MELODY ANABELLA
Voici 41 dans BEST, GBD et Jean Yves Legras se laissaient captiver Cité Bergère, derrière le Palace, par une Lolita de 16 ans, sorte de Melody Nelson after-New Romantic hyper-speedée et volontaire, mini pile électrique et star de Bow Wow Wow, la toute dernière créature du grand escroqueur du rock and roll des Sex Pistols, Malcolm McLaren, en concert au Palace à Paris dans la foulée de son tout premier LP « See Jungle ! See Jungle ! Go ». Flashback…
Le mois précédent, en décembre 1981, j’avais été très largement subjugué par le tout premier LP de Bow Wow Wow porté par son son frénétique et tout le charme d’une entêtante nymphette métisse anglo-birmane de 16 ans, Anabella Lwin ( Voir sur Gonzomusic BOW WOW WOW « See Jungle ! See Jungle ! » ) cornaquée par le futé Malcolm McLaren qui avait réussi à débaucher les trois musiciens principaux d’Adam and the Ants, soit le guitariste Matthew Ashma, le bassiste Leigh Gorman et le batteur David Barbarossa d’origine mauricienne et largement responsable du son tribal si caractéristique du groupe de Londres. Il faut aussi citer dans l’équation la célèbre designer et girl-friend de McLaren, Vivienne Westwood qui a créé le style si particulier et sexy des vêtements portés par la jolie Anabella, dont les fameux T-shirts où une manche virtuelle va d’un sein à l’autre pour mieux les mettre en valeur. Le tout formant un cocktail explosif qui a bien entendu enflammé le Palace…
Publié dans le numéro 162 de BEST sous le titre
SWEET LITLE 16
Allez, répète avec moi, tu verras c’est facile ; C quatre vingt dix, C soixante, C trente, va ! » ( C90, C60, C30 en référence aux cassettes audio et notamment les deux premiers singles de Bow Wow Wow publiés exclusivement sous la forme de musicassettes: NDR). La petite en face de moi se marre. Ça y est. Je me suis recyclé dans l’enseignement. Pour l’instant, ça ne marche pas mal, merci. J’ai une seule élève. 16 ans, anglaise, et chanteuse de surcroît. Son tuteur, monsieur RCA, en accord avec tonton McLaren et maman Lwin me l’ont confiée, le temps d’une leçon particulière…
Sur les planches du Palace, c’est le premier show français de Bow Wow Wow. Comme la plupart des mâles de la salle, j’avoue avoir eu du mal à détacher mes yeux d’Annabella et de ses deux nymphettes-danseuses, pour en jeter un sur les trois boys du groupe : Ashman, le guitariste, Gorman, le bassiste, et Barbarossa, le batteur. Les Lolitas sont court-vêtues, gracieuses dans des T-shirts tarés, dessinés par la copine de McLaren, Vivienne Westwood ; elles sautent dansent comme des petits animaux sauvages. Annabella ne nous a pas qu’au charme, sa voix acidulée tient la distance. Je sais bien qu’il est plus facile de craquer sur une ado charmeuse comme elle, que sur un déguisé peinturluré comme Adam. Autant les Ants live m’ont fait bailler comme un fou, autant Bow Wow Wow m’a amusé. C’est peut-être un peu simpliste, mais la fraîcheur est sans doute à ce prix-là. Pendant plus d’une heure, la petite performe un jeu de vocalises variées, tandis que ses deux danseuses exhibent fièrement leurs petites culottes blanches en lançant la jambe en l’air. Après le gig, je retrouve mon élève dans sa loge du Palace, cité Bergère.
Annabella joue avec un des bergers allemands. Elle frissonne dans sa mini robe de coton. Ses yeux noirs profonds fixent un point dans le ciel, Flo, l’une des danseuses, l’entraîne par le bras jusqu’au restaurant. Pour ses seize ans, Annabella est assez grave, elle ne craint pas d’affronter McLaren, son manager, parce malgré son jeune âge qu’elle sait exactement ce qu’elle veut. Même si elle avoue ne pas vivre totalement son adolescence, cela ne paraît pas la gêner. Depuis l’âge de 12 ans, elle a pris l’habitude de bosser. D’ailleurs, la légende raconte que c’est dans un pressing où elle travaillait qu’un copain de McLaren l’a dénichée. Le type lui a parlé d’audition pour un groupe après l’avoir entendue chantonner par dessus la radio de la boutique. Et c’est ainsi qu’Annabella a été bombardée lead vocal de l’ancien groupe d’Adam détourné par McLaren. La légende fait parfois bien les choses. Annabella, à seize ans, se retrouve star et solitaire, mais ça n’a pas l’air de la faire flipper, au contraire. Même si sa Maman n’approuve pas trop, notre Lolita s’est faite émanciper pour être ainsi libre de son avenir. Une heure du matin au Rose Bonbon à moitié déserté, Annabella se déchaîne et danse sur James Brown, avant de se lancer dans une bataille galactique au space-invader contre son bassiste. Ses cheveux rasés des deux côtés et ses petites nattes lui font une drôle de tête. Mais ça fait partie du jeu de la provocation. Même si Bow Wow Wow n’est qu’un nouveau coup de Mister Sex Pistols, le rock primaire qu’il projette se révèle particulièrement séduisant. J’ai juste le temps d’apprendre un dernier mot à Annabella et ses lèvres s’entrouvrent pour laisser échapper un «Au revoir».
Publié dans le numéro 162 de BEST daté de janvier 1982