KLEZMER AMERICAN RECORDINGS « 1909-1952 »

KletzmerBon, j’avoue… tout cela a un petit côté « Violon sur le toit », mais après le premier sourire, on ne peut que succomber gravement à ce « Klezmer American Recordings 1909-1952 ». D’abord, cela doit être un vieux reste d’atavisme, mais cette musique paradoxalement à la fois festive et triste me parle bien plus que le gefilte fish. Je retrouve un peu de ma grand-mère née à Odessa dans ce double album voyage-dans-le-temps compilé avec passion par ces amoureux du son que sont Blum et Frémeaux.

Cover CD KletzmerLorsqu’ils ont débarqué en Amérique à la fin du 19ème siècle, tous les émigrés juifs d’Europe Centrale ont emporté avec eux à la fois cette culture yiddish, mais également les traumatismes des pogroms vécus. Et lorsqu’ils ont laissé le commerce des shmatès (fringues) pour se lancer dans l’industrie du cinéma, les Louis B. Mayer et autres Darryl F Zanuck se sont souvenus de ce que leurs yeux d’enfants avaient vécu au shtetl, les incendies des ghettos par les cosaques qui encerclaient leur village pour liquider du juif. Ils l’ont juste transposé au western avec, selon les films, les Indiens dans le rôle des juifs et les cow-boys dans ceux des cosaques, ou parfois vice-versa entre villages indiens enflammés ou colons blancs massacrés. En franchissant les portes d’Ellis Island, les émigrés ashkénazes ont conservé en eux ce klezmer qui a pu miraculeusement traverser le temps pour parvenir jusqu’à nous. C’est un quasi-travail d’archéologue auquel se sont livrés Bruno Blum et Patrick Frémeaux pour réunir ce double album. Le premier CD est historique embrassant la période 1909-1926, des classiques interprétés uniquement sur des instruments acoustiques. Le second, plus contemporain s’ouvre majoritairement à des morceaux électriques, notamment dès 1938. Inutile bien entendu de vous dire que la clarinette est en vedette dans ces enregistrements et notamment grâce aux deux virtuoses que sont les clarinettistes Naftule Brandwein et Dave Tarras. Mais, je laisse le micro à Bruno Blum qui saura mieux que quiconque évoquer cette radieuse collection de musiques yiddish…

 

Dave Tarras

Dave Tarras

KLEZMER AMERICAN RECORDINGS 1909-1952

Par Bruno BLUM


Ce coffret vise à montrer différents aspects du klezmer authentique : certains des enregistrements américains fondateurs d’avant 1953. Les Juifs d’Europe centrale (de Paris à la mer Caspienne, de la mer Noire à la Baltique) sont appelés les Juifs ashkénazes, du nom d’un peuple ancien du Caucase situé entre l’Arménie et la Turquie. En 1933 après de nombreuses migrations il en restait environ 9,5 millions en Europe (moins de 3% de la population). Leur religion très ancienne, leur culture et leur langue internationale (le yiddish) différaient de celles des majorités catholiques et protestantes, ce qui les distinguait du reste des gens. Certains étaient mieux intégrés que d’autres, notamment en Allemagne, en Pologne et en France, où l’assimilation des Juifs issue d’un courant des Lumières, la Haskala, les rendait semblables aux autres personnes. Ils se fondaient de plus en plus dans la masse — mais quoi qu’ils fassent, ils étaient toujours considérés être à part.

Naftule Brandwein

Naftule Brandwein

Leurs arts étaient nourris par leur religion et faisaient partie des cultures européennes ; ils étaient imprégnés des œuvres de leurs voisins. En Roumanie, leur musique festive était par exemple très marquée par celle des Tsiganes, un peuple nomade à l’identité particulière, aussi marginale que la leur. Des non-juifs rejoignaient parfois les orchestres (notamment à Prague) ; certains comme Joseph Moskowitz (Roumanie, 1879-Washington, DC, 27 juin 1954) avaient adopté le cymbalum roumain (sorte de cithare dont les cordes sont frappées avec des maillets, écouter son Buhusher Khusid, 1916 et H. Steiner sur Haneros Haluli en 1909). Et en retour, les Juifs influençaient les arts de leurs pays. Depuis l’Empire romain, des trouvères juifs itinérants marquaient la culture européenne. L’Ukrainien virtuose de l’accordéon (ou plutôt un bayan) Mischka Ziganoff (né à Odessa en 1889), était un chrétien qui jouait dans différents styles, pas seulement la musique juive. Dans tous les pays où ils vivaient depuis des siècles, les activités artistiques, culturelles, scientifiques et leur pratique du commerce, de l’artisanat et de la banque (bien souvent les seuls métiers qu’ils étaient autorisés à exercer) permettaient aux Juifs de rayonner en Europe alors qu’ils n’étaient qu’une petite minorité.

Voir la suite de ces précieuses notes de pochette par Bruno Blum sur le site Frémeaux et Associés

 

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