NIX, LA NIAQUE MADE IN SENEGAL

 

Nix 

Voici un tout petit mois, épaulé par un groupe imparable, il nous aveuglait de ses rimes aussi puissantes qu’émotionnelles durant  son concert à la Bellevilloise. Nix rapper et sénégalais s’inscrivait ainsi parmi les héros de l’african groove, dans la foulée des Xalam, Youssou N’dour, Positive Black Soul ou encore Daara J. Séduit par « L’art de vivre », son irrésistible 3éme album illuminé, entre autres, par son duo avec le Fuggees Wyclef  Jean, j’ai tendu mon micro à ce Nix porté par son infatigable niaque.

 

NixCe soir du 10 novembre, on peut dire que Nix m’a sacrément estomaqué. Sur la scéne de la Bellevilloise il était entouré d’un véritable groupe de musiciens, comme une réponse sénégalaise au good groove des the Roots. Tout simplement bluffant ce Nix ; durant les 90 minutes de son show impeccable, il n’a guère cessé de nous subjuguer, se laissant porter par la ferveur d’un public largement sénégalais conquis d’avance par les performances du jeune rapper de Dakar. MC Solaar, Alliance Ethnique , mais aussi Fela, Gangstarr, Dr Dre, 50 Cent, Talib Kweli, Jay Z et les classqiues Spinners et Harold Malvin & the Blue Notes comptent parmi les influences incontestables de Nix…mais pas seulement ! Showman incontestable sous ses dreadlocks, il nous fait joyeusement partager son « Art de vivre » de et mérite aisément de s’imposer dans la cour des grands. Rencontre avec celui qui incarne désormais l’un des futurs possibles de l’Afrique. 

« Je suis sénégalais, né à Dakar, élevé à Dakar et je fais de la musique de manière professionnelle depuis une quinzaine d’années. Mon premier album solo est sorti en 2003. J’ai grandi à Dakar. J’ai commencé la musique là-bas. Dans trois quartiers essentiellement : d’abord le plateau, qui est un peu le centre-ville puis Colobane qui est un quartier populaire et ensuite Point E, un quartier plus résidentiel.

Tu as grandi en écoutant Ismael Lo, Youssou N’dour, Omar Pene, …

Oui, bien entendu, mais aussi Touré Kunda, Xalam comme tous les artistes africains qui cartonnaient à l’époque, Alpha Blondy, Papa Wemba, Mory Kante…tout y compris les trucs américains et français, j’ai toujours eu un spectre très large dans ce que j’écoutais.

 Mais dans les années 90, un truc nouveau advenait à Dakar : l’apparition d’une scène hip-hop locale avec Positive Black Soul.

Je suis de la génération juste après PBS. Moi j’étais plus jeune. Mais on se connait bien sûr et j’ai beaucoup d’admiration pour Didier Awadi et Doug E Tee. D’ailleurs, notre première apparition sur un truc important, c’était sur la mix-tape de Positive Black Soul intitulée « Sénérap Free Style » en 98. Ça nous a ouvert bien des portes, cela a permis à des gens comme Jean Pierre Seck (ex-rédac chef adjoint de Radikal et fondateur du label 45 Scientific de Lunatic & Booba : NDR) de nous découvrir. On a continué la route avec mon groupe Kantiolis, on a fait des concerts, assuré des premières parties. On s’est pas mal débrouillé, mais au final tout cela n’a pas abouti. Il est vrai que nous ne faisions pas nous-mêmes nos instrus. Après Kantiolis, là je me suis mis enfin à composer mes propres instrumentaux par le biais de Black Casanova, un compositeur ami d’enfance. Puis j’ai commencé à travailler sur un album avec lui et en 2003 on a pu publier « Black Cristal », mon premier projet solo.

 C’était proche de ce que tu fais aujourd’hui ou au contraire très différent ?

C’est une évolution, en fait. Je pense qu’à l’époque j’ai vraiment su amener un style. Et après, ce style a évolué jusqu’à aujourd’hui. C’était très axé sur les lyrics, avec des productions travaillées soit à partir de samples, soit carrément de compositions. Car j’avais la chance d’être entouré par d’excellents compositeurs.

African VictoryNix "L'art de vivre"

 Au niveau des influences ton nouvel album se révèle particulièrement éclectique. Ça l’était autant à l’époque ?

Non, c’était beaucoup plus hip-hop. Mais j’ai grandi en écoutant tant de styles musicaux différents, alors aujourd’hui quand je travaille sur des projets, tout cela remonte à la surface. Je travaille désormais dans mon propre studio à Dakar, le bien nommé African Victory.

 Nix quelle est l’origine de ton nom ?

C’est tout simple, en fait, mon vrai nom est Nicolas Omar Dioup, mais déjà à l’école tous mes copains m’avaient surnommé Nix au lieu de Nicolas. Et c’est resté. Nix tu aurais pu imaginer Nick’s, mais j’ai mis Nix, c’est plus simple et direct.

 Ton nouvel album « L’art de vivre » est aussi long qu’éclectique…13 chansons d’un excellent niveau. La première « Suis moi » sonne très Gangstarr et Solaar à la fois, les as-tu écoutés ?

