LE CONTRAT DE CONSCIENCE D’ĀRTY CØØPER
Il a tout juste 34 ans et produit seul ses joyeuses séquences électroniques dans sa chambre près de Paris. La musique d’Ārty Cøøper est aussi mélodique qu’entrainante, introspective et futuriste, aux confins de ses confrères Petit Biscuit ou encore Madeon. En le découvrant par hasard sur internet, j’ai craqué sur son Arty show et je tiens le pari avec vous de son puissant potentiel. Rencontre avec Ārty Cøøper…
Il a l’âge de mon fils, mais ses compositions synthétiques transcendent bien des générations. Ārty Cøøper invente ses séquences électro-choquées comme un trip spatial aux marches de l’univers. Et c’est comme une puissante énergie qui nous entraine par le pouvoir du rythme. Instrumentaux ou vocalisés ses titres projettent des paysages de SF inédits pour ouvrir les champs de notre imagination, c’est bien là tout le contrat de conscience d’Ārty (Cøøper) 🤣
« Bonjour Michael, ou plutôt Ārty Cøøper. Ça fait combien de temps que tu as adopté ce pseudo ?
Ça fait un an et demi maintenant. Le pseudo a été créé en Norvège, pendant un voyage.
Comment se prononcent ces lettres extra-terrestres ?
En fait, je ne sais pas, c’est vraiment la symbolique qui a primé lors de ma réflexion, notamment le Ø représentant un trou noir en activité.
Donc, c’est tout récent, tu faisais déjà de la musique avant ?
En fait, j’avais pas mal de projets avant Ārty Cøøper, j’ai même eu des groupes. J’ai commencé ado, j’ai démarré la musique sur le tard et j’ai monté des groupes différents de métal, de rock, de pop et même du métal. J’écoutais, aussi beaucoup de rap US, je suis très culture ricaine, musicalement parlant. Et j’ai enchaîné jusqu’à me dire : finalement, ce dont j’ai vraiment besoin c’est de faire un projet solo.
On va remonter un peu le temps. Tu es né où ?
Dans le 95 et j’y habite toujours, dans une petite ville qui s’appelle Herblays.
Il a combien de temps ?
Il y a très exactement 34 ans.
Tes parents sont musiciens ?
Non du tout. Je n’ai plus que mon père qui est en fait moniteur d’auto-école. Donc rien à voir avec la musique. J’ai une famille motards et même de moniteurs d’auto-écoles, car mon oncle est aussi moniteur, mon frère est aussi moniteur. Je suis un peu le canard, non pas le vilain petit canard, juste le canard à l’écart quoi !
Tu as passé ton permis quand même ?
Oui, j’ai passé voiture et moto quand même, parce que ça faisait un peu tâche !
Ton père écoutait de la musique ?
En fait, quand j’étais jeune, il m’a fait écouter des trucs vraiment cool. J’adorais Simon and Garfunkel, j’adorais Queen et plein d’artistes comme Scorpion. Je me souviens d’une cassette de Jean Michel Jarre qu’on passait en boucle tous les ans en partant en vacances. Je me suis rendu compte qu’après, sur le tard, qu’en fait j’ai écouté à fond Jean Michel Jarre et que, du coup, j’ai été attiré vers la musique électronique, même si aujourd’hui je n’écoute plus du tout Jean Michel Jarre. Par contre, je précise que j’écoute toujours autant Queen ou Simon & Garfunkel !
Tes premiers disques à toi ?
Là, moi, je suis un très mauvais élève, dans le sens où je n’ai pas acheté beaucoup de CD, j’ai passé ma vie sur Youtube, j’ai passé ma vie sur Internet. Du coup, à écouter malheureusement gratuitement, je crois que le premier CD que j’ai dû acheter, c’était AaRON. C’est très récent parce que c’est l’avant dernier album qu’ils ont sorti « We Cut the Night », donc pour dire que je n’ai pas acheté beaucoup de disques.
Qu’est-ce qui t’a vraiment scotché la première fois comme moi la première fois que j’ai écouté Prince ?
