MOTÖRHEAD « Another Perfect Day »
Increvable Lemmy ! Drogues, alcool et décibels, en près de quarante ans de carrière avec Motörhead, il aura survécu à tout. Une longévité étonnante qui fait dire dans le milieu rock que « si une bombe nucléaire rasait la planète, seuls survivraient Lemmy et les cafards ». Pour preuve, huit ans après sa disparition, le label BMG réédite ces jours-ci « Another Perfect Day » un album oublié des 80’s, un album singulier, étrange parenthèse dans la discographie de Motörhead. Et JCM vous explique pourquoi.
Par Jean-Christophe MARY
Durant près de quatre décennies, de 1975 à la mort de son fondateur Lemmy en 2015, Motörhead aura dynamité les canons du rock ‘n’roll pour lui insuffler une bonne dose de « Space Hard Rock » joué à la vitesse du punk rock. Avec sa haute stature, ses cheveux longs fillasses, ses bacchantes de viking et sa verrue proéminente, Lemmy était l’archétype du musicien de hard rock buveur de bière et consommateur d’amphétamines. Fort de ses pochettes d’albums aux têtes à cornes entourés de chaines, Motörhead aura aussi inventé l’imagerie d’un rock’n’roll lourd, un hard rock sauvage d’une grande puissance sonore, joué pied au plancher. Sans oublier les fameuses séances d’acid test qui feront partie de la vie quotidienne du groupe durant tant d’années. « Another Perfect Day » est l’un des disques oubliés de l’imposante discographie du groupe. Ce 6e album studio capture pourtant une puissance tellurique « live » absolument écrasante. Si les fans de la première heure évoquent avec nostalgie la formation historique, soit Lemmy (basse, chant), « Fast » Eddie Clarke (guitare) et « Philthy Animal » Taylor (batterie), « Another Perfect Day » marque lui un nouveau départ qui s’annonce prometteur. Après la sortie d’ « Iron Fist » (1982) Eddie Clarke quitte le groupe, après de multiples disputes avec les deux autres membres, ces derniers reprochant à Eddie Clarke sa forte consommation d’alcool. Lemmy Kilmister et Phil Taylor sont activement à la recherche d’un nouveau guitariste. Parmi ceux qu’ils passent en revue, Brian Robertson, l’ex-guitariste de Thin Lizzy. Et de cette rencontre improbable, va naitre une alchimie étonnante. Dès l’ouverture de l’album, on découvre un mariage musical nerveux entre les deux piliers originels de Motörhead, Ian « Lemmy » Kilmister et « Philthy Animal » Taylor, qui croisent puissance brute du hard rock aux guitares mélodieuses de Brian Robertson. Les mélodies arpégées, marque de fabrique de la nouvelle recrue, sont exaltantes comme on l’entend sur « Dancing on Your Grave » et « Shine », deux titres qui bousculent les standards classiques de Motörhead.
Autre point fort de cet album, des titres aux riffs acérés, plus « bluesy », tel « One Track Mind » au tempo lourd et plombé dans la lignée des sudistes de Blackfoot ou des premiers Ted Nugent ou ce «I Got Mine » doté d’une intensité et d’une puissance sans précédent. Si la chanson titre qui donne le nom à l’album est peut-être la plus faible, « Back at the Funny Farm » et « Die You Bastard » sont des titres très resserrés, très percutants qui s’inscrivent dans la droite lignée de ce qu’a produit le groupe jusqu’ici. En juin et juillet 1983, le trio s’envolera pour une série de concert au Japon. Lors de cette tournée, les frictions entre Brian Robertson et Lemmy éclatent. Non seulement l’allure du nouveau guitariste pose problème (il arbore une coupe de cheveux de couleur rouge, porte un short court et des ballerines) mais plus que son look, le vrai problème est que Robertson refuse de jouer « Bomber » ainsi que d’autres grands incontournables de Motörhead. Finalement, le groupe et Brian Robertson se séparent à l’amiable. Autant de raisons qui font d’ « Another Perfect Day » l’un des albums les plus singuliers du catalogue Motörhead. Le second CD contient un live donné au Hull City Hall le 22 juin 1983. Ces 17 titres extraits du concert constituent un document d’anthologie. La setlist couvre en majorité les titres de « Another Perfect Day » que le groupe mets en avant avec un punch et une précision inégalée. Ainsi on y trouve des versions brutes de décoffrages de « I got Mine », « Marching Off to War », « One Track Mind », « America », le speedé « Bite The Bullet » ou le puissant « Dancing on Your Grave » titres qui constituent l’essentiel de cet ensemble dévastateur. Parmi les autres temps forts, on retiendra les historiques « Iron Horse/ Born to Loose », « The Chase Is Better Than the Catch » et une version personnelle du « Hoochie Coochie Man » de Muddy Waters. Les fans seront ravis de l’intensité et de la férocité de ce live porté à bout de bras par un line up qui n’aura « survécu » que quelques mois. La cohésion du trio, l’enthousiasme et le plaisir de jouer ensemble se ressent de bout en bout. Et le plus étonnant, c’est que la voix de Lemmy y est plus que jamais rugissante. À redécouvrir de toute urgence.