QUAND LES B 52’S FAISAIENT DECOLLER PARIS
Voici 42 ans dans BEST GBD rencontrait pour la toute première fois les B 52’s dans un hôtel Cité Bergère, juste derrière le Palace. Et tant pis si le regretté Ricky Wilson manquait à l’appel ce jour-là, Fred Schneider, Kate Pierson, Keith Strickland et sa sister Cindy Wilson avaient répondu : présent au photographe Jean-Yves Legras et à l’envoyé spécial du fameux mag rock de la rue d’Antin, dans la foulée de la publication de leur pétillant « Whammy », le quatrième LP de ces bondissants superhéros athéniens. Flashback….
C’est en les programmant à l’antenne de Radio Ivre 88.8 FM, la fameuse radio pirate parisienne ( Voir sur Gonzomusic ) que j’avais décollé pour la première fois avec les B 52’s. Portés par leurs synthés futuristes « Rock Lobster », « Planet Claire » et « 52’s Girls » incarnaient tout le pouvoir d’une New Wave à la fois conquérante et loufoque made in USA. Quatriéme LP des Athéniens pétillants après le décevant « Mesopotamia » produit par David Byrne, avec ce « Whammy » porté par leur puissant « Song For a Future Generation » sera l’occasion d’un entretien bien loufoque avec 4 B 52’s sur 5, Ricky Wilson manquant à l’appel ce jour-là. Puis vingt-cinq ans plus tard, en 2008 je retrouverai les B 52’s pour leur retour fracassant avec « Funplex » pour Rolling Stone et surtout en 2019 je croiserai à nouveau la route de Kate Pierson à Woodstock ( Voir sur Gonzomusic WELCOME TO WOODSTOCK ), mais c’est encore bien entendu une autre histoire du rock and roll.
Publié dans le numéro 180 de BEST sous le titre :
WHAMMYCALEMENT VÔTRE
B 49, B 50, B51, B 52’s… ça va, il ne manquait que Ricky pour compléter l’ensemble formé par ces nouveaux Athéniens plus rebondissants que le Zébulon du Manège Enchanté. Prérogative du R and R globe-trotter, j’avais découvert le nouvel album des B 52’s quinze jours avant mes confrères. « Whammy », contrairement à « Mesopotamia », son prédécesseur, m’avait furieusement alpagué. Retour à la fraîcheur, au punch, les Fiftytouze renouaient avec un sens de l’humour acide qu’on croyait éteint depuis leur brillant « Party Mix ». Pruno Plum a croqué « Whammy » dans le Best précédent et j’avoue qu’il n’a pas eu la dent très tendre. Polémiquons donc un brin : moi, j’aime « Whammy, la vie Whammy, l’atmosphère Whammy, la dialectique Whammy, l’amour Whammy. D’ailleurs, je me sens moi-même très Whammy ces temps-ci, pas vous ? Sûr ! C’est éléphantastiquement whammy », reprennent en choeurs les B 52’s, en léchant mon micro comme une lollypop acidulée. Cindy, Fred, Kate et Keith ont accepté de tracer pour BEST les grandes lignes de la philo Whammy :
« Parlons un peu de la pochette, cette poudre blanche que vous jetez en l’air, c’est Whammy ou de la cocaïne ?
Fred : Rien du tout, c’est de la farine et elle n’a rien de Whammy. Tout réside, en fait, dans le geste. La photo est signée William Wegman, un artiste assez connu à New York pour les photos zarbis qu’Il a faites de son chien. La pauvre bête subissait sans broncher les perversions photographiques de son maître qui n’hésitait jamais à la saupoudrer de farine ou â la travestir. Mais le chien vient tout juste de mourir. On adorait ses photos, nous l’avons donc persuadé de remplacer nous-mêmes le chien. Wegman est un whammy complet, la preuve : lorsqu’il n’enfarine pas ses modèles, il leur balance des fleurs.
Vous ne craignez pas de finir comme le chien ?
Kate : Rassures-toi, William n’a jamais abusé de lui, mais maintenant qu’il a découvert les gens, je ne crois pas qu’il ait à nouveau envie de se remettre au chien.
Donc, c’est bien de la farine ?
F : Si c’était de la coke, ne serions-nous pas en train de ramper sur le sol pour la récupérer ? Non, en fait, nous détestons tous ces trucs parce que la loi s’y oppose. On est Whammy, pas des outlaws.
Ronnie Reagan n’aime pas trop cela et, nom d’un petit Mc Carthy, vous ne voudriez pas le décevoir ?

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Cindy : HUM… je parie que Ronnie en use et en abuse : à son âge, pour tenir, il faut bien des vitamines, non ?
Vous qui aimez les histoires de planètes, la candidature démocrate de John Glenn, l’ancien cosmonaute, doit vous réjouir.
F : Tu as bien raison, mieux vaut une star du cosmos qu’un acteur de série B.
Résumons, si vous le voulez bien, ça nous fait 1 marchand de cacahuetes, 1 acteur de série Z et…
F: S’il était, certes, un peu naïf, Carter avait au moins l’avantage d’être un humaniste. Reagan s’en prend directement à nos libertés fondamentales, il se fiche pas mal de l’environnement, par exemple. Aujourd’hui, le pays entier est en passe d’être pollué, je crois que les gens sont enfin prêts au changement. Or, avec le pouvoir du Congrès, ils peuvent faire infléchir Reagan sur les points les plus insoutenables de sa politique. Ils l’ont forcé à se débarrasser de quelques membres du Cabinet (Conseil des Ministres) qui n’étaient pas très nets. Le Congrès comprend enfin l’étendue du danger : la preuve, certains républicains s’allient même aux démocrates contre Ronnie. Ainsi, sous la pression, Reagan a cessé de planter ses foutues centrales nucléaires un peu partout.
C’est drôle, j’avais la sensation que les No Nukes appartenaient à une autre génération que la vôtre ?
C : Évidemment, nous n’avons pas l’âge de Jackson Browne
F : La protection de fa nature est une des préoccupations essentielles des Américains aujourd’hui.
Et c’est super Whammy, je présume ?
F: Extraordinairement Whammy ! D’ailleurs, faut-il encore le préciser, « Whammy » est la dernière excitation explosive causée par ce groupe sauvage qu’on avait baptisé les B 52’s.
Keith : C’est un whopping dopping whammy nouveau. Keith (qui se réveille) : C’est une source rafraîchissante après une dure journée d’enfer.
Au risque de poser une question particulièrement niaise, au fait qu’est-ce qu’un « Whammy »?
F : C’est d’abord une description du son qui fait : « boingggg !!! boingggg !!! boingggg !!! », comme un ressort de réverbe, mais c’est aussi une force positive capable de vous envoûter, un coup de poing qui ne fait pas mal. Whammy est un terme vaudou qui traduit l’usage de /a magie blanche, J’ajoute qu’un baiser Whammy est le plus agréable de tous les baisers.
C : Maintenant que tu fais partie des whammies, que penses-tu du nouveau 33 tours des B 52’s ?
Mes deux titres préférés sont « Legal Tender » et « Song For a Future Generation ».
C : Pour « Future Generation », nous avons joué sur les extrêmes : la fille de Dracula s’accouple avec le rejeton de Frankenstein, le cap’tain Kirk de « Startrek » s’identifie au roi des Zoulous. En plus, chacun de nous se présente, car nous voulions lancer un clin d’œil aux blacks et aux rappers qui énoncent toujours leur nom dans les chansons. En quelque sorte, c’est une rencontre du troisième type : nous disons à ceux qui nous écoutent « rencontrez les B 52’s » !
En tout cas, ce « Whammy »-là est bien plus proche des deux premiers albums que de « Mesopotamia »… heureusement !
C : Moi, je suis d’accord avec toi, nous avons enfin retrouvé notre sens de la dérision et tu sais que nous faisons très bien l’humour ensemble. Pourtant, si nous avions demandé à David Byrne de produire « Mesopotamia » c’est que nous avions envie de changer d’air et cette étape aura été bénéfique : avec « Whammy », on peut die que nous avons retrouvé notre flamme.
Qui est Stephen Stanley, votre producteur ?
C : il a déjà réalisé notre « Party Mix » et l’album du Tom Tom Club; Steve est jamaïquain.
À quoi ressemble Athens, votre ville d’origine ?
F : Athens possède tout le charme du sud, puisqu’elle est située en Georgie et la pêche d’une ville universitaire complètement à gauche. Tous les buildings et le campus ressemblent à des temples grecs, mais les magnolias ont remplacé les oliviers. C’est une ville pleine d’énergie, une ville fun où les groupes s’épanouissent Vous entendrez bientôt parler des Pylon’s, d’Orion, de Limbo District. Tous ces groupes sont distribués par DB’s, un label local.
Ke : Cela dit, en ce qui nous concerne, nous avons partiellement déménagé pour New York.
Vous ne craignez pas de perdre vos racines ?
C : Aucun risque : nous possédons tous une série de racines auto-collantes que nous posons partout où nous allons. Et ça, c’est superhyperbathement Whammy ! »
W-H-A-M-M-Y… et je prends toutes les lanternes pour des vessies. Whammy, c’est la poudre aux yeux comme la farine des B 52’s : et c’est diablement addictif. Comment m’en sortir ? Facile, il suffit d’organiser une compétition Whammy. Toutes les petites filles blondes peuvent tenter le test du baiser Whammy. Les candidatures seront adressées à BEST, 23, rue d’Antin, 75002 Paris, avec une photographie, Pruno Plum et moi-même nous ferons une joie de départager les plus Whammy d’entre toutes. Boiongoinoingggg !
Publié dans le numéro 180 de BEST daté de juillet 1983