Je crois que c’était Eminem avec Dr Dre, « Forgot About Dre » ; c’est mon frère qui me l’a apporté, tout jeune, avant que je ne bifurque vers le métal et j’avoue j’ai été mais complètement scotché, d’ailleurs je suis juste toujours amoureux aujourd’hui de leur musique. Après, j’ai enchainé avec des groupes comme Limp Bizkit ou Linkin’ Park, dont je suis vraiment un gros fan. En fait, la personne qui m’a donné envie de faire de la musique, c’est mon meilleur ami lorsqu’ il s’est mis à la guitare, quand j’étais ado. Le premier truc que j’ai eu envie de faire, c’est de reprendre « Sweet Dreams » de Marilyn Manson avant d’enchainer sur plein d’autres choses. On a créé notre groupe, puis on l’a fait évoluer plein de fois parce qu’on avait toujours des gens qui étaient moins motivés, qui avaient moins envie d’avancer. Dans la musique, il y a un côté rêve pour beaucoup de musiciens, mais il y a aussi un côté investissement qu’ils ne mesurent pas forcément toujours !
C’est le syndrome du batteur qui arrive toujours en retard ou du bassiste qui ne s’est jamais réveillé ?
Exactement. Et ça, c’est un des éternels problèmes pour les groupes de musique, malgré bien des avantages, c’est d’avoir une motivation équilibrée.
C’est d’ailleurs ce qui a poussé beaucoup de gens à entamer des carrières solos. Il y a aussi la technologie qui est arrivé avec les ordis et les Pro Tools. Et de se dire « mais à quoi ça sert que j’attende ce mec pendant 3h ? Alors qu’il suffit que j’appuie sur 2 touches pour le remplacer ? »
La cohésion de groupe est quelque chose qu’on ne peut pas remplacer, cet échange, avoir une réponse dans ce qu’on joue en termes d’énergie, tout ça est inégalable. Je trouve des limites au fait d’être seul aujourd’hui. C’est vrai qu’avec la technologie, on peut faire tellement de choses. Un batteur peut être à Los Angeles ou en Hongrie, il suffit juste d’avoir une bonne connexion et on peut travailler avec ces personnes-là en direct, c’est magique. Moi, je suis plus sur un travail de sampling aujourd’hui, mais la base de mon projet solo c’est que j’avais une envie irrésistible d’avancer, à la fois à mon rythme et dans une direction qui me soit vraiment propre.
Un dernier mot sur tes groupes, comment s’appelaient-ils ?
Alors on a eu M.A.C. puis Playground, puis Classified As Human … si tu comprends mon accent.
Mais pourtant quand tu chantes tu n’as pas d’accent ?
Ce n’est pas moi qui chante, je travaille principalement avec des samples de voix et j’aime beaucoup les voix féminines. J’utilise aussi des voix d’hommes et tu as surement du imaginer que c’était moi qui chantait.
Tu ne chantes pas du tout ?
Rien du tout!
Ah, mais tu es une grosse feignasse, en fait ?
Complètement ( rires) Mais j’ai découvert le métier de producteur de musique électronique, même si aujourd’hui ça veut plus rien dire, puisque tout est électronique. Je me suis rendu compte à quel point en fait le travail était ailleurs, comme par exemple, lorsque David Guetta a commencé sa musique, il s’est fait rincer par tout le monde, parce qu’il est arrivé sur scène et qu’il a touché à 2 boutons. . Et en fait, le problème, c’est qu’on ne comprend pas que quasiment tout le travail se fait en amont je pense. Ensuite tout dépend de la vision qu’on a d’un concert, d’un show… Mais pour le coup je ne suis pas du tout DJ, c’est vraiment un métier à part.
Moi je pensais au contraire que tu avais commencé par-là, que tu avais commencé justement en étant DJ à faire danser les gens et que c’était en mixant les autres que ça t’avait amené à créer tes propres sons.
Pas du tout, je ne suis pas issu de cette culture-là. Je n’ai pas encore fait de Live avec mon projet mis à part ceux que j’ai organisé, notamment à cause du COVID car j’ai commencé le projet en décembre 2019, donc j’ai vraiment axé mon travail sur la créa en ermite jusqu’à maintenant.
Juste avant que tout ne s’arrête ?
Exactement.
Mais donc le fait de te retrouver chez toi tout seul et que tout s’arrête ça t’a boosté ? Je me demandais quel effet avait pu avoir le COVID sur ta vie ?
