RENCONTRE AVEC MICHEL POLNABULLES

PolnareffVoici 41 dans BEST, GBD, accompagné du fidèle Jean-Yves Legras, tendait son micro à Michel Polnareff dans la foulée de la publication de ce qui constituait alors son nouvel album intitulé « Bulles ». Porté par son mini-hit « Radio » comme par son collègue « Tam Tam », le célèbre chanteur à lunettes était alors de passage à Paris, s’échappant exceptionnellement de son exil doré Californien, pour défendre ce 7ème LP face aux médias hexagonaux. Flashback…

Polnareff by Jean-Yves Legras

Polnareff by Jean-Yves Legras

Bien entendu il y avait nos origines familiales juives communes du côté d’Odessa, à l’instar de Serge Gainsbourg, mais ce qui me liait avant tout à Michel Polnareff, c’était ses radieuses et hallucinantes compositions qui sonnaient comme un arc en ciel dans le paysage musical hexagonal terriblement monochrome des années 60. Captivé par ses amoureuses et provoc compositions « L’amour avec toi », « Please Please Love Me » et autres « Je suis un homme », Polna occupait c’est vrai une place privilégiée dans mon cœur d’ado, aux côtés des Dutronc, Ferrer ou Gainsbourg. Hélas, dépouillé par son manager indélicat qui n’a jamais payé ses impôts, la star se retrouve forcée à l’exil fiscal et choisie de se déraciner à LA. Pourtant signé sur le prestigieux label Atlantic et malgré la qualité intrinsèque de son 33 tours « Lipstick » publié en 76, Michel Polnareff ne parvient pas à percer le plafond de verre de l’immense marché US. Sans doute son accent frenchie n’y est guère étranger. Face à ce qu’il considère lui-même comme un échec, c’est ainsi qu’il exprime toute sa nostalgie de l’Hexagone, en composant sa « Lettre à France » qui cartonne un an plus tard. Suit le très décevant « Coucou le revoilou ». Mais cet hiver 1981, le vent du succès semble avoir tourné pour notre Michel avec ce « Bulles »). C’est ainsi qu’avec le fidèle Jean-Yves Legras je me retrouve à faire le pied de grue dans un bureau parisien en attendant que ma consœur du défunt Matin de Paris achève de minauder, les yeux en billes de loto face à son idole… pour assurer ma mission pour BEST magazine.

 

Publié dans le numéro 161 de BEST sous le titre :Polnareff

 

POLNAREVIENT

 

Polnarêves,  Polnaoui,  Polnanon, Polnarévolution… tu nous en a toujours fait voir de toutes les couleurs. Derrière  tes  lunettes  noires  et  sous ta  chevelure  de  mouton  blond  se cachaient  l’amour,  la  tendresse,  la passion,  la  folie,  la  déprime  et  que sais-je  encore.  15  ans  avant  Myriam « La semaine prochaine j’enlève  le  bas»,  tu  nous  montrais  tes esses  rondes  en  guise  de  provoc. Ta  fuite  hors  de  l’hexagone  avait tout  le  piment  d’un  roman  de  Dumas : même tes ennuis parvenaient à  nous  faire  rêver.  Lorsque  tu  es parti  pour  l’Amérique  dans  ton  exil fiscal doré, ça nous a laissé un goût amer sur la langue… 1981,  Michel  Polnareff  rides again avec « Bulles », un album sirop d’érable  pour  pancakes,  qui  cooole  au sommet  des  hit  parades.  De  passage à Paris pour deux mois, notre numéro un s’adonne aux médias de tous  poils.  Cet  après-midi  d’automne,  j’attends qu’il finisse de charmer ma consoeur du Matin de Paris. Physiquement,  Michel  n’a  pas  l’air  d’avoir changé  :  les  mêmes  cheveux  et les mêmes lunettes. Il porte un survêtement blanc à l’écusson Coq de France et une paire de tennis Nike grises,  en  tous  points  semblables aux miennes. Coïncidences.

« Tu fais du sport ?

Ben oui. En principe, je me fais 8 km par jour de jogging.

