Mort à Brooklyn du pianiste Randy Weston
En Afrique, lorsqu’un griot monte au ciel, on dit souvent que c’est comme si une bibliothèque était dévorée par les flammes : à 92 ans, le pianiste Randy Weston s’est éteint chez lui à Brooklyn, New York, dans la ville qui l’a vu naitre. Il incarnait toute l’intense fusion entre jazz et racines africaines.
Cette afrocentricité, Randy Weston l’a reçu en héritage de son père, Frank Weston. Ce dernier d’origine jamaïcaine et panaméenne avait fait siens les préceptes de Marcus Garvey. Dés son plus jeune âge, Randy s’applique au piano et démontre très vite une réelle dextérité lorsque ses doigts courent sur le clavier. Premiers concerts, premiers succés, il a tout juste 25 ans lorsque le fameux mag de jazz Down Beat le consacre en tant que « nouvelle star du piano ». Très vite Randy Weston va imposer son style qui revendique fièrement ses racines africaines, se distinguant ainsi du bebop pratiqué par tous ses collègues. Et même s’il revendique une influence majeure, celle de Thelonious Monk qu’il adulait, c’est vraiment l’Afrique qui sera le moteur de son art. « Partout où je vais, j’essaie d’expliquer que si vous aimez la musique, vous devez savoir d’où elle vient « , confiait Weston au site Web All About Jazz en 2003. « Que vous appeliez jazz ou blues, bossa nova ou samba, salsa, tous ces noms sont les contributions de l’Afrique à l’hémisphère occidental. Si vous retirez les éléments africains de notre musique, vous n’aurez plus rien. » Publié en 1960 son album « Uhuru Africa ( Liberté pour l’Afrique) est bien entendu immédiatement banni par le régime sud-africain qui pratique l’apartheid. Mais rien ne saura dissuader Randy Weston de se rendre en Afrique. Un an plus tard, il se rend à Lagos au Nigeria et ce voyage quasi initiatique luis inspirera le 33 tours « Highlife ». Après ce voyage initiatique, le pianiste se rendra souvent en Afrique. Cependant, en 1967 c’est le Maroc qui le fait succomber, et Weston s’installe à Tanger où il tient résidence durant cinq ans dans le club qu’il dirige. Et comme Dylan au Newport Festival était passé de la guitare acoustique à l’électrique, en 72, il enregistre un album interprété au piano électrique « Blue Moses » qui sera paradoxalement son LP le plus populaire. Toutes ces années au Maroc lui permettent également d’intégrer à son style la tradition gnawa. Durant les 90’s, il signe sur le label Verve et publie deux disques d’hommages à ses héros Monk et Duke Ellington. Jusqu’à son dernier souffle, le pianiste de Brooklyn continuera à se produire. Son ultime concert, il l’aura réservé au public français puisqu’il était encore en juillet dernier à l’affiche du Nice Jazz Festival. « J’ai été béni parce que j’ai côtoyé certaines des personnes les plus fantastiques de la planète. Je suis devenu compositeur et pianiste. Je ne pouvais rien demander de plus. », avait-il coutume de déclarer lorsqu’on l’interrogeait sur sa carrière. Randy Weston s’est éteint dans son, lit à Brooklyn, à quelques encablures de la rue qui l’avait vu naitre. RIP mister Weston.