En fait, ça ne m’a pas freiné ni boosté ; il y a un truc que je fais depuis des années c’est que je prode tout le temps chez moi. Du coup le COVID, moi je n’en ai pratiquement pas vu l’impact puisque pour moi ça reste mon travail quotidien de passer mon temps sur l’ordi. Je suis un producteur très jeune dans le sens où ça fait très peu de temps que je le fais.
Cela fait 7 ans que je me suis mis à produire et j’ai tout le temps besoin d’apprendre car quand on voit ce que font les grands, derrière, il y a un niveau monstrueux techniquement comme artistiquement. J’ai vraiment envie d’avoir un niveau pour proposer des musiques qui soient à la hauteur.
Électroniquement est-ce que tu as des influences particulières ?
J’écoute énormément Daft Punk, Justice et Breakbot M83,
Møme, Kavinsky, dont certains sont sur le label Ed Banger.
Tu aimeras être signé sur Headbanger, justement ?
En termes de business, j’ai l’impression en tout cas avec le peu d’expérience que j’ai en musique, qu’il faut d’abord avoir un projet qui soit vraiment ultra costaud, avant de pouvoir signer avec un label. De toute façon ils ne prennent que des projets qui marchent déjà, on n’est plus dans les années 80.
D’autant que je n’ai pas un projet très en accord avec la ligne Ed Banger, je suis très ricain mainstream si je puis dire, alors qu’ils sont clairement plus axés French Touch, mais j’aurais adoré rencontrer leur team pour discuter !
Pour moi un des atouts d’Ārty Cøøper c’est la mélodie, je suis assez bluffé et du coup je me sens bien dans cet univers-là car même si je ne suis pas totalement fan d’électro je peux me raccrocher à la mélodie.
En fait une des musiques qui m’inspirent le plus aujourd’hui c’est la musique de films et je suis un très gros fan, j’en écoute tout le temps.
Il y a deux titres que j’ai adoré car c’est un mix de dialogues de films et de séquences synthétiques. L’autre constante dans ta musique c’est ta fascination pour la science-fiction.
C’est vrai. Il y a déjà le fantasme de l’espace, savoir ce qu’il y a derrière, ce qu’il se passe plus loin, si nous sommes les seuls êtres dans l’univers… C’est d’ailleurs une question qui n’a pas trop de sens vu les dimensions de l’univers en soit je trouve, et bien souvent fanstasmée quant à sa forme, mais pourquoi s’en priver ?
Le cœur Ārty Cøøper balance entre les morceaux chantés et les morceaux instrus ?
Je me mets aucune frontière musicale, n’étant pas labélisé par exemple je n’ai pas de contrainte stylistique aujourd’hui, donc aucune limite sur mon projet. Je me laisse vraiment aller là où l’inspiration vient. Bob Sinclar expliquait un truc très intéressant, qu’il ne fallait pas courir après une mode, car celle-ci est un cycle. Je pense qu’il y a toujours des exceptions à tout, mais qu’être sincère dans sa démarche quelle que soit la mode est une force en soit.
Forcément, puisque le temps que tu le fabriques c’est déjà dépassé !
S’il existait une recette du succès pour créer des artistes cela se saurait !
Parle-moi de ton cousin Alice Cooper.
Alice Cooper ?
Ben oui Ārty/ Alice…
Ah… Alice Cooper, j’ai dû voir un de ses concert dans ma vie mais avec Alice Cooper on revient aussi au cinéma, car ça me fait surtout penser à « Wayne’s World », le 2 je crois où Alice Cooper fait une apparition. En revanche, si je devais avoir un cousin Cooper, ce serait plus Max Cooper, un producteur de musique électronique qui est juste énorme. Ce qu’il fait est vraiment génial car il travaille énormément sur la dimension visuelle en collaborant avec des artistes graphiques de folie et qui matchent parfaitement avec sa musique.
Pour revenir à ceux de ta génération, en t’écoutant je pensais te comparer à des artistes comme Petit Biscuit ou Madeon, avec un même sens de la mélodie dont on parlait tout à l’heure ?
