NEIL YOUNG « Trans »
Voici 42 ans dans BEST GBD documentait à nouveau Neil Young dans un nouvel épisode inédit de ses aventures discographiques. Mais cet LP « Trans » et ses synthétiseurs et autres vocoders occupait alors une place bien particulière dans la carrière du Loner. Né en 72, son fils Zeke avait été diagnostiqué d’une infirmité motrice cérébrale. Et en expérimentant dans son studio Young avait noté que son fils réagissait particulièrement aux sons électroniques, d’où cet album construit comme un émouvant dialogue entre le père et le fils, notamment avec le titre « Transformer Man » qui lui est dédié, dont les aficionados n’ont pas tous compris le message à l’époque. Flashback….
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Version 1.0.0
Deux ans après son « Re.ac.tor » son dernier LP pour son label historique Reprise, Neil Young va suivre son vieux complice David Geffen, qui fut le manager historique de Crosby, Stills, Nash & Young, dans son nouveau label qu’il venait de fonder. Et c’est ainsi que « Trans », 13ème album de la discographie du Canadien devient son premier disque sur le label Geffen. Hélas, les fans historiques sont choqués de voir débarquer tous ces synthés, ne comprenant bien entendu pas tout le contexte familial si particulier de cette surprenante expérimentation. Et le suivant « Everybody’s Rocking » carrément rockabilly ne fera pas non plus des étincelles. En fait sur les six 33 tours de la parenthèse Geffen, seul le brillant « This Note ‘s For You » échappera à la malédiction. D’ailleurs en 89, Neil Young ( Voir sur Gonzomusic ) retourne chez Reprise pour l’album « Freedom » renouant ainsi avec le succès… mais c’est encore une autre histoire du rock !
Publié dans le numéro 175 de BEST sous le titre :
APRÈS LE RUSH ÉLECTRONIQUE
Le cow-boy triste accompagne sa monture à l’écurie ; pour la dernière fois, il lui ôte sa selle avant de l’étriller, il lui caresse le flanc. « Damned, c’est bien la fin d’une époque », se dit Neil, la larme à l’œil. Depuis « Re-actor », sa décision était prise, il était temps de changer sa Winchester pour un générateur laser personnel. Neil s’est donc offert un computer game Atari intégrateur quelques touches à pianoter sur la console et, grâce à. l’énergie diffusée par une « magie box », le cow-boy s’intègre à la machine pour un remake des aventures de Tron. Neil Young deviendrait-il l’otage d’une certaine technologie avancée ? Le risque de l’opération « Trans » paraît néanmoins assez calculé. Neil s’est débranché de Reprise pour s’intégrer à l’organisation de David Geffen, un des labels les plus performants du marché américain. D’autre part, si les 90 % de ce « Trans » penchent vers le synthétique, « Little Thing Called Love », le single, reste dans la lignée de ses précédentes envolées de guitares acides sur les percussions de Joe Laya : ainsi, la clientèle habituelle ne sera-t-elle pas complètement déboussolée. Mais pour le reste ? Il est vrai que, depuis le concert de cet été, on pouvait brosser le tableau d’un nouveau Young sur scène, « Computer Age » mêlait une kyrielle de synthétiseurs à la base guitare habituelle. Mais plus surprenante était cette voix branchée sur ordinateur, détachée comme un Vocoder, une version plus sophistiquée du « voice bag » utilisé en 76 par Frampton pour son « Do You Feel Like We Do » sur l’album « Cornes Alive ». On retrouve cette voix d’androïde à la Devo tout au long du LP et, parfois, on a du mal à se persuader qu’il s’agit bien de Neil Young. Il y a ainsi une version « Rencontres du troisième type » du mythique « Mr Soul » que Neil Young chantait en 67 avec le Buffalo Springfield. Quinze ans plus tard, ce thème illustré du flip des rock-stars n’a pas pris trop de rides. Neil Young sombre peut-être dans le gadgetisme, mais II a au moins l’avantage de tenter quelque chose de neuf. Si tous les yankees de sa génération avaient une démarche similaire, le rock américain pourrait enfin se vider de son insupportable odeur de renfermé et se tirer de sa sclérose sénilisante. Plus classique, le dernier morceau, « Like An Inca », est aussi le plus abouti. Nils Lofgren y joue les invités-surprise sur ce titre qui rappelle la période « Walk On ». Mais « Like an Inca », c’est aussi un symbole : Neil est ici parvenu à sortir de son piège électronique, Contrairement à Tron, « Trans » ne brûle pas tous ses navires ; le cheval de l’écurie pourra encore galoper dans les grandes plaines.
Publié dans le numéro 175 de BEST daté de février 1983