LES LOLITAS DE LA JUNGLE NEW WAVE

Haysi Fantayzee

Haysi Fantayzee

Voici 42 ans dans BEST GBD tombait littéralement sous le charme des Lolitas de la New Wave façon rock tribal, soit Trudi Baptiste des King Trigger, Kate Gardner d’Haysi Fantayzee et Annabella Lwin de Bow Wow Wow. Et comment résister ? Sur leurs pochettes, dans leurs clips, ces trois jeunes femmes ne s’offraient- elles pas si souvent lascives au regard des messieurs dans leur sensualité forcément débridée ? Mais, avec le prisme d’aujourd’hui, elles incarnaient sans doute, chacune à leur manière, une exploitation de la femme qui dérangeait bien peu à l’époque. Flashback…

 

Haysi Fantayzee

                                                                                 

 

 

 

 

Publié dans le numéro 172 de BEST sous le titre :

TAM TAM CLUB

 

 

Aux premiers jours de la création, il n’y avait qu’Adam et ses Fourmis frénétiques pour agiter le rock de la jungle. Bondissant de liane en liane, Annabella Lwin et ses Bow Wow Wow ( Voir sur Gonzomusic MELODY ANABELLA et aussi  BOW WOW WOW « See Jungle ! See Jungle ! »  ), les canines en avant, se sont taillés la part du lion. Plus cérébraux — en fait, presque des shamans — les Fun Boy 3 (ex-Specials) ( Voir sur Gonzomusic THE FUN BOY THREE « The Fun Boy Three » ) ont un peu foncé sur ce même sentier qui court dans une brousse luxuriante. Aujourd’hui, la jungle rock se peuple de nouvelles colonies aux rythmes tribaux. Londres est en passe de devenir le fief de Jim la Jungle et de Lord Greystock-Tarzan avec ces nouveaux groupes nommés Haysi Fantayzee et King Trigger. Anabella et ses Bow Wow Wow vont-ils se laisser croquer par les jeunes loups du rock tribal ? That’s the question !

King TriggerKing Trigger a démarré à Londres, au début 81 avec Sam chanteur/guitariste, Stuart, bassiste, et l’adorable batteuse- chanteuse, Trudi Baptiste, originaire de Grenade, au nord des côtes du Venezuela. Un an plus tard, une demi-douzaine de directeurs artistiques croisent le stylo en combat singulier pour les signer. C’est que King Trigger offre sa véritable dimension sur scène. Trudi est une panthère noire sauvage et le groupe ne manque pas d’énergie. Steve Lillywhite (U2, Peter Gabriel, etc.) ne résiste pas longtemps à l’appel des tams-tams et décide de produire KT au Manor Studio d’Oxford. « River », le premier 12 inch, naîtra de cette collaboration. Quelques semaines plus tard, Lillywhite retrouvera King Trigger, pour réaliser le premier LP. Malgré le son Lillywhite – la batterie de Trudi ressemble à s’y méprendre à celle de U2-  King Trigger paraît avoir un peu trop assimilé les leçons de Bow Wow Wow.

 

« Stuart : ça ne me gêne pas, au contraire : je suis complètement excité par Bow Wow Wow. Je sais que les gens font le parallèle parce que nous utilisons aussi ces mêmes rythmes tribaux sur le single, mais l’album que nous enregistrons en ce moment avec Steve sera bien plus éclectique. Trudi joue de /a batterie de manière complètement instinctive, elle n’a jamais cherché à copier ou adapter qui que ce soit.

 

Et pour toi, Trudi, n’est-ce pas un peu frustrant d’être comme une figure de proue cachée derrière ses futs de batterie ?King Trigger

 

 Trudi : Pas du tout, au contraire, nous sommes un vrai groupe, pas un tas de marionnettes manipulées par les patrons du vinyle. King Tripper passe au-dessus des sexes, des races, de tous ces préjugés stupides ».

 

N’empêche que, sans la jolie Trudi, les projecteurs, qui aujourd’hui éclairent KT, seraient plutôt faiblards. Leur « River » est une bonne copie de Bow Wow Wow et d’Adam Ant; souhaitons que l’album nous réserve quelques surprises.

 

Haysi Fantayzee me paraît bien plus excitant. Et dans tous les sens du terme. Le groupe est un trio : Jeremy avec ses yeux bleus, ses dreadlocks et son jean en lambeaux, Paul le cérébral, son hérédité biblique et son cerveau qui vous débite des concepts comme des tranches de pain et surtout la troublante Kate, jeune beauté sauvage et allumée. H.F. tourne depuis déjà huit, mois en intégrant peu à peu toute sorte de folklores dans sa tribalité. « John Wayne Is Big Leggy leur premier simple, est une vision complètement perverse du héros américain. A Top Of the Pops, H.F. a choqué quelques bonnes consciences, lorsque Jeremy, dans son pagne de jean effrangé, passait derrière Katie en roulant du cul pour mimer John Wayne « sautant un indien » (sic !).