Petit biscuit, j’en ai entendu, mais j’ai une espèce de culture parfois volontairement limitées, c’est à dire que je ne cherche pas nécessairement l’inspiration dans des artistes qui me ressemblent. Je me dis, au contraire que ça ne va pas forcément être une inspiration qui sera utile pour moi. J’ai toujours peur de ce risque de la copie et de me dire : « ah c’est cool ce qu’il fait je pourrais faire un truc comme ça ! ».
Je suis tout à fait d’accord avec toi, tu n’es pas journaliste, donc tu n’as pas à écouter tout ce qui se fait et tout ce que font les autres. Ce qui est essentiel c’est ce que tu fais toi, c’est ce que tu veux exprimer. Comptes tu faire des concerts dans un avenir proche ?
Je suis persuadé qu’avoir une culture démesuré fait grandir, mais ce n’est pas instinctif, alors qu’écouter 8 milliards de fois les mêmes artistes en boucle, ça, c’est instinctif chez moi.
Je ne me suis pas encore donné de date sur le live, j’attends un petit peu de voir ce que ça donne avec le COVID, parce que j’ai très peur de me lancer à fond au mauvais moment, parce que ça va être un très gros boulot donc autant bien calibrer ça. Donc j’avoue que pour l’instant je suis un peu timoré à ce niveau-là. Je me focus vraiment sur la production, sur la technique, et sur tout sur la créa.
Pour toi le format album est dépassé, c’est pour cela que tu as décidé de publier un morceau tous les mois ?
J’ai besoin de créer et j’ai besoin d’un retour immédiat, c’est viscéral pour moi. C’est au delà de quelque stratégie que ce soit, c’est juste une envie permanente de créer pour espérer me surprendre. En plus, on ne sait jamais si on sera encore là demain, et dans quel état de santé, donc tant qu’à faire, autant être en phase avec soit, autant faire les choses pour les bonnes raisons et profiter de la vie en faisant des choses qui nous ressemblent.
Tu as réussi à créer un réseau d’aficionados qui attendent ton prochain titre ?
Pour l’instant je n’ai pas encore beaucoup de portée, chaque chose en son temps, il y a bien évidemment l’entourage proche toujours au rendez-vous, merci à eux, et la suite viendra plus tard, d’abord il me faut m’améliorer. Mais tu as raison, la communication est la vraie bataille. On pense toujours que la bataille est sur la créativité, sur la musique, sur la technique, ou sur la com. Je pense que la bataille c’est tout à la fois, mais le plus important reste le fond du projet.
La vraie bataille c’est sur la visibilité ?
Sur n’importe quel projet, il va avoir des gens qui vont aimer, ou qui n’aimeront pas, l’important c’est d’augmenter le ratio si on y pense pour faire voyager avec soit le maximum de monde. Maintenant la visibilité m’amène toujours à une réflexion simple, sommes-nous si important que ça pour que le monde entier doive absolument nous voir ? Une musique qui est sympatoche, qui est bien foutue, mais qui n’évoque que dalle, je pense que c’est un échec en soit, tout du moins potentiel. Dans le sens où il y en a 800 milliards sur Terre, des musiques comme ça. Moi je n’ai pas la prétention de prétendre quoi que ce soit avec ma musique, j’essaye au quotidien de trouver une mélodie qui soit vraiment prenante, qui m’amène ailleurs, qui capte quelque chose, et de la retranscrire de la meilleure manière possible, voilà tout.
Parlons de tes morceaux justement comme « Come Alive »… qui me rappelle Maroon 5.
J’adore Maroon 5 ! S’il y a une inspiration, elle est tout à fait inconsciente.
« Genesis » c’est Depeche Mode rencontre Calvin Harris
Harris fait partie des artistes que je me refuse d’écouter car il est tout en haut de l’affiche, et je ne veux pas courir le risque de l’imiter, même de manière inconsciente justement. Le syndrome de la pale copie c’est un peu une crainte en soit, même si souvent passer d’« inspiration bien intégrée » à « pale copie » c’est très subjectif je trouve…
On parlait de dialogues de films « Gravity » c’est quel film ?
Hé bien justement pas « Gravity » mais plutôt « Interstellar »
« Time » me rappelle Giorgio Moroder…
J’ai honte mais je ne le connaissais pas avant Daft Punk… mais cela fait super plaisir d’être comparé à lui. »