des héros vivants ou disparus du rock rennais, aux cotés des Philippe Pascal, Frank Darcel, Dominic Sonic, Frédéric Renaud,  Pierre Corneau, Christian Dargelos, Philippe Maujard… et quelques autres.

All pix by the fantastic& famous Richard Dumas

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