Gangstarr, j’aime beaucoup tout ce que fait DJ Premier. Il est à mes yeux un des pionniers du beat-making new yorkais. Ensuite, Solaar est une grosse inspiration. C’est un artiste que j’ai beaucoup suivi, beaucoup apprécié. Pour moi, l’album « Prose Combat » est dans le Top 5 toutes époques confondues des albums de rap français. Même français tout court, d’ailleurs. « Prose Combat » est LE classique de chez classique.

 J’adore « Style de vie », car elle me rappelle furieusement le « Window Shopper » de 50 Cent .

Ok , j’avoue, même dans le style de refrain et de son cela peut ressembler à une alliance de Dr Dre et de 50 Cent. Tu n’étais pas très loin au niveau des influences.

 Ce sont des gens qui t’inspirent, bien entendu ?

Ce sont des gens que j’ai beaucoup suivi, surtout Dr Dre. Mais 50 Cent également. Je suis un gros fan de rap US ; j’en écoute beaucoup. Et depuis longtemps.

« I’ll be Around »

Nix

 La suivante « Au feeling » est sans doute une de celles que j’aime le plus, car elle me rappelle un titre des Spinners…

Oui c’est exactement cela.

 « I’ll Be Around » ?

Effectivement, nous l’avons samplée.  C’est un sample de « I’ll be Around » que nous avons tourné différemment, mais c’est super efficace et chaleureux. C’est un titre produit par Mao Sidibé qui est aussi en featuring sur le morceau. C’est un artiste sénégalais qui a été finaliste du Prix découverte de RFI en 2015. Il est très talentueux, c’est aussi un super compositeur. C’est un artiste à découvrir que je conseille à tout le monde. Il a publié un  superbe album intitulé « Accent grave » disponible sur toutes les plateformes de téléchargement .

 En fait, mes titres favoris de l’album sont aussi les plus « africains »…à l’instar de la superbe « Africa Groove » qui me rappelle Fela.

Fela est un artiste qui a beaucoup compté pour moi, car il m’a toujours fasciné. Je ne l’ai jamais vu en concert, mais à chaque fois que je voyais ses vidéos, j’étais impressionné par sa tenue vestimentaire déjà : il était toujours torse nu, en pantalon, pieds nus, avec un charisme énorme. Et en découvrant son répertoire, je voyais des morceaux incroyables de 13 minutes.

 Oui et surtout militant, n’hésitant pas à aller en prison pour défendre ses idées de liberté. Fela était un authentique héros. Avant Mandela et Obama, le premier « Black President » c’était  mon pote Fela.

Respect total. J’ai effectivement enregistré cette chanson en pensant à lui. Avant que l’on fasse ce titre, j’avais passé à Mao deux morceaux de Fela pour qu’il écoute et qu’on essaye de voir ce que nous pouvions sampler dedans. Au final nous n’avons pas utilisé de sample de Fela, mais qui rejoignait l’esprit de ce que nous cherchions.

 L’esprit high life et afro-beat !

Exactement. C’est important aujourd’hui d’assumer notre héritage africain. Il est tellement riche, si on ne s’en sert pas, nous sommes perdus.

Perds pas le sud 

 Il faut aussi évoquer le puissant bouquet final de ce projet, la superbe et irrésistible « Perds pas le sud ». C’est particulièrement  futé d’avoir imaginé cette antithèse de « perds pas le nord » ! Avec, en plus, cette kora qu’on attendait depuis le tout début de l’album.

(rire)  Oui on se disait « quand est ce qu’elle arrive ? » Et finalement elle clôt le disque.

 Superbe composition qui déborde d’émotion

Merci. C’est une chanson que j’ai commencé à écrire à New York et que j’ai terminée à Paris. Mais c’est seulement en retournant par la suite à New York que je l’ai posée en pensant à l’Afrique, en pensant à mes compatriotes sénégalais africains exilés que j’ai pu croiser à NY. J’ai vécu ça avec eux en fait et je me suis dit qu’il fallait témoigner. C’est un morceau qui va les aider à tenir.

 Combien d’années de travail pour finaliser cet album ?

On l’a commencé en 2012 et on l’a terminé en 2014. Mais après est venu le moment de le mixer et surtout de lui trouver une distribution, tout cela a pris bien longtemps. On a fait les choses avec nos moyens, donc on a fait notre promo nous-mêmes, on a assuré les concerts sans promoteur sans rien. Jusqu’à cette collaboration avec la Bellevilloise où nous avons pu faire ce concert à Paris et t’envoyer notre album.

 Parlons justement de ton concert qui m’a beaucoup bluffé par ton groupe et son intense cohésion sur scène pour un son incroyable. C’est quasiment the Roots…

On essaye. J’aspire à ça et je pense que nous allons monter en puissance. Nous allons encore plus travailler. Nous avons d’autres morceaux que nous avons envie de bosser et de présenter au public. Je pense que nous avons de beaux jours devant nous.

 J’aime également aussi beaucoup tout l’humour que tu fais passer dans ces chansons.

C’est un trait de ma personnalité. J’aime bien raconter des blagues. Et des histoires qui nous font plier de rire. C’est tellement ancré en moi que je n’ai aucun mal à le transcrire dans mes chansons. Je crois sincèrement que si tu veux durer dans ton métier tu dois absolument rester toi-même. Si tu t’inventes un personnage à mon avis tôt ou tard cela finit par craquer. Je préfère faire des choses comme je le sens, des choses qui me ressemblent ; ainsi je peux espérer continuer à les faire toute ma vie.« 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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