RUFUS WAINWRIGHT « Unfollow the Rules »
Une voix qui monte haut dans les aiguës, des influences qui vont de Cole Porter à Brian Wilson, les nouvelles chansons du compositeur canadien Rufus Wainwright, fils du légendaire folk singer Loudon Wainwright III, sont de véritables bijoux. 10éme album en 20 ans d’exercice impeccable du rock, le bien nommé « Unfollow the Rules » prouve qu’il sait toujours absolument s’échapper de tous les sentiers battus.
Par Jean-Christophe MARY
Après avoir composé un premier opéra en français « Prima Donna » (2015) puis mis en musique un ensemble de sonnets de William Shakespeare « Take All My Loves (2016) , « Unfollow the Rules » marque un grand retour à la pop pour le songwriter canadien. Un retour aux sources d’autant plus marquant puisque que ce dixième album studio a été composé au Sound City Studios de Los Angeles, là même où Rufus Wainwright avait enregistré son tout premier album éponyme en 1998. Durant près d’une heure, on laisse dérouler 12 titres luxuriants, au lyrisme théâtral, enregistrés sous la houlette du légendaire producteur Mitchell Froom ( Suzanne Vega, Paul McCartney, Elvis Costello, Crowded House) ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/new-york-city-diva-vega-star.html ). L’album s’ouvre sur « Trouble in Paradise » avec cette pulse tel un battement cœur orchestré par le batteur Matt Chamberlain (Bob Dylan, Leonard Cohen Bruce Springsteen).
Dès les premières mesures, la voix de Rufus Wainwright nous fait chavirer par ces harmonies vocales denses et pointues. Ce « Trouble in Paradise » aurait été inspiré par Anna Wintour, l’icône de la mode des 80’s et 90’s. Ici, l’instrumentation tout en expansion est magique grâce à l’apport de Blake Mills (guitare), Randy Kerber (piano) et de Rob Moose (cordes). Avec ces envolées de cors, bois, claviers et pedal steel guitar, ce premier titre donne le ton général de l’album. Difficile par ailleurs de classer cet opus qui navigue hors des modes et des courants musicaux actuels, entre pop symphonique et la musique baroque orchestral . Les titres abordent des thèmes comme le besoin de ne pas suivre les règles établies, l’envie de romantisme, la recherche de la paix intérieure ou encore les joies de la paternité. Comment rester indifférent à l’écoute de ce « Damsel In Distress » complainte chevaleresque en hommage à Joni Mitchell. Rufus Wainwright est un chanteur exceptionnel, un vocaliste hors pair qui peut faire à peu près tout ce qu’il veut avec sa voix. Gorgée d’émotion, capable de s’élever en apesanteur dans les notes les plus aiguës, comme de se lâcher rageuse, dans de violentes douleurs exacerbées, sa voix angélique met l’auditeur à genoux sur un prie dieu. A ce titre, le magistal « Peaceful Afternoon » en est la parfaite illustration . Comment rester insensible face à cette ballade au piano « Unfollow The Rules », comment ne pas fondre d’émotion sur « Romantical Man » ou encore vaciller sur l’inquiétant « Early Morning Madness », une œuvre qui figure désormais parmi les plus émouvantes de son répertoire. Le très britpop « Devils And Angels (Hatred) » est digne des compostions sophistiquées de Matthew Bellamy (Muse). Le seul titre qui sort un peu du lot est « You Ain’t Big », sorte de titre chaloupé entre country et blues cool. Le morceau de clôture, le mélancolique « Alone Time » est aussi prenant aussi élégant qu’un titre de Jeff Buckley. Le plaisir auditif que procure ce petit génie du song-writting est absolument divin. Un véritable travail d’esthète que l’on avait depuis longtemps très envie découvrir sur scène. L’occasion qui se présentera le 06 novembre prochain au Grand Rex est bien trop belle pour la laisser filer. On croise les doigts.