RAMON PIPIN « Chants électriques »

Ramon PipinC’est seulement son 7ème album solo, en plus de 50 années d’une inoxydable carrière, mais il faut avouer que ces « Chants électriques » n’auront jamais sonné aussi résolument rock, portés par des guitares aussi couillues que poilantes, et surtout particulièrement omniprésentes. Cette fois, pour l’occasion, Ramon Pipin a choisi d’endosser le Perfecto de cuir pour incarner ce qui constitue sans doute le disque le plus métallo de sa discographie, un disque qui lui mériterait largement sa programmation au prochain Hellfest ! Chiche !

Ramon PipinAmateur éclairé du rock, sous toutes ses coutures, Ramon Pipin ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Ramon+Pipin )  a néanmoins toujours assumé sa vision rock fort des guitares musclées et il le prouve à nouveau avec ces « Chants électriques », au titre assumé comme les deux doigts dans une prise de courant. D’ailleurs, sur la jaquette, Pipin se fait justement électriser sur sa chaise, comme un pensionnaire d’un couloir de la mort aux USA, reprenant d’ailleurs un peu le graphisme du logo du fameux label rap de Dr Dre, 2pac et Snoop, Death Row records.  Mais, en l’occurrence, il ne s’agit pas tout à fait de rap, mais au contraire de rock particulièrement énervé, voire enragé, où au fil de 13 compositions originales, notre guitariste laisse libre cours à son implacable fièvre électrique. C’est donc naturellement à fond la caisse que tout démarre avec « Daisy Belle », pour un festival de guitares massives, assénées tel un bûcheron, façon BO de John Carpenter, puis petit clavier bien énervant pour cette Daisy Belle « qui chantait vraiment très fort… une vraie sirène de paquebot avant de rentrer au port » sur un beat quelque peu grandiloquent à la Queen, en mode « We Are the Champions », sur un texte aussi drôle que forcément décalé. Rétro cool nostalgique, sur le temps qui passe et les trucs has been qu’on collectionne au point d’en devenir un soi-même, « Obsolete » est avant tout une grande leçon de vie. Mais on se laisse porter par son super solo de guitare, entre le J Geils Band et Cheap Trick, pour une ode à l’omelette norvégienne, aux allume-cigares, aux Ami 6 et aux Instamatic Kodak… à tout ce qui disparait. C’est un theme certes quelque peu anxiogène quand on songe à la disparition des dinosaures, mais c’est tout Pipin qui se retrouve ainsi résumé dans ce simple paradoxe. Sans doute l’un des textes les plus glaçants, « Dansons le Novitchok » est une ode au poison favori de Poutine pourse débarrasser de ses opposants, illustrant bravement son inspiration hautement stratégique et donc résolument engagée. Car il faut noter que nous ne sommes pas du tout sur un registre « Dansons la carmagnole », au contraire c’est du lourd et du grave, comme un bâtiment du Soviet Suprême. Dansons le Novitchok « ça demande du temps avant que tu ne suffoques », les paroles y sont aussi cyniques et soviétiques que musicalement le titre est bien destroy à la Laibach/ Rammstein. Décidément, les sombres thèmes se succèdent ici, à l’instar de « Dans la ville où que je vis » où, sur une séquence électro presque guillerette, un peu Kraftwerk/ Devo/ DM, avec une thématique que défendait déjà Nino Ferrer dans la « La maison près de la fontaine », sur la disparition progressive d’une ville ou tous les services publics, médicaux, sociaux disparaissent les uns après les autres… là aussi on retrouve un super festival de guitares sacrément vindicatives pour porter toute cette rage. Retour par la case dérision avec « Je suis très content »… mais on le croit ou pas. Guitares à l’attaque, notre héros tente de s’en convaincre lui-même, sur un bon vieux clavier retro années 80 presque sorti de « Flashdance », dans l’écho d’un rock aux confins du « Eye of the Tiger » de Survivor jusqu’à la chute… au sens propre du terme : « je suis content comme un cul de jatte en fauteuil roulant »… il fallait oser… il a donc osé, sacré Pipin !

Ramon PipinOn ne peut pas faire plus explicite et pourtant « Je joue de la guitare » et sa guitare à la Keith Richards s’impose déjà comme LE hit du CD, entêtante, vibrante et si joyeusement décalée, un hymne au guitar-hero qui sommeille en chacun de vous, des virtuoses de la Air-guitar, aux aficionados de rock en réunion en version stade, avant un petit solo à la Harrison puis un come-back assumé aux Stones… pour tous ceux qui vivent, mangent, dorment, vibrent …guitare du soir au matin et du matin au soir. « Dans le tiroir du bas » marque un retour à la case nostalgie avec ce titre au piano et violons mélancolique pour un hymne à l’amour aussi cocasse que militant trotskiste enflammé, avant « La peur » encore carrément anxiogène où Pipin vocalise : « la peur c’est quand t’attends des résultats de ton scanner ou quand tu vis à Kaboul et qu’t’es rapper » et on peut le croire sur parole. Encore un morceau de bravoure avec « Ce que je pense », dingue comme un « Putain putain » de TC Matik, sur un beat résolument Devo « Whip It » et aussi « Pocket Calculator » de Kraftwerk, une chanson à la fois grandiloquente et grandiose donc on va dire « grandioseloquente », qui vous vrille le cerveau comme une visseuse sur batterie, pour y injecter son concentré de rage à l’état brut. Si Serge Gainsbourg avait « L’anamour », Pipin nous fait partager son « L’andamour » mélancolique sur de mornes claviers répétitifs carrément obsédants et c’est un tout autre trip dont il s’agit, une lente descente aux enfers qui se déroule entre les deux oreilles. Mais fort heureusement « Les comédies pas drôles » viennent jeter un peu de légèreté dans la balance, avec cet hymne aux nanars du ciné, dont le cinéma Français est si friand, tournés sous perfusion de l’aide du CNC et que Pipin égratigne aussi impitoyablement que le rosier la main qui le taille. Constituant sans doute l’ incontestable autre tube galvanisé de ces « Chants électriques »… électrisé par ses guitares aussi efficaces que subtiles. Et on appréciera à la fin le clin d’œil aux monuments Ramones, via leur emblématique slogan « gaba gaba hey ». Avec « Fais de beaux rêves », on a des mots pour dire les maux, c’est bien du Pipin où il rend aussi hommage à ses héros du rock, Jagger, McCartney ou Alice Cooper portés par quelques vagues de synthés tout en vouant Anne Hidalgo aux anathèmes ce qui n’est que justice. Et pour finir sur une note de tristesse, voici « Une chanson émouvante », à la guitare acoustique délicate façon « Yesterday » où l’heroine finit quand même par être coupée en deux avec une tentative de recollage à la Cyanolit… et on se dit mais où va-t-il chercher tout ça ? C’est justement bien là toute la force de Ramon Pipin, cet esprit tordu qui n’appartient qu’à lui et qu’on affectionne tant.

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