LA MAISON TELLIER : « Avalanche »
Il était… (à nouveau) une fois dans l’Ouest…hexagonal, avec le retour de La Maison Tellier. Car « Avalanche », ce 5éme épisode de leurs aventures en rock aérien majeur delta-plane résolument vers l’Amérique. Western moderne et forcément décalé, ce nouvel LMT nous projette un Cinemascope sonique, large comme les grands espaces qui l’inspire. Et ce cinéma-là se révèle particulièrement addictif.
La Terre est bleue comme une orange, écrivait Paul Eluard. S’il faut en croire sa pochette, pour La Maison Tellier, l’avalanche est forcément rouge sang. Et elle a la consistance pesante du sable. LMT cultive le paradoxe, c’est sa manière de briser le cercle honni de l’ennui et de la répétition. En dix années d’existence, ces enfants du rock de Mumford and Sons, ces arrières petits neveux de Neil Young, ces petits cousins de Manset, Noir Désir et des Byrds ont su imposer un folk rock climatique qui ne ressemble, chez nous, à aucun autre, car il est propulsé par la Force du verbe. Alors, forcément, « Avalanche » s’inscrit sur ce même mode aussi intemporel que personnel. Le titre qui ouvre l’album, « Cinq est le numéro parfait » est un regard autobiographique de la cohésion de la formation Normande. Feeling résolument acoustique et romantique, la chanson est littéralement portée par l’envolée d’une trompette plaintive qui geint, telle une seconde voix. Délicate et tendre, des claps de mains y font office de percussions. On se dit que cela ressemble un peu à Noir Désir, mais en version intégralement unplugged. Avec son sifflement à la Morricone, « Amazone » offre sa mélodie délicate et son refrain envoutant. Et l’on retrouve toujours cette trompette qui s’envole si haut. Silicone et cyclone riment avec Amazone. Comme une certaine tristesse qui coule avec nonchalance et une réelle puissance dramatique échouée sur les bords de … « L’Amazone ». La chanson-titre est une puissante compo, portée à nouveau par une trompette climatique et des guitares country. « J’ai rêvé d’avalanches » me rappelle un peu le Manset de « Vivent les hommes ». Elle sait nous toucher, car elle place l’imagination au centre du jeu. Avec « Quelqu’un d’autre » et sa guitare acoustique folk rock, LMT se fait un peu Neil Young. C’est une spirale sonique évanescente, délicate comme la brume légère flotte au dessus du lac. « On observe nos petits comme des bêtes en cages/ Dans le doute on se méfie, ils ont peut –être la rage… », chante Raoul Tellier presque a capella, sur une guitare sèche et lointaine, à l’instar d’un Bertrand Cantat sous Valium.
Final spectaculaire
« Haut, bas, fragile » sait se montrer si sarcastique lorsqu’il confesse « Moi ce que j’aime vraiment c’est la musique des ascenseurs… ». On y croit, Raoul ! Plus rapide, moins contemplatif, mais émotionnellement explosif, « Beautiful Again » est l‘incontestable hit du CD, impétueux et glorieux comme un crépuscule aveuglant. « Où sont les hommes » n’a semble-t-il rien à voir avec Patrick Juvet. On n’est pas du tout dans le disco, mais c’est pourtant la même interrogation… mais à l’envers et en version Byrds / Manassas, sorte de country fiévreuse et hallucinée. Et toujours la force des mots. « Où sont elles passées les mâchoires carrées ?/ Où sont-elles parties les moustaches jaunies. » Pour découvrir le titre le plus rock de l’album, il faut patienter jusqu’à « 23h 59 » . C’est aussi le plus social, comme le retour de « Un bon français », porté par le même lyrisme introspectif. Il s’achève sur un superbe pont instrumental qui monte en crescendo et toujours avec élégance. Comme dans les films, les lettres FIN s’inscrivent, géantes, avec « Taros ». « Moi je n’étais là que de passage/ Pour écrire des chansons soufflées par le vent », La Maison Tellier se glisse dans les jeans de the Band pour voir le folk rock embrasser le blues, carrément sur la bouche. Final spectaculaire sur instru-générique de fin, et l’on se dit qu’« Avalanche » n’a décidément pas fini de nous ensevelir sous ses good vibes.