Pourquoi avoir choisi d’enregistrer  à  Londres  lorsqu’on  a le privilège d’être résident de l’Etat de Californie ?

C’est plus  facile  pour  moi parce qu’il y pleut tout le temps. Ça évite les tentations. Je n’aime pas être bouclé à l’intérieur lorsqu’il fait beau dehors J’ai passé quatre mois au Snake Ranch studio, à raison de 16 h par jour. Comme je composais aussi  au  studio,  j’avais  même  fini par apporter mon sac de couchage. Nous avons enregistré sur un deux fois 24 pistes car je savais que j’allais  faire  beaucoup  de  voix,  des chœurs et plein de trucs comme ça.Polnareff

On a l’impression de contempler un grand trou noir dans ta carrière depuis le départ aux USA. même si, dans l’intervalle, il y a eu « Lipstick • et « Coucou, me revoilou ».

De toute façon, moi, je déteste « Coucou… », c’est un disque que j’ai fait parce que j’avais un contrat à honorer  avec  «double  vé  heu huaaahhhh » ( WEA). À l’époque, je n’étais pas  vraiment  heureux,  j’avais  des tas de problèmes, je me présentais en correctionnelle, je ne savais  même plus communiquer en français avec les Français Tu parles d’un trou noir, moi, j’appelle ça une époque noire. »

On  continue  à  discuter  dans  ce bureau de la rue François 1″ où le téléphone  n’arrête pas de sonner. C’est moi qui avais chroniqué « Bulles » dans le Best de juillet et j’avais écrit que je trouvais les textes de l’album nuls. Ils étaient signés J.-P Dréau. Depuis, ce monsieur raconte qu’il veut me refaire le portrait. Polna, heureusement pour a tronche, est d’un avis différent:

« c’est vrai que lorsque  nous  avons  lu  le papier, Dréau était fou furieux. Moi, je suis pour la liberté d’expression : un mec qui trouve les choses dégueulasses et qui l’exprime, il n’y a pas de raison qu’il se retrouve avec un œil au beurre noir. J.-P. Dréau a collaboré à ces textes, mais je suis responsable des idées, de la direction et de beaucoup de phrases-clés. Elles sont différentes dans la mesure  où  celles  d’avant  étaient toujours autobiographiques.

Moi, ce que j’adorais dans les anciennes,  c’est  qu’elles  savaient nous séduire mais aussi déranger !

Tu sais, je n’ai jamais cherché à déranger systématiquement. Quand j’étais pour ou contre quel­que chose, c’était pour de vrai. Je ne suis  pas  systématiquement  contre ce qui est pour et pour ce qui est contre. Okay, je prenais position… mais il ne faut pas oublier que Michel Polnareff est parti depuis huit ans. Je ne peux pas prendre position par rapport à un pays où, à la limite, je suis obligé de ré-apprendre la langue et le langage. « Bulles » est un simple album de musique pop, rien de plus ».Polnareff

Michel  parie  de  lui  à  la  troisième personne  parce  qu’il  pratique  une sorte de dualité avec lui-même : il y a celui qui crée et celui qui le regarde créer; non, Michel ne se prend pas pour Jules César. Il refuse de remonter sur scène car il ne veut pas  utiliser ses anciennes compositions : si la Californie nous l’a quelque peu ramolli, elle n’a pas érodé sa grande honnêteté. Aujourd’hui,  Michel  est  moins  parano qu’avant. Il ne refuse plus de revenir  en  France,  même  pour  y vivre, mais il ne supporte plus Paris. En  fait,  il  estime  surtout  qu’il  est plus  important  de  réussir  Michel que  Michel  Polnareff  et  il  n’a pas vraiment  tort.  Pourtant,  ses  bulles nous  éclatent  entre  les  doigts  en nous  faisant  regretter  les  hits  du passé. Qui sait, peut-être le Polna provocateur  nous  reviendra-t-il  un jour, pour tout faire sauter?

 

Publié dans le numéro 161 de BEST daté de décembre 1981

 

https://www.youtube.com/watch?v=Wx0S-7NWDto

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