Haysi Fantayzee

Haysi Fantayzee

« Paul: Nous sommes tous des incompétents, voilà pourquoi H.P. s’est fait tout seul. Jeremy écrit tous les textes, et moi je compose. Lorsque nous avons commencé à jouer, c’était uniquement pour le fun. Comme nous nous ennuyons facilement, nous essayons de faire une musique qui soit la plus bizarre possible, ce qui permet de s’en lasser moins vite. On essaie d’y inclure un maximum de sons différents. On achète les disques tes plus obscurs des folklores du monde, Macédoniens, High Life, Calypso, Cajun, Tex Mex Irlandais et Hébreux. »

Haysi a décroché son deal avec Regard Records, un petit label de la mouvance RCA monté par l’ex-PDG de CBS qui avait signé Adam, grâce à une home-made vidéo. Regard n’a pas manqué de flair : le label a réquisitionné Tony Visconti (T Rex, Bowie…) pour produire « John Wayne », leur premier 12 inch. Comme le dit Kate « Chacun peut trouver ce qu’il veut dans « John Wayne », même si /a plupart des gens y voient une sombre histoire de cul, dans le style J. W. a une grosse queue ».

Haysi Fantayzee

Haysi Fantayzee s’avoue assez déçu par la production de Visconti. L’album sera produit par Paul dont le background scientifique – deux licences, Maths et Physique – lui permet d’assurer en studio : Regard lui a donné carte blanche car les maquettes d’HF étaient encore plus accrocheuses que la production de Visconti. Kate et ses copains ont conservé l’énergie du punk pour la retranscrire sur des rythmes éclatés : H.F. est une recrue de-choix pour le rock de la jungle.

 

Quant à Bow Wow Wow, on peut dire  queça vibre assez bien pour eux en ce moment.Leur prochain LP sera produit par Mike « Commander » Chapman (Blondie, The Knack…) à New York.

« Annabella : Nous cherchons aussi un nouveau manager : notre collaboration avec Malcolm (McLaren) a déjà cessé depuis quelques temps. Aux dernières nouvelles., il préparait un album avec différents styles de groupes autour du monde. Aujourd’hui, nous nous sentons beaucoup plus responsables par rapport à notre musique et à tout le reste. Nous n’avons plus besoin d’un Pygmalion pour nous assumer. Malcolm nous a beaucoup appris, mais je crois que nous saurons très bien nous débrouiller ».

Annabella, tu as encore ses seize ans jusqu’au 31 octobre, jour d’Halloween.

 

Bow Wow Wow

Bow Wow Wow

A:  Comme on dit dans les chansons, à seize ans, tu ne réfléchis pas. Je n’ai jamais vraiment pensé à mon âge, le me sentais moi-même, et pourtant, j’étais manipulée ». Sur la pochette de « I Want Candy », Annabella est pourtant encore plus déshabillée que sur les précédentes : le visage tacheté comme un fauve, elle exhibe sans gêne ses petits seins. « Oh… cette image ! J’ai décidé de ne plus montrer ce genre de choses, car les gens ne vous prennent pas au sérieux. Le tableau de Manet recréé pour la pochette de « See Jungle… », c’était okay, mais pour cette photo-là, ils ne m’ont absolument pas demandé mon avis ils ont récupéré un cliché où pavais posé pour la couverture du Sunday Mirror. C’est ce que je voulais dire tout à l’heure, en parlant de contrôle : je n’ai plus envie d’accepter ce genre de choses ».

 

Si Annabella saborde son principal argument de vente, BWW ne risque-t-il pas de perdre des clients ?

 

A:  Il faudra qu’ils s’y fassent. De toute façon, ce groupe n’est pas exclusivement constitué de ma paire de fesses : il y a les musiciens, les chansons, les idées. Tu n’achètes pas un bouquin juste parce que la couverture te plaît, pas vrai ? Ceux qui craquent sur Bow Wow Wow uniquement pour les pochettes pourront se trouver une autre nymphette, je m’en balance ! »

Si vous achetiez Playboy tous les mois en l’espoir d’y trouver Annabella couchée sur un poster de playmate of the month, vous serez déçus. Le jungle rock anglais est une histoire de pulsions, ça n’est pas le fruit du hasard si ces trois groupes comptent chacun une pin-up de choc. Trudi, Kate et Annabella ont en commun les rythmes et la séduction : choisissez votre motivation.

 

Publié dans le numéro 172 de BEST daté de novembre 1982BEST 172

 

 

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