PJ HARVEY : « The Hope Six Demolition Project »
Mais qu’a donc fait Polly Jean Harvey durant les cinq longues années qui ont précédé ce « The Hope Six Demolition Project » ? Facile, la chanteuse Anglaise a voyagé accompagné du cinéaste/photographe Seamus Murphy entre le Kosovo, l’Afghanistan et la ville de Washington pour trouver l’inspiration de ce 9éme album-studio particulièrement attendu et qui semble d’excellente facture.
Certes, PJ Harvey au fil des années s’impose de plus en plus comme l’héritière la plus directe de Buffy Sainte-Marie et surtout de Patti Smith tant ses compositions ont ce coté incantations profanes d’une grande prêtresse du rock and roll. Et ce « The Hope Six Demolition Project » ne fait qu’enfoncer le clou de ce mimétisme parfaitement assumé. Ceci étant dit, cela ne retire en rien à l’incontestable qualité des compositions de la chanteuse de Somerset. Et également toute l’originalité de sa démarche artistique. Ainsi durant un mois, à cheval sur janvier et février 2015, la pourtant secréte et discrète PJ s’est livrée à un jeu inédit avec son public. Dans une galerie d’art de Londres, the Somerset House, elle s’est lancée dans un projet baptisé « Recording in progress (enregistrement en cours) » où le public pouvait assister derrière un miroir sans tain à l’enregistrement des chansons de l’album aux côtés de ses « producers » John Parish et Flood. Les visiteurs avaient auparavant accepté de se délester de leurs téléphones, pour éviter toute fuite ou enregistrement pirate. Le résultat est largement à hauteur des attentes de Polly Jean, un album massif aux compositions certes toujours aussi torturées, mais oh combien émotionnelles. On songe à son autre album particulièrement inspiré par l’Amérique « Stories From the City » et également à ses premiers CD tels « Dry » ou le puissant « To Bring You My Love ».
Les ombres tutélaires de John Lee Hooker et de BB King
Dès le premier titre « The Community Of Hope » on se laisse porter par le flux impétueux de ses vocalises « à la Patti ». Aussi sombre que ténébreux, « The Ministry of Defense » offre sa longue complainte à l’image d’une prière profane en totale incantation. Si l’on pouvait encore douter de la fascination de PJ Harvey pour le blues du delta, « Chains of Keys » et surtout « The Ministry of Social Affairs » réveillent les ombres tutélaires de John Lee Hooker et de BB King. Plus légère malgré le thème abordé de la guerre, « Near The Memorials To Vietnam and Lincoln » compte parmi les chansons les plus puissantes de ce nouvel album. On succombe également à la délicatesse d’ « The Orange Monkey » qui me rappelle avec ses chœurs certaines balades des Clash sur « Sandinista ». Enfin l’album s’achève sur le lumineux quasi-gospel « Dollar Dollar » porté par un lancinant saxo et dédié, comme son nom l’indique, au culte du Dieu Dollar. En tout, « The Hope Six Demolition Project » compte 11 chansons sans concession taillées avec amour par Miss Harvey, sans doute l’une des galettes majeures de cette